Cette année, l’Europe a vu 40% de forêt brûlées en plus par rapport à toutes les années précédentes. La vague de chaleur et les drames humains ayant même touchés des zones habituellement épargnées, les Européens réalisent les conséquences néfastes du réchauffement de la planète que plus personne aujourd’hui ne réfute. Pourtant, les signaux d’alarme tirés par les scientifiques depuis plusieurs années, voient des réponses faibles, voire inexistantes dans certains pays. Les efforts de quelques uns paraissent dérisoires face à l’urgence climatique.

« Mes voisins ont juste eu le temps de filer avec leur voiture et les flammes derrière eux, le feu est descendu de la montagne vers la mer en dix minutes, et les courants d’air ont déstabilisé tout le monde car ils ont totalement changé de sens. » Pascaline a subi de plein fouet les incendies en Grèce de fin juillet. Dans sa maison et atelier d’artiste à Mati, tout ce qui n’a pas brûlé est noir de suie. « Je vis depuis un mois chez une amie. [..] Maintenant il reste à trouver un nouveau lieu de vie. » Ici, le bilan des incendies de fin juillet s’élève à au moins 94 morts, et une trentaine de blessés. Si l’origine des feux semble être, selon les pistes officielles du gouvernement, d’origine humaine, leur propagation a été favorisée par une situation climatique exceptionnelle. Cet été encore, les températures ont été extrêmement hautes avec un déficit pluviométrique de plus en plus grand. Les précipitations se font rares et sont largement en dessous des normales dans plusieurs pays européens, provoquant une sécheresse inévitable.

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Même tendance au nord de l’Europe : la Suède a vu 18 700 hectares de forêt dévastés depuis le début de l’année, contre 454 hectares habituellement. Près de 40 fois plus que la normale saisonnière ! Difficile de nier l’accentuation rapide de la problématique, trop rapide pour être simplement le fruit d’un cycle ou d’un hasard naturel. En Grèce, le gouvernement est jugé coupable d’avoir négligé la présence d’habitations non réglementaires ou l’entretien des forêts. Selon les agences de défense de forêt contre les incendies, le respect de règles de débroussaillement, notamment près des voies de communication et des habitations peut diminuer la propagation, et faciliter le travail des secours. De même, des forêts éclaircies et moins denses réduiraient, selon des spécialistes, le dessèchement des arbres.

Il n’empêche que l’entretien des espaces, tel un cataplasme sur une jambe de bois, n’empêchera ni la sécheresse globale, ni les feux sur le long terme. En 2015, la COP 21 alertait sur la nécessité absolue de maintenir la hausse des températures en dessous de 2 degrés d’ici 2100. Les 195 pays participants s’engageaient en grande pompe à prendre des mesures d’urgence pour réduire leur part de la pollution mondiale, et à développer les énergies renouvelables. Mais le sommet ne fut pas économiquement contraignant et les gouvernements n’ont pas engagé une transition « radicale » à la hauteur des enjeux.

Par conséquent, les émissions mondiales continuent actuellement d’augmenter de près de 2% par an. Nous ne semblons même pas proche d’un début de recul. Pour atteindre les objectifs cités, les émissions de gaz à effet de serre devraient être réduites de 40 à 70%. De plus, il nous faudrait atteindre une économie quasiment neutre en carbone durant la deuxième partie du XXIe siècle pour limiter la hausse de température de 2°C à l’horizon 2100. Malgré l’urgence dénoncée par la communauté scientifique, et subie par les victimes des catastrophes, le grand tournant écologique se fait toujours attendre. La « croissance économique » qui fonde le dogme de l’économie moderne n’est pratiquement pas remise en question par nos institutions. Alors, sur le terrain, les populations subissent sans plus attendre. À Mati, « le paysage est calciné ». Pascaline a de la chance, elle se trouvait à ce moment-là au centre d’Athènes pour le travail. Mais pour elle, « c’est une catastrophe qui a pris tout le monde au dépourvu, faisant de nombreuses victimes prises au piège. »

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L’Europe évite de se mouiller

On peut s’en émouvoir pendant un instant, et regretter d’en être arrivé là. Pendant ce temps, de l’autre côté du globe en Australie, le premier ministre a même abandonné le projet de fixer dans la législation des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, faisant passer au second plan les impératifs environnementaux. Retour au business as usual. En ce qui concerne l’Union européenne, le paquet énergie climat pour l’horizon 2030 n’a même pas de caractère contraignant pour les États membres. Ce paquet s’inscrit dans le prolongement des objectifs précédents mais à l’horizon 2020. Le but avoué était alors de faire de l’Europe le leader mondial dans le domaine de l’énergie propre. Objectif : réduire les émissions de l’UE d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Aujourd’hui, sans être pessimiste, nous en sommes encore loin.

Pourtant, selon le climatologue Jean Pascal Van Ypersele, les objectifs définis pourraient être largement plus ambitieux. Entre autres, concernant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la barre devrait être mise plus haute. Surtout quand on considère que cet objectif a déjà pu être atteint par certains États membres. De même, la part de 27% d’énergies renouvelables est trop faible pour réduire drastiquement l’empreinte écologique du continent. Des réformes structurelles semble donc nécessaires, mais les États membres particulièrement dépendants aux énergies fossiles freinent des quatre fers, et empêchent l’UE d’avancer vers un modèle plus vertueux, sans pour autant devoir nier l’impact des énergies grises liées au renouvelable, somme toute, nettement inférieur. Et pourtant, le dernier sommet européen tenu juin 2018 a vu la question environnementale complètement occultée des discussions, renvoyant le problème, aux calendes grecques. L’économie, par contre, et les exigences de croissance des différents acteurs, reste au cœur du débat.

Pourtant, tous en conviennent, l’urgence d’agir est à nos portes. Pour Pascaline, la destruction de ses photos de famille et ses outils de travail lui rappelleront à jamais que les conséquences du changement climatique se manifestent déjà. Et ceci n’est qu’un tout petit avant-goût de ce qui nous attend.

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