Avec le dérèglement climatique, l’entreprise Total Energies revient régulièrement sur le devant de la scène, et rarement pour s’illustrer positivement. Mais connaît-on vraiment l’ampleur de son crime ? Esquisse d’une firme délétère pour l’ensemble de l’humanité.

281 milliards de chiffre d’affaires en 2022, des bénéfices record et une empreinte carbone désastreuse, tel est le bilan de Total. Le géant français du pétrole est d’ailleurs la compagnie la plus émettrice de CO² du pays (si l’on excepte les émissions indirectes des banques). Sur le plan mondial, elle se classe à la 19e place. Petite biographique d’un géant vorace, devenu incontrôlable.

Un monstre né de la privatisation

À la suite de la Première Guerre mondiale (1914-18), les gouvernements mondiaux érigent le pétrole en ressource cruciale pour leur sécurité nationale du fait qu’il est indispensable à la nouvelle mécanisation des armées. Jusqu’alors dépendant de la Standard Oil américaine et de la Royal Dutch Shell britannique, l’État français tente alors de développer sa souveraineté en matière d’énergie et participe à créer une société pétrolière nationale. C’est une entreprise mixte (mêlant actionnaires privés et publics) établissant un monopole sur l’importation de la matière première : la Compagnie Française des Pétroles. L’Etat en possède à l’époque 35% du capital.

Il faudra attendre les années 50, précisément le 14 juillet 1954, pour que la compagnie se transforme en la marque Total destinée à distribuer le carburant à l’international sous les couleurs bleu-blanc-rouge de l’Hexagone.

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Puis c’est finalement au début des années 90 que la France privatise complètement l’entreprise en renonçant à ses parts, sous l’impulsion du 1er ministre de l’époque, Édouard Balladur. Dans la foulée, la firme absorbe deux de ses concurrents : Elf et Petrofina.

En abandonnant tout pouvoir de décision au sein de la compagnie, le gouvernement de François Mitterrand permet alors à Total de grossir encore et encore, sans surveillance, totalement libre de ses faits et gestes. Depuis, l’avenir a confirmé que ceux-ci se sont  systématiquement tournés vers toujours plus de profits à l’encontre du bien commun.

Total savait depuis 1971

Beaucoup pourraient penser qu’à cette époque le dérèglement climatique ne concernait pas grand monde et que personne n’était vraiment au courant de ce phénomène. Pourtant, au-delà du fait que l’alerte avait été largement lancée par le rapport Meadows, l’enquête de trois historiens relayée par la campagne de Notre Affaire à Tous a révélé en 2021 que Total savait depuis 1971 que l’activité pétrolière aurait des conséquences désastreuses et irréversibles sur la planète.

Et non content d’ignorer ces alertes précoces, l’entreprise a même participé à une campagne mondiale de désinformation orchestrée par les pétroliers mondiaux. Grâce à un lobbying agressif et à une remise en question des données scientifiques des climatologues, Total a pu créer le doute dans l’opinion publique, mais aussi parmi les décideurs politiques, paralysant les capacités d’action d’une société entière et participant ainsi à la désagrégation du monde. Des techniques semblables à celles utilisées par l’industrie du tabac lorsque celle-ci niait le lien entre cigarette et détérioration de la santé.

Champion du greenwashing

Évidemment, avec le temps, plus personne de sérieux n’a pu continuer à contester, ni l’existence, ni l’origine du réchauffement climatique. Alors en 2006, l’entreprise finit également par le reconnaître et lance une nouvelle stratégie pour poursuivre ses profits.

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En montrant qu’elle admet le problème et qu’elle compte s’y attaquer, Total renvoie déjà l’image d’une société concernée. Personne n’est cependant dupe, il s’agit bien d’une vaste opération de greenwashing.

En changeant de nom et en promettant d’investir dans les énergies vertes, la multinationale entend améliorer sa réputation auprès du grand public et s’afficher comme un acteur de la transition écologique. Total passe alors maître dans le domaine de l’écoblanchiment. À tel point qu’en 2021, la firme se fait prendre la main dans le sac et tombe sous le coup d’une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses ».

Derrière les faux-semblants, un géant de la pollution

Car évidemment, à y regarder de plus près, chez Total le gouffre entre la parole et le geste est béant. Dans un important dossier, Reporterre révèle par exemple que, malgré les annonces de son PDG Patrick Pouyanné selon lequel Total « sera dans le top 5 mondial des supermajors de l’énergie verte », l’entreprise prévoit d’augmenter sa production d’énergies fossiles de 15 % d’ici 2030.

Et ce, même si ses émissions sont déjà stratosphériques. Selon les chiffres officiels, elle aurait ainsi engendré pas moins de 455 millions de tonnes de CO² en 2019.  Pire, d’après Greenpeace qui a refait les calculs, la réalité serait au moins quatre fois plus élevée avec un total de 1.637 milliards de tonnes.

De multiples projets climaticides

Quoi qu’il en soit, Total reste sans aucun doute l’une des compagnies les plus nocives du monde pour la planète. Et ses projets récents, plus infâmes les uns que les autres envers le droit humain, les écosystèmes et la paix, sont là pour en témoigner.

Mr Mondialisation évoquait d’ailleurs à plusieurs reprises le scandale de Eacop qui prévoit de faire des ravages monstrueux en Ouganda et en Tanzanie. Ce n’est pas le seul. Afrique, Amérique du Sud, Yémen, et même en Arctique.. l’entreprise s’installe partout sur le globe pour piller les ressources mondiales sans se soucier de tout saccager, travaillant en ce moment-même à pas moins de 6 grands projets mortifères. 

Dans ce contexte, les manifestations contre la multinationale ne cessent de se multiplier contre ces méfaits. Des mouvements qui n’ont souvent eu d’autres réponses, en face, que la répression policière et le mépris des actionnaires.

Des profits colossaux

L’unique but de Total en somme ? Dégager des bénéfices monstrueux, n’hésitant pas même à profiter des diverses crises mondiales comme celles du Covid-19 ou de la guerre en Ukraine pour multiplier les records.

D’année en année, ses bénéfices ne cessent d’exploser. En 2022, les résultats nets ajustés de la compagnie atteignaient ainsi les 36,2 milliards de dollars, le double de l’année précédente ! Avec cette somme rondelette, ce sont les actionnaires qui ont pu se régaler d’une belle part de gâteau estimée à 9,4 milliards.

À l’heure où la France compte toujours 10 millions de pauvres, il est évident que ces chiffres ne peuvent qu’engendrer un profond sentiment d’injustice. De nombreuses voix s’élèvent d’ailleurs pour réclamer une taxe sur les superprofits au moment où plusieurs autres pays occidentaux sont passés à l’acte.

Aucun impôt sur les sociétés en France depuis deux ans

Le pire, c’est qu’en plus de l’absence de taxes supplémentaires qu’on serait largement en droit d’espérer, le géant pétrolier échappe également à de nombreux prélèvements obligatoires grâce à de l’optimisation fiscale.

BastaMag explique ainsi que l’entreprise n’a pas payé un euro d’impôt sur les sociétés à la France en 2020 et 2021, et ce malgré ses bénéfices gigantesques. Il faut dire que Total déclare la majorité de ses profits à l’étranger pour passer sous les radars de Bercy.

Des faits qui devraient sans doute alerter n’importe quel gouvernement soucieux du bien commun. Comment une firme qui dégage autant d’argent tout en saccageant la planète peut-elle garder les mains aussi libres ? Une question dont Emmanuel Macron ne semble pas vouloir se préoccuper beaucoup…

– Simon Verdière

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