Autrefois, il ne faisait pas vraiment de doute pour grand monde que le Rassemblement National était bel et bien d’extrême droite. Mais aujourd’hui, avec une entreprise de dédiabolisation menée par Marine Le Pen, bien aidée par les médias et les libéraux, de plus en plus de personnes remettent en cause cette évidence. On a encore pu le constater récemment avec les déclarations très controversées du fondateur de Marianne, Jean-François Kahn.

Comme expliqué dans notre article « L’extrême gauche et l’extrême droite ne sont pas comparables », il existe une multitude de mouvements identitaires, et le RN en fait définitivement partie. Pour le démontrer, nous rappelons ici huit caractéristiques de l’extrême droite, illustrées par divers exemples.

1. Des fondations liées au nazisme

Évidemment pour prouver l’appartenance du Rassemblement National à l’extrême droite, on peut aisément pointer du doigt son Histoire et ses origines. Lorsque l’on examine par exemple le parcours de ses fondateurs, liés au nazisme, ou quand on se penche sur les multiples positions racistes et antisémites de Jean-Marie Le Pen, il ne fait guerre de doutes sur la nature du parti.

Mais puisque certains rétorquent que « le parti a changé » et que tous ces faits remontent à bien loin, poursuivons ici sur des évènements postérieurs à la prise de contrôle du mouvement par Marine Le Pen : notamment sur les caractéristiques de l’extrême droite décrites par l’historien français Michel Winock ainsi que sur les signes du proto-fascisme évoqués par l’écrivain italien Umberto Ecco.

2. L’autoritarisme et l’obsession sécuritaire

Comme l’ensemble de la droite, l’extrême droite met continuellement en avant l’ordre et la sécurité, quitte à opérer une dérive autoritaire. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que, en totale contradiction avec son prétendu soutien aux intérêts populaire, Marine Le Pen ne participe jamais à une manifestation sociale.

Elle se positionne ainsi constamment du côté du système en place et couvre quoi qu’il arrive la police même lorsque l’on peut constater d’évidentes violences, notamment racistes, sur le terrain. Au sortir de la répression des Gilets Jaunes, elle assurait ainsi qu’il n’y avait « pas de problème de violences policières ». Dans son programme, on trouvait même l’instauration d’une « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre. On n’ose imaginer la bascule autoritaire qu’une telle mesure pourrait entraîner.

Pour servir ses ambitions, elle fait appel aux plus vils instincts des individus en pointant sans arrêt du doigt la délinquance et l’insécurité. Une ligne qui lui permet également de taper sur l’immigration puisqu’elle n’hésite pas à faire un lien entre les deux, et ce même si cette affirmation est démentie par les chercheurs.

Comme toujours, elle n’essaie surtout pas de traiter les causes réelles de la criminalité, mais elle prône une politique de durcissement de la répression basée sur le renforcement de la police, et une justice inflexible. La dénonciation de tribunaux trop laxistes est d’ailleurs souvent associée aux régimes d’extrême droite. De plus, et même si elle a depuis rétropédalé, Le Pen affirmait en 2011 être favorable à la peine de mort.

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D’autres indices inquiétants que l’on retrouve généralement dans les pays autoritaires peuvent être signalés au sein du RN. Le Pen s’est, par exemple, vertement attaqué aux syndicats et a choisi les médias qui pouvaient suivre ses meetings.

Enfin, ses propositions sur la « priorité nationale » remettent clairement en cause la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et ses principes d’égalité et de fraternité. Elle installerait alors une société à deux vitesses où les étrangers seraient moins bien soignés, éduqués, ou protégés des discriminations et même privés d’un accès identique à l’emploi.

3. Le racisme et le nationalisme

C’est sans doute le principal marqueur de l’extrême droite et du RN : le nationalisme. Bien qu’elle se prétende patriote, Marine Le Pen démontre en réalité qu’elle établit une hiérarchie entre les pays et qu’elle y place la France tout en haut.

Ce nationalisme se caractérise particulièrement par la xénophobie et le rejet de l’immigration, considéré comme un fardeau, et sur laquelle Marine Le Pen fait reposer tous les problèmes de la France. Comment compte-t-elle financer les retraites ? Avec des économies sur l’immigration ! Comment soutenir les hôpitaux ? En réduisant les aides aux étrangers ! Comment remédier à la crise dans l’éducation ? En supprimant l’école gratuite pour les enfants non français bien sûr ! Peu importe si ce genre de mesures (en plus de leur inhumanité) n’aurait absolument aucune efficacité pécuniaire, le but est surtout d’être le plus démagogique possible envers son électorat.

La triple candidate aux présidentielles met aussi constamment en avant « l’identité nationale » dont sa vision est purement fantasmée. En 2021, elle déclarait ainsi qu’il « est essentiel de défendre nos valeurs, la laïcité, nos modes de vie, nos mœurs, nos codes qui sont en réalité bousculés en permanence par le laxisme de nos gouvernants face à des revendications incessantes de minorités ». Mais cette exacerbation du sentiment national cache surtout la nature profonde de ce parti, celui du racisme. Même si l’on ne peut bien sûr pas affirmer que toutes les personnes ayant un jour ou l’autre voté pour le RN hiérarchisent les vies humaines, ce phénomène est largement documenté pour un certain nombre de ses membres.

On se souvient par exemple de 2012 quand Marine Le Pen avait croisé un Français d’origine maghrébine lui criant « vive Mélenchon ». Elle lui avait alors demandé s’il avait gagné sa voiture au loto, sous-entendant gravement qu’il n’avait pas pu la payer en travaillant du fait de sa nature.

Bien sûr, les cadres du parti font tout de même attention à leurs déclarations et se défendent de tout racisme. Pour autant, des éléments moins en vue se laissent régulièrement aller et montrent le vrai visage du RN.

En 2013, une ex-candidate aux législatives lâchait ainsi à propos de Christiane Taubira : « je préfère la voir dans un arbre après les branches que de la voir comme ça au gouvernement ».

une candidate RN d’origine algérienne A décidé de se retirer à cause du racisme qu’elle a constaté au sein du parti. Elle accuse alors un cadre de lui avoir lancé « toi et tes enfants, vous êtes bons pour le four ». Un autre militant lui aurait asséné qu’il fallait « tuer tous les Arabes ». En réaction, le RN a porté plainte pour diffamation. Nadia Portheault dénonce une tentative d’intimidation.

En 2015, lors des élections départementales, ce ne sont pas moins de 104 (!) prétendants du FN qui sont épinglés par la presse pour des propos discriminatoires. Constat semblable durant les législatives de 2017 où Marianne avait relevé bon nombre de propos ignobles de la part des aspirants députés, l’un d’eux assurant par exemple que : « la croix gammée n’est pas antisémite, il s’agit d’une interprétation ».

En 2018, Davy Rodriguez, le numéro deux du Front National jeunesse lance à un vigile noir : « espèce de nègre de merde ». En 2021, Rue 89 listait à nouveau une flopée de propos racistes tenus par des candidats RN aux régionales. Parmi eux, Benoît Alessio qui clamait notamment : « Allez crever avec vos migrants », ou « sale race de musulmans (…) je vous souhaite la mort ».

En 2022, les choses se sont encore gâtées pour le RN. Auparavant, il était sans doute plus facile pour eux d’évincer d’ex-candidats gênants. D’ailleurs, certains ont même été désinvestis tout juste à temps. Mais cette année-là, le parti s’est retrouvé à la surprise générale avec 89 députés. Et certains avaient un historique pour le moins embarrassant, comme le rappelait le média Basta Mag.

Le racisme du RN a d’ailleurs une nouvelle fois rejailli avec l’affaire Grégoire de Fournas qui avait hurlé « qu’il retourne en Afrique » à l’assemblée tandis qu’un député noir était en train de parler. Rien de bien surprenant lorsque l’on sait que cet élu avait déjà été pris la main dans le sac auparavant pendant son passage au conseil départemental.

On l’aura compris, le racisme éhonté fait et fera bel et bien toujours parti de l’ADN du Rassemblement National. Et ce même si Marine Le Pen tente de cacher la réalité derrière une devanture toute neuve et repeinte en bleu blanc rouge.

4. Des alliés d’extrême droite

Quoi de plus simple pour analyser l’essence du RN que d’observer ses références à l’international ? Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les modèles de Le Pen sont bien connus pour leur position très à droite sur l’échiquier politique.

En 2017, la fille de Jean-Marie se revendiquait ainsi de la ligne de Donald Trump et de celle de Vladimir Poutine. « C’est exactement la nôtre », disait-elle alors. Bel exemple quand on sait que le premier a régulièrement été épinglé pour son racisme et son sexisme et que le second est notoirement célèbre pour son homophobie et son autoritarisme.

Ses autres références ne sont guère plus reluisantes. Elle avait, par exemple, salué l’élection du brésilien Jair Bolsonaro assurant « ne pas voir » en quoi il était d’extrême droite. Les illustrations de ses pensées racistes, sexistes, homophobes ou encore climato-sceptiques ne manquaient pourtant pas.

On peut aussi citer l’Italien Mateo Salvini bien connu pour son hostilité à la religion musulmane qu’il juge « incompatible » avec son pays, ou bien l’autrichien Heinz-Christian Strache soutien affiché du RN qui a notamment fait partie du gouvernement qui a permis les 60 h de travail hebdomadaire et qui a été balayé par une affaire de corruption. Pour finir, sa proximité avec l’autoritaire et homophobe Viktor Orban n’est pas non plus à démontrer.

5. Passéisme et culte de la tradition

Dans toutes les extrêmes-droites du monde, il existe l’idée que tout était « mieux avant » et que nous vivons une époque de décadence. Cette haine du présent et du modernisme s’appuie sur un biais cognitif bien connu qui fonctionne particulièrement sur les personnes les plus âgées.

Si le champion dans le domaine reste sans doute Éric Zemmour, Marine Le Pen n’échappe pas non plus à cet écueil. En 2022, elle évoquait ainsi la « décadence de notre pays ». Dans son programme, elle parle, de la même façon, d’une volonté de « restauration de notre système éducatif ». On comprend bien par là qu’elle fait référence à un passé fantasmé où l’école aurait été plus stricte.

Cet éloge conservatrice se transcrit d’ailleurs aussi dans son combat contre toutes les transformations de la société. C’est notamment dans ce cadre que s’inscrit sa croisade contre ce qu’elle définit comme « le wokisme » qui rejoint également un refus d’évolution des mœurs. Elle prétend ainsi se battre contre « une menace civilisationnelle qui vise à effacer des millénaires d’Histoire et de culture », en fin de compte, effacer le sexisme et le racisme.

En jouant sur la peur du changement, elle arrive malgré tout à rallier bon nombre d’électeurs à sa cause, allant jusqu’à prendre à la légère des processus scientifiques inévitables comme le réchauffement climatique. Il faut dire que lutter contre ce phénomène remettrait, là encore, en question l’ordre établi.

Marine Le Pen voue aussi un culte à la « tradition » qu’elle considère comme un élément incontournable de « l’identité nationale ». Comme Zemmour, elle fait ainsi l’erreur de penser qu’une culture est immuable et figée dans le temps, alors qu’elle se transforme en réalité en permanence. Et c’est justement cette évolution et ce métissage avec le monde extérieur qui renouvelle sans cesse l’identité moderne d’un peuple.

Et ce soutien des us et coutumes est inconditionnel, même s’il en vient à être contradictoire. Elle arrive par exemple dans le même discours à se dire paradoxalement « très attachée à la protection animale » et à défendre les chasseurs au nom d’une « tradition ancrée à l’origine de l’Homme ». Elle a poussé le bouchon jusqu’à vouloir inscrire dans la constitution la possibilité d’installer des crèches de noël dans l’espace public, remettant directement en cause le principe de laïcité.

Pourtant, c’est bien pour défendre le capitalisme qu’elle prend le parti de l’agriculture intensive qui va pourtant à l’encontre de la tradition paysanne ! 

6. Le sexisme

En toute logique, on pourrait se dire que toutes les femmes sont féministes puisque ce combat défend leurs intérêts. Et pourtant, dans la réalité, comme avec le syndrome du larbin, on en est bien loin. Et comme tous les partis réactionnaires, le Rassemblement National est au contraire un grand pourfendeur de cette doctrine.

On le constate d’abord dans son programme. Comme le rappelle Terra Femina, la cause des femmes y est totalement absente. On n’y trouve aucune mesure contre les violences sexistes et sexuelles (si ce n’est lutter contre le harcèlement de rue dont elle rend évidemment l’immigration responsable) ni contre les inégalités salariales.

Quand Marine Le Pen parle des femmes, c’est surtout pour leur expliquer ce qu’elles ont le droit de porter ou non, comme le voile ou le burkini, une nouvelle bonne occasion de taper sur les musulmans.

Mais la gente féminine est aussi perçue comme un instrument de développement de la natalité que le RN entend constamment amplifier. Là encore, il s’agit d’une mesure à peine dissimulée pour maintenir l’offre de main d’œuvre sans avoir besoin d’avoir recours à l’immigration.

À cela, on peut ajouter les propos sexistes tenus régulièrement par des élus RN. En 2017, l’ancien député RN Gilbert Collard expliquait par exemple qu’être mère était incompatible avec la vie politique si l’on aimait suffisamment ses enfants. Toujours cette année là, en plein conseil régional, un représentant du FN s’exclame : « Vous allez bientôt nous organiser un festival de la Burqa ou de l’excision (…) Et vos élus hommes mettront du rouge à lèvres ».

En 2019, le sénateur Stéphane Ravier propose à une membre d’EELV de la rencontrer « au même hôtel, le même jour, à la même heure », ce qui n’a pas fait sourciller Marine Le Pen. Le député Julien Odoul s’était également illustré en 2021 lors d’un débat sur LCI où il avait rétorqué à son adversaire « je ne suis pas blonde, moi », sous-entendant qu’elle était stupide de ce fait. C’est ce même personnage qui avait attaqué une mère accompagnatrice portant un voile lors d’une sortie scolaire.

7. La censure des libertés individuelles

Marquée par une vision conservatrice du monde, l’extrême droite s’appuie constamment sur un ordre moral qu’elle voudrait imposer à tous. En ce sens, elle prend régulièrement parti contre de nombreuses libertés individuelles. Marine Le Pen s’oppose aussi à leur élargissement à de nouveaux droits comme l’euthanasie, la légalisation du cannabis ou encore la PMA pour toutes (adoptée en 2021).

On l’a par exemple observé lors de plusieurs prises de position des responsables du RN contre l’IVG. L’Humanité avait d’ailleurs recensé des interventions effrayantes : les députés Christophe Bentz et Caroline Parmentier n’ont ainsi pas hésité à évoquer un « génocide », tandis que Marine Le Pen fustigeait en 2012 les « avortements de confort ».

Mais on a aussi pu le constater sur d’autres thématiques comme le mariage pour tous que Le Pen refusait en 2011, le mettant sur le même plan que la polygamie. Le parti n’est, en outre, jamais en reste pour tenir des propos homophobes ou transphobes visant régulièrement une soi-disant « propagande LBGT » dans les écoles. La députée Laure Lavalette décrivait d’ailleurs la transidentité comme faisant partie d’une « théorie nauséabonde ». De son côté, le parlementaire Bryan Masson n’hésitait pas à traiter certains de ses collègues de « tapettes » en 2017.

8. Suprématisme religieux

Un marqueur supplémentaire de l’extrême droite est une volonté de prédominance d’une religion sur les autres. Se disant « extrêmement croyante » Marine Le Pen insiste régulièrement sur « les racines chrétiennes » de la France. Une fable bien souvent contée par les plus conservateurs et qui s’appuie sur un certain regret de l’ancien régime qui, lui, se fondait sur cette religion.

Pourtant, réduire la France a sa monarchie religieuse relève d’un contresens historique important. Ses origines et sa culture sont en effet plurielles et la diversité des cultes sur le territoire a toujours existé. Mais la cheffe du RN a même poussé encore plus loin son discours en affirmant que la France avait pu devenir laïque justement grâce à ses bases chrétiennes. Un moyen détourné de taper sur les musulmans, puisqu’elle expliquait, du même coup, que cette religion serait au contraire incompatible avec la laïcité.

En tenant de tels propos, Marine Le Pen met au jour toute son islamophobie décomplexée. Elle l’a d’ailleurs largement démontré à plusieurs reprises, comme lorsqu’elle déclarait que le « voile est un marqueur d’une idéologie totalitaire qu’est l’islamisme aussi dangereux que le nazisme ».

Les musulmans sont donc devenus les nouveaux boucs émissaires de l’extrême droite, comme l’était jadis le judaïsme. Pour autant, l’antisémitisme est loin d’avoir disparu au sein du RN. On a pu le constater à de nombreuses reprises encore très récemment. Par exemple en 2015 quand une candidate RN aux départementales de 2021 relayait sur sa page Facebook la phrase suivante : « quand tu serres la main d’un juif, tu as intérêt à voir si tu as toujours tes dix doigts ».

Malgré tous ces faits, dans cette période de dédiabolisation de l’extrême droite, de plus en plus de Français continuent à faire la sourde oreille face à cette situation.

L’occasion peut-être de leur rappeler ce que déclamait l’écrivaine Françoise Giroud : « Ainsi commence le fascisme. Il ne dit jamais son nom, il rampe, il flotte, quand il montre le bout de son nez, on dit : c’est lui ? Vous croyez ? Il ne faut rien exagérer ! Et puis un jour, on le prend dans la gueule et il est trop tard pour l’expulser. »

– Simon Verdière


Photo de couverture : Le président russe Vladimir Poutine rencontre Marine Le Pen, chef du parti politique français Front National. 24 mars 2017. Wikicommons

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