Territoire endémique du célèbre panda géant, symbole de la lutte contre la disparition des espèces en devenant l’emblème de l’organisation non-gouvernementale « WWF », la Chine et son vaste territoire abrite le troisième plus grand nombre d’espèces animales au monde. Hélas, comme averti le sixième rapport national[1] de la Chine sur la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, cette riche et unique biodiversité est aussi l’une des plus menacée dans le monde. Selon cette évaluation nationale, basée sur le système de liste rouge de l’UICN, le risque d’extinction des espèces vertébrées et végétales en Chine est supérieur à la moyenne globale. À titre d’exemple, 43% des amphibiens chinois sont menacés d’extinction, contre une moyenne globale de 30,6%[2]. Afin de lutter contre la disparition de sa biodiversité, la Chine vient d’annoncer la mise en place de son tout premier groupe de parcs nationaux qui auront tous pour vocation de préserver l’intégrité des écosystèmes et de la biodiversité du pays. Ces zones protégées couvrent désormais 230 000 kilomètres carrés du territoire chinois, s’étendant de l’extrême nord tibétain aux forêts tropicales de la province insulaire du Hainan. Au lendemain de la publication de la nouvelle liste rouge de l’UICN, cette mesure marque un nouvel effort dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité.
Officiellement soucieuse d’assurer la protection des écosystèmes de son territoire, la Chine a dès les années 40 envisagé la mise en place d’un système institutionnel pour la création de parcs naturels, et créée sa première réserve naturelle en 1956. On dénombre désormais plus de 10 000 réserves naturelles à travers le pays, protégeant ainsi jusqu’à 90% des espèces et écosystèmes présents sur le territoire chinois. Malheureusement, les structures administratives de ces zones protégées n’ont pu assurer la protection effective de la biodiversité et de leurs habitats naturels.
Laissant la gestion de ces réserves naturelles aux différentes autorités locales, la Chine n’a pu se doter d’un système cohérent et harmonieux pour assurer la conservation effective des espèces menacées d’extinction. En effet, de nombreuses réserves naturelles s’étendent sur plusieurs provinces. Dès lors, la fragmentation géographique de ces réserves et le chevauchement des juridictions administratives compétentes ont empêché la mise en place de mécanismes de coordination efficaces pour la gestion de ces zones protégées[1].
Conscient des faiblesses du système fragmenté de protection des réserves naturelles existant, en 2013, le gouvernement central a décidé d’opter pour la mise en place d’un système de parcs nationaux pour assurer une gestion centralisée des zones naturelles protégées. En 2015, le Parti a introduit 10 parcs nationaux pilotes afin d’évaluer la faisabilité et efficacité de ce nouveau mode de gestion unifié du patrimoine naturel. À titre d’exemple, depuis la création du parc national pilote du panda géant, l’intégration des 81 réserves naturelles, s’étendant sur trois provinces chinoises, sous un modèle de gestion administrative unique, a permis de garantir un plus grand respect de l’intégrité des habitats des pandas géants, et ainsi assurer une protection plus effective de l’espèce[2].
Suite aux succès des résultats obtenus pendant ces cinq années tests, la Chine a officiellement annoncé l’établissement de ses cinq premiers parcs nationaux lors de la 15e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique qui s’est tenue en octobre dernier. Les parcs nationaux désormais co-administrés par l’Administration nationale des forêts et prairies et la nouvelle Administration des parcs nationaux couvrent 230 000 km2, garantissant la conservation de près de 30% des principales espèces animales du pays[3].
Une grande diversité d’habitats protégés
Comme l’explique Rose Niu, chercheure à l’Institut Paulson, « La Chine est un pays vaste, aux reliefs diversifiés. En raison de cette diversité de topographie, de reliefs et de types de climats, la biodiversité de la Chine est très riche. On y retrouve pas moins de 34 000 espèces de plantes et animaux. Par conséquent, les réalisations de la Chine en matière de conservation de la biodiversité et de la protection des zones sauvages sont très importantes pour l’avenir de la conservation de la biodiversité mondiale »[4].
Chacun de ces nouveaux parcs nationaux vise à protéger l’habitat de certaines espèces menacées et des écosystèmes essentiels au développement de la biodiversité. Se retrouvent dans ce premier groupe de parcs nationaux[5] :
- Le parc national du panda géant qui s’étend sur les provinces de Schiuan, Shaanxi et Gansu, et qui abrite plus de 75% des populations de l’espèce à l’état sauvage ;
- Le parc national de la forêt tropicale humide de la province insulaire du Hainan, habitat du gibbon à crête, l’un des primates les plus vulnérables de la planète ;
- Le parc national de Sanjiangyuan sur le plateau tibétain de Qinghai-Xizang. Refuge de la panthère des neiges, il abrite aussi les sources des trois plus importants fleuves chinois – le fleuve Jaune, le fleuve Lancang et le fleuve Yangtze ;
- Le parc national des montagnes Wuyi dans les provinces de Fujian et de Jiangxi, qui n’a lui pas pour vocation première de protéger une espèce spécifique mais de servir de banque génétique pour une multitude d’espèces rares et menacées. En effet, s’étendant sur une surface de 1280 km2, ce parc abrite le plus complet écosystème de forêts sempervirentes indigènes, et constitue une réserve inestimable de la faune et de la flore du sud-est de la Chine ; et enfin
- Le parc national du tigre et du léopard de Sibérie, qui dominaient autrefois les montagnes et forêts du nord-est de la Chine, dans les provinces de Jilin et Heilongjiang.
Une valeur particulière pour le patrimoine écologique
Trois critères sont pris en compte lors de l’attribution du statut de parc national. Premièrement, le parc doit revêtir une importance écologique particulière. En effet, il doit abriter une niche écologique unique du pays ou être une zone de protection clé pour les espèces végétales et animales de la Chine. Par ailleurs, il doit être considéré comme « représentatif » de la nation.
Enfin, le troisième critère concerne sa faisabilité en matière de gestion et sa capacité à offrir au public et aux scientifiques des perspectives éducatives et de recherches, ainsi que de permettre aux visiteurs de profiter et admirer ces précieuses ressources naturelles[6]. À cet égard, les parcs nationaux seront divisés en zones centrales protégées et en zones de contrôle général. Les zones centrales protégées ne seront ouvertes qu’à la recherche et exploration scientifiques et éducatives, ainsi qu’aux activités de gestion et de surveillance de terrain. Les zones de contrôle général seront, quant à elles, accessibles au public.
Les habitants au cœur de l’intendance des zones protégées
Outre son objectif de préserver son unique et riche biodiversité, la Chine ambitionne également d’assurer l’harmonie entre l’homme et la nature en établissant un modèle de « civilisation écologique ». En effet, une étude publiée en 2018 a révélé que 99% des régions appauvries de Chine se trouveraient à proximité de réserves naturelles. Dès lors, afin d’offrir des moyens de subsistance aux personnes qui vivent dans les zones protégées, les locaux sont placés au cœur des mécanismes de gestion des parcs nationaux.
Par exemple, dans le parc national de Sanjiangyuang, l’Administration nationale des forêts et prairies a engagé plusieurs milliers de bergers tibétains pour devenir des gestionnaires écologiques ou gardes forestiers, et ainsi participer activement à la protection de la faune et de la flore locales.
Dans un entretien accordé à la CGTN, Li Yuhan, cheffe de projet au centre de la biodiversité urbaine, raconte comment ce nouveau modèle de gestion permet aux habitants de la région d’améliorer leur qualité de vie tout en préservant leur environnement, « Sanjiangyuan est l’une des zones les plus diversifiées au monde sur le plan biologique. Les gardes forestiers locaux effectuent des patrouilles anti-braconnage et placent des caméras avec l’aide des scientifiques pour surveiller la faune locale. Conjointement, les populations locales aident à nettoyer les déchets dans les rivières et montagnes afin de limiter les dégradations environnementales dans la région »[7].
Avec son nouveau modèle de protection des espèces menacées, la Chine s’efforce de s’imposer comme un modèle de conservation de la biodiversité dans le monde, en encourageant le développement d’une plus grande harmonie entre l’humain et la nature. Cependant, à l’instar des autres grandes puissances économiques mondiales, l’appétit productiviste de la Chine semble insaisissable, avec son lot de conséquences écologiques. Le pays poursuit sa croissance infernale fondée en grande partie sur l’exportation de produits manufacturés, le cœur même d’un problème systémique mondialisé.
W.D.
[1] Ibid., https://chinadialogue.net/en/nature/is-china-stepping-up-in-nature-conservation/
[2] CGTN, “China to formally establish its first national parks”, 12 octobre 2021, disponible sur: https://news.cgtn.com/news/2021-10-12/China-to-formally-establish-its-first-national-parks–14ivvjlYt9e/index.html
[3] CGTN, “How China’s new national parks are protecting biodiversity”, 21 octobre 2021, disponible sur: https://newseu.cgtn.com/news/2021-10-21/How-China-s-new-national-parks-are-protecting-biodiversity-14wkMg5cwwg/index.html
[4] Ibid., https://newseu.cgtn.com/news/2021-10-21/How-China-s-new-national-parks-are-protecting-biodiversity-14wkMg5cwwg/index.html
[5] Marcus, L., Deng, S., “China announces its first national parks” in CNN travel, 15 octobre 2021, disponible sur: https://edition.cnn.com/travel/article/china-first-national-parks-intl-hnk/index.html
[6] Global Times, “China announces new criteria for national park applications” in Global Times, 26 octobre 2021, disponible sur: https://www.globaltimes.cn/page/202110/1237351.shtml
[7] Ibid., https://newseu.cgtn.com/news/2021-10-21/How-China-s-new-national-parks-are-protecting-biodiversity-14wkMg5cwwg/index.html
[1] CHM, Sixth National Report, 29 Decembre 2018, disponible sur : https://chm.cbd.int/database/record/C7B6BC32-C06D-B09C-BFF8-7D265F24DBE6
[2] Guo, L., “Is China stepping up its nature conservation?” in China Dialogue, 28 octobre 2021, disponible sur: https://chinadialogue.net/en/nature/is-china-stepping-up-in-nature-conservation/