Le chiffre est démesuré : 101,3 milliards d’euros, c’est le coût annuel estimé de la pollution de l’air, uniquement pour la France. Symbole chiffré d’un désastre écologique, ce gouffre financier vient gonfler en partie la dette Française qui dépasse aujourd’hui les 2000 milliards d’euros.
« Pollution de l’air, le coût de l’inaction »
Ce chiffre astronomique ne sort pas d’un chapeau. Rendues publiques ce mercredi 15 juillet 2015, ce sont les conclusions d’une commission d’enquête qui l’affirment. Présidée par Jean-François Husson, sénateur et homme politique français, la commission était chargée d’estimer l’impact financier global de la mauvaise qualité de l’air sur le territoire français. L’évaluation des coûts portée à 101,3 milliards d’euros (au minimum, selon le rapport) prend en compte les dommages sanitaires de cette pollution atmosphérique autant que ses conséquences indirectes sur l’agriculture, l’urbanisme et les écosystèmes.
Titré « Pollution de l’air, le coût de l’inaction », le rapport accablant a été validé à l’unanimité par l’ensemble des membres qui insistent sur l’aberration autant sanitaire qu’économique de cette situation environnementale française. Avec l’aide d’une centaine d’experts, les sénateurs ont analysé l’ensemble des études en la matière. Ainsi, on apprend que les particules fines présentes dans l’air seraient responsables de près de 45 000 décès prématurés en France. Ce seul coût sanitaire s’élèverait entre 68 et 97 milliards d’euros, sans même parler de la tragédie que représentent ces pertes humaines pratiquement considérées comme un risque usuel dans l’imaginaire collectif alors qu’elles pourraient être évitées.
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Des chiffres en dessous de la réalité
Ces chiffres déjà alarmants seraient en dessous de la réalité, estime la sénatrice EELV, Leila Aïchi, instigatrice et rapporteure de la commission. « Les études jusqu’alors menées comportent d’importantes limites. Elles reposent sur un nombre très restreint de polluants, l’ozone et les particules fines étant les principaux retenus. Les effets cocktail ne sont nullement pris en compte. Et le coût sanitaire de la pollution de l’air intérieur n’est quasiment jamais intégré » explique-t-elle. Par ailleurs, les conséquences non-sanitaires restent difficiles à évaluer, en particulier l’impact des particules polluantes sur les écosystèmes. Comment réagissent animaux et végétaux ? Difficile à dire même si on peut estimer l’impact bien réel.
Le rapport, principalement orienté sur les impacts économiques, met également en avant la baisse des rendements des cultures de blé et de soja imputée à la qualité de l’air. Une qualité également pointée du doigt dans la détérioration des façades des bâtiments qui conduisent à des couts de réparation importants. Sans véritablement pouvoir déterminer avec précision l’ensemble de ces impacts, le coût non-sanitaire de la pollution de l’air s’élèverait, au minimum, à 4,3 milliards d’euros par an.
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Une liste de solutions
La commission va plus loin que le constat économique en proposant une série de 60 pistes pour combattre ce fléau. Les transports sont pointés du doigt en première ligne, en particulier l’exception française en matière de Diesel, particulièrement émetteur de particules fines. Les sénateurs préconisent des déductions fiscales pour ceux qui choisiraient l’électrique ou l’essence en matière de transports. Une mise sur pied d’égalité assez étonnante entre un autre dérivé du pétrole et l’électricité sachant que l’essence est tout autant responsable de bien des émissions polluantes.
Par ailleurs, la commission revient sur le fiasco de l’écotaxe et l’incapacité du pouvoir à créer une fiscalité écologique équitable (pourquoi l’industrie lourde ne payerait pas sa part ?) qui puisse intervenir dans ce coût colossal supporté quoi qu’il arrive par la collectivité. En parallèle, toutes alternatives non polluantes ou écologiques devraient bénéficier d’aides ou d’une exemption fiscale (baisse de la TVA). Enfin, toutes les normes existantes en matière d’écologie devraient être renforcées. Mais cela sera-t-il bien suffisant face à l’ampleur du problème ? Et surtout, le monde politique sera-t-il à l’écoute de ces conseils qui n’ont rien de très contraignants à ce stade ?
La bonne nouvelle, c’est que les décideurs ne peuvent plus rester aveugles à la réalité écologique. Dans un monde qui ne voit que par l’argent, la « traduction » de l’impact écologique en termes de « coûts économiques » bien réels risque de rendre soudainement tous les acteurs publics et privés plus attentifs aux discours des écologistes, régulièrement traités d’écoterroristes ou de khmers verts par les pontes de l’économie triomphante.
Copie du rapport
Source : lemonde.fr / midinews.com / image à la une : Frank Charel / Expo Paris 2008 par le WWF