Nombreuses sont les activités humaines dont on connaît les répercussions sur l’environnement (déforestation, pollution industrielle), cependant ces activités ont d’autres effets moins connus : la pollution sonore. Cette pollution est de plus en plus importante, et met en danger même les espaces naturels les plus reculés. Cet impact invisible des activités humaines, encore assez peu connu, provoque pourtant d’importantes modifications dans les espaces naturels qui ont des retombées sur tout l’écosystème. Explications.

Une étude sur la pollution sonore dans les espaces protégés aux États-Unis

L’étude « Noise pollution is pervasive in U.S protected areas » publiée le 5 mai 2017 par la revue Science alerte sur la menace de la pollution sonore dans les espaces protégés. Cette étude a été menée à grande échelle sur le territoire des États-Unis sur 492 sites. Les espaces protégés représentent 14% du territoire du pays. L’équipe de scientifiques du National Park Service (NPS) et du Colorado State University (CSU) a recueilli et analysé plus de 1,5 million d’heures d’enregistrements acoustiques. Ils ont ainsi calculé l’excès de bruit d’origine humaine par rapport aux niveaux sonores naturels. Les résultats sont sans appel : la pollution sonore anthropologique double les bruits de fond dans 63% des aires protégées, et les multiplie par dix dans 21% des cas. Enfin 14% des territoires qui abritent des espèces menacées sont des territoires dans lesquels les bruits de fond sont multipliés par dix.

Pollution sonore dans les aires protégées aux États-Unis / R. T. BUXTON ET AL., SCIENCE (2017). La carte montre les niveaux de bruit causé par l’homme (dépassement de bruit) entre les parcs, la nature sauvage et d’autres espaces naturels.

L’équipe de scientifiques a notamment mis en cause les bruits liés à la circulation (voitures, trains, avions), les bruits liés à l’urbanisation intensive, et les bruits industriels (les chantiers de construction, et les zones d’activité d’extraction de minerais, de gaz, de pétrole, et de déforestation). Ils ont également remarqué que les zones protégées sous forme de réserves sont davantage soumises aux perturbations des bruits que les zones les plus sauvages et les plus reculées, tout simplement parce que les zones protégées sont plus proches des centres urbains.

L’impact du bruit dans les espaces protégés

Raphel Buxton professeure de biologie à l’Université du Calorado et auteure de cette étude explique que la pollution sonore a des effets sur les espaces protégés : « La pollution sonore est souvent perçue comme un problème inhérent aux villes. Cependant, plusieurs facteurs changent la donne : l’expansion de l’urbanisation, des réseaux de transports et des activités humaines dans les zones rurales. Le bruit affecte les espaces protégés, qui sont un instrument important de conservation de la biodiversité, et qui procurent également des bénéfices aux humains ».

La pollution sonore affecte en premier lieu les animaux, elle réduit leur capacité de survie et perturbe leur reproduction. Les nuisances sonores réduisent de 50 à 90% les endroits où les sons de l’environnement naturel peuvent être entendus. Elles couvrent en grande partie les communications des espèces animales. Elles peuvent avoir des effets directs sur la survie des espèces : certaines plantes ont besoin de silence pour croître et les animaux pour entendre leurs prédateurs. « C’est maintenant prouvé : le bruit des hommes peut empêcher un animal d’entendre d’autres sons importants, qui lui permettent de se diriger, de chercher de la nourriture, de défendre son territoire, d’éviter des prédateurs, d’attirer un partenaire ou de maintenir des groupes sociaux. En modifiant le comportement ou la répartition des espèces-clés, des écosystèmes entiers peuvent être affectés par le bruit. » explique Raphel Buxton. L’environnement naturel modifié, les animaux doivent s’adapter ou disparaissent. Cela entraîne des effets en cascade pour l’ensemble de l’écosystème.

La pollution sonore maritime

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Les nuisances sonores de l’homme ne se réduisent pas qu’aux espaces terrestres. De nombreuses études alarment sur la pollution sonore des navires, des activités industrielles et des sonars militaires dans les océans. Les bruits des moteurs, des hélices, des roulements, les sondes sismiques, les forages, les canons à air utilisés pour détecter la présence de pétrole ou de gaz naturel sous le lit de l’océan, les émetteurs à hautes fréquences des sous-marins militaires, entre autre, peuvent provoquer des ondes sonores très puissantes, jusqu’à 10kHz pour ces derniers, et les propulser à plusieurs milliers de kilomètres.

Les deux principales incidences qu’ont ces nuisances sonores sur l’environnement marin sont les collisions et l’abandon de l’habitat naturel. Par exemple les baleines franches distinguent mal les bruits des navires et les bruits de leur environnement, les collisions sont une des principales causes de leur mortalité. Les nuisances sonores des navires couvrent également les communications des espèces de baleines parce que leurs bruits résultent des mêmes fréquences que les bruits des baleines entre 20 et 300 Hz. Enfin les bruits répétés des navires, ou des constructions industrielles maritimes, notamment en eaux peu profondes ou le long des côtes, dans l’environnement préférentiel des cétacés, poussent de nombreuses espèces à fuir leur habitat naturel. Ces bruits dérèglent les communications des espèces, leur comportement alimentaire, leur comportement reproductif, et peut causer dans certaines conditions des dommages permanents aux tissus de l’organisme de certains mammifères marins.

Des moyens pour réduire la pollution sonore

Plusieurs moyens existent pour limiter la pollution sonore qu’elle soit maritime ou terrestre. Nombreuses sont les aires protégées qui utilisent déjà diverses stratégies de réduction de la pollution sonore telles que l’utilisation de navettes pour réduire les bruits liés à la circulation, ou encore des voies de circulation dans des couloirs de bruit. Cependant, rares sont les aires protégées à posséder ces dispositifs, et l’étude sur les aires protégées des États-Unis montre que ces derniers ne sont pas suffisants. Quant à la circulation maritime, si les navires réduisaient leur vitesse de navigation la pollution sonore irait décroissante.

La mondialisation, le libre-échange, l’exportation, l’urbanisation intensive etc., ces activités humaines menées à l’excès entraînent des répercutions sur notre environnement qui affectent grandement de nombreuses espèces. L’équilibre des écosystèmes s’en voient à nouveau menacé. Bien que de nombreuses études scientifiques le soulignent, certaines personnes ne voient pas l’importance des dégâts que produisent les activités humaines dans l’environnement sans lequel l’Homme ne pourrait pourtant survivre. À quand une prise de conscience globale ?


Sources : sciencemag.org / « Noise pollution is pervasive in U.S protected areas », dir. R.T. Buxton, Science, Vol. 356, pp 531-533, 5 may 2017 / « Sounds from airguns and fin whales recorded in the mid-Atlantic Ocean, 1999–2009 »S. L. Nieukirk, D. K. Mellinger, S. E. Moore, K. Klinck, R. P. Dziak, J. Goslin, Journal of the Acoustical Society of America, 131(2) : 1102-1112, 2012

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