Portrait ordinaire de jardiniers inspirants, suite. C’est aux États-Unis, dans la région du Vermont, que Jeff Lubell nous emmène à la découverte de son potager débuté en 2007. Après quelques expérimentations, il se lance dans un véritable jardin de légumes vivaces, de baies et de légumes saisonniers. Il peut désormais offrir une alimentation de grande qualité à sa famille et à lui-même, en plus du plaisir qu’il trouve dans le jardinage. Comme beaucoup d’autres en son genre, Jeff Lubell nous partage aujourd’hui son histoire et invite les curieux à en faire de même.
De l’expérimentation au jardin idéal
Avant de s’installer dans le Vermont en 2005, aux États-Unis, faire un jardin potager n’avait jamais vraiment traversé l’esprit de Jeff Lubell. De New York à Jérusalem, ses précédentes habitations n’avaient pas suffisamment d’espace. C’est en observant les récoltes généreuses de ses voisins vermontois travaillant la terre avec passion qu’il réalise que son terrain aussi pourrait donner d’aussi bons résultats. Il commence par planter quelques graines, pour « voir ce qui arrive » et la magie s’opère.
Quelques années plus tard, il achète une maison déjà équipée d’un petit espace de plantation, et continue à se pratiquer en cultivant quelques plantes. Finalement, il décide de se lancer véritablement dans l’aventure d’un potager nourricier. Il lit alors des livres sur différentes techniques de jardinage et se forme. Jeff se rappelle avoir simplement planté « tous les types de légumes auxquels je pouvais penser ! » en guise d’introduction. À l’entendre, rien de plus simple.
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Ce premier jardin fut une réussite, mais il était trop grand. La charge de travail devenait écrasante, d’autant plus que Jeff devait régulièrement s’absenter plusieurs jours pour son emploi. Malgré la construction d’un système d’irrigation au goutte-à-goutte et d’une bonne clôture, il restait trop à faire pour maintenir le jardin en bon état. Il y a 7 ans, Jeff et sa famille ont alors emménagé dans leur maison actuelle. Malheureusement, il va découvrir un peu tardivement que leur terrain n’était pas assez ensoleillé… Un oubli fatidique lors de l’achat du terrain qui lui servira de leçon. Par chance, un de ses voisins possédait un champ vide à proximité, et lui a proposé d’y creuser un potager pour remédier à ce problème. Ils en sont alors venus à leur arrangement actuel : les voisins fournissent la terre et l’eau pour le système d’irrigation, et Jeff plante et entretient le jardin. Les récoltes sont ensuite divisées entre les deux familles, et tout le monde est satisfait !
Ce jardinier du Vermont cultive la terre pour deux raisons principales partagées par beaucoup. La première, c’est qu’il aime la très bonne nourriture. Et la seconde, c’est qu’il apprécie le processus de création d’aliments, comme la culture et la cuisine. Une raison additionnelle était de pouvoir offrir une nourriture de haute qualité à ses enfants, lorsqu’ils vivaient chez lui. « Ils ont grandi en mangeant des tomates et des fruits frais au lieu de bonbons ! » s’enthousiasme Jeff. On pourrait aussi rajouter éventuellement pouvoir s’offrir une certaine souveraineté alimentaire, bien que l’illusion de l’abondance éternelle soit encore très forte aux pays de l’oncle Sam.
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De la diversité à la complémentarité
Actuellement, le jardin fait 14 m². Toutes ses plantes, ou presque, sont cultivées à partir de graines. La moitié du terrain est consacré aux cultures perpétuelles, avec des fruits comme les fraises, les framboises, le chèvrefeuille bleu et les myrtilles. On y trouve aussi des légumes vivaces comme l’oignon rocambole, la betterave maritime, le pissenlit, la patience, les asperges, les échalotes et la rhubarbe. L’autre moitié est dédiée aux légumes annuels ou bisannuels : les artichauts, les brocolis, les choux de Bruxelles, les carottes, le chou chinois, les concombres, les physalis, la laitue, les pois, les radis, les courges, les épinards et les tomates. Jeff a aussi quelques plantes qu’il laisse s’auto-ensemencer, par exemple la mâche, le pourpier d’hiver et la fraise des Alpes. Cela lui permet d’éviter de les replanter chaque année, leur récolte est plus précoce et ces plantes forment un paillis vivant qui garde le sol couvert.
Son choix de cultiver des légumes vivaces s’est fait en partie car la saison de jardinage est très courte, dû au type de climat du Vermont. Car tout jardinier en herbe doit évidemment adapter sa production à sa région et son climat : « Pour pouvoir récolter quelque chose en mai, je dois l’avoir planté l’année précédente » témoigne Jeff. Il utilise le pissenlit, les feuilles de scorsonères ou encore les oignons rocamboles pour cuisiner des sautés en mai, et la mâche, le pourpier d’hiver et de la roquette pour faire des salades. En juin, il ajoute des tiges d’oignons verts et des échalotes comme ingrédient aux sautés pour leur donner encore plus de goût, ainsi que le produit des cultures annuelles à maturation rapide comme le chou chinois et les radis. Il aime aussi expérimenter la culture de nouvelles plantes, comme le cerfeuil tubéreux, dont il apprend les secrets d’années en année : le laisser pousser une deuxième saison permet de récolter les racines plus tôt pour la préparation de délicieux repas.
La plupart de ses légumes annuels sont cultivés sur des plates-bandes surélevées sans support. Après avoir choisi les zones de culture, Jeff prépare le sol en le pelletant pour soulever doucement la terre. Ensuite, il élimine les herbes vivaces grâce à du papier journal, et pose une épaisse toile dans les allées et autour du jardin. Sa forme générale est en peigne, ce qui facilite l’irrigation par la méthode du goutte-à-goutte. Il a dû construire une clôture de 2 mètres pour ne pas laisser passer les cerfs nombreux – et gourmands – dans la région, renforcée par un grillage de poule posé sur le sol pour empêcher les lapins et les marmottes d’entrer. Il amende le sol chaque année avec du compost, du phosphate naturel et du sable vert pour les premières années. Il fabrique enfin son paillis à l’aide de compost et de paille. Pour permettre un meilleur rendement sans épuiser les sols, Jeff pratique aussi la rotation des cultures. Par exemple, sur un terrain de 2 m², il plante des haricots fava puis du chou frisé la première année. La deuxième, il y cultive du chou frisé, du broccolini et du chou-fleur. La troisième année, il fait pousser des épinards, puis des concombres et du basilic. Et enfin, la dernière année, il y met des échalotes et des pois d’automne. Le tout peut parfois sembler sauvage, comme en permaculture, mais chaque plante joue son rôle.
Un exemple parmi d’autres, une passion satisfaisante pour tous
Jeff a plusieurs projets en cours. « Je suis toujours en train d’apprendre, et j’espère continuer à le faire grâce à mes nombreuses erreurs chaque année ». En ce moment, il essaie de développer les mycorhizes pour limiter les problèmes de dénaturation de son sol, et aider ses plantes à mieux se nourrir et se protéger. Il les récolte dans le foin et les mauvaises herbes, et les ajoute à son mélange qu’il épand dans son potager. Il essaie aussi de désherber manuellement de manière à maintenir les mycorhizes dans son sol. Ses nouveaux défis sont de cultiver différentes variétés de physalis et de fèves. Il essaie aussi de faire pousser de l’igname rouge, qui est peu susceptible de donner un bon rendement, mais qu’il trouve amusante à essayer.
C’est d’ailleurs le point sur lequel il lui tient à cœur d’insister auprès des curieux. Pour lui, bien que certaines tâches répétitives ne soient pas particulièrement intéressantes, il veut vraiment pouvoir profiter du temps qu’il passe dans son jardin. Il apprécie lorsque ses deux filles viennent l’aider tant ces moments de bonheur simple s’inscrivent dans les mémoires. Il aimerait aussi que les jardiniers se lancent davantage dans la culture des légumes vivaces : ils sont délicieux, et ils sauvent beaucoup de temps de travail. Enfin, il donne des plants de framboises et de fraises, du chou marin et des bulbes d’oignon rocambole chaque année aux débutants, pour aider les personnes qui veulent se lancer dans un potager. Curieux ? Vous pouvez suivre le jardin de Jeff Lubell sur Instagram.
C.G.