Avez-vous déjà vu le visage de celui qui produit votre salade ? En rempart à un marché globalisé gourmand en transports, happé par les grands distributeurs qui rognent sur les marges des petits producteurs, différentes initiatives commencent à prendre de l’ampleur. Alors que les AMAP se multiplient dans nos quartiers, permettant de redonner un peu de couleurs à une agriculture paysanne mal en point, sur la toile naissent différents sites permettant de consommer auprès des producteurs les plus proches de chez nous. Zoom sur ces maraîchers 2.0 qui se déplacent jusqu’à votre porte comme le laitier au siècle dernier.

Un marché local 2.0 sur votre palier

Lorsqu’ils lancent en 2015 leur site internet et entreprise « Le Comptoir Local », Philippe et Adrien, deux trentenaires décidés à quitter leur emploi bien payé pour « sauver le monde », ont pour ambition d’opérer au plus près des acteurs de leur région. Basé en Île-de-France, Le Comptoir Local est un exemple de ces « supermarchés 2.0 » qui se multiplient sur la toile avec la volonté de promouvoir les producteurs locaux auprès des consommateurs de leur région. L’idée est assez simple : utiliser la force de mise en relation d’internet pour permettre aux paysans et petits producteurs indépendants de vendre leurs produits sur la toile, à une clientèle citadine qui n’a pas forcément accès aux produits du terroir. Une fois la commande passée sur le site, le client reçoit ses produits frais à domicile.

Mettant en relation des consommateurs désireux de pouvoir redécouvrir le goût de produits frais traditionnels absents des grandes surfaces et des producteurs qui souffrent de la multiplication des supermarchés ainsi que de de l’exode rural, ce genre de plateformes semble répondre à deux besoins bien réels et identifiés : « Avec la désertification des zones rurales, les fermes locales voient leur clientèle historique s’en aller. Il leur faut donc trouver de nouveaux canaux de distribution. Paradoxalement, la demande pour leurs produits est énorme. Le constat est qu’il n’y a pas de logistique adaptée pour les circuits-courts », écrivent les deux fondateurs du Comptoir Local, ajoutant par la suite qu’entre 2000 et 2010, plus de 20% des exploitations ont disparu rien qu’en Ile-de-France.

Et c’est probablement là le plus gros frein à la transition : une majorité de gens souhaite globalement mieux consommer, mais n’a pas les solutions abordables à portée de main (ou de clic). Après avoir arpenté cette région aujourd’hui rarement évoquée pour sa richesse agricole, Philippe et Adrien ont réussi à rassembler plus d’une centaine de producteurs locaux triés sur le volet. Sur le site, ce sont désormais plus d’un millier de références qui sont disponibles pour les franciliens, qui reçoivent leurs commandes sous 48h, à domicile.

De l’avantage des circuits courts

Si le Comptoir Local œuvre actuellement exclusivement en Île-de-France (respectant la logique du « local »), il est loin d’être l’unique entreprise à s’être emparée du « marché » au sens propre du terme. Ces dernières années, la consommation des ménages s’est vue influencer par l’apparition de nouveaux acteurs bien décidés à barrer la route aux grands distributeurs et à travailler à une plus juste répartition des revenus de la production et de la vente. En effet, sur les produits alimentaires, les marges instaurées par la grande distribution restent très élevées : de 13% à 27% selon la spécificité des produits. Comme le pointait un article de l’Humanité en avril 2015, les hypermarchés tirent bien souvent plus de bénéfices de la simple distribution que l’éleveur ou le producteur à l’origine du produit en lui-même.

Avec une distribution en circuit-court, c’est-à-dire impliquant au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, ces marges peuvent être réduites, voire supprimées. En allant faire ses courses directement auprès du producteur, au marché, auprès d’une AMAP ou en utilisant une plateforme internet de mise en relation avec les producteurs, on permet à ces derniers d’élargir leurs débouchés tout en gardant le contrôle sur le prix de leurs produits. Ils résistent ainsi mieux à la crise qui frappe leur secteur et les citoyens peuvent directement y contribuer. Quant à eux, les produits bio coûtent généralement moins chers lorsqu’ils sont achetés directement auprès du producteur que lorsqu’ils sont vendus en rayon.

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Sur le plan environnemental, faire appel aux circuits courts offre également de nombreux avantages. Qui dit consommation locale, dit aussi produits de saisons et absence de recours aux importations, donc élimination des émissions de CO2 générées par le transport d’aliments venus de l’autre bout du monde. Autre point positif : les fruits et légumes achetés auprès des producteurs ne subissent pas les normes en vigueur dans les supermarchés : tous les aspects et tous les calibres y sont vendus ! C’est la fin du gaspillage pour les « légumes moches », et le début d’une nouvelle indépendance pour les producteurs. Si aujourd’hui ce type de système dépend uniquement de la bonne volonté des rares consomm’acteurs engagés, demain, une forme de protectionnisme solidaire pourrait concrètement encourager cette transition bien nécéssaire, au nom de la survie des exploitants, de la planète et de ceux qui y vivent.


Sources : C2Laure.com / LeComptoirLocal.fr / Transition-alimentaire.org

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