À l’image d’autres YouTubeurs qui ont fait de la plateforme un espace d’expression libre, Monsieur Bidouille expose dans ses vidéos sa passion pour le bricolage. Ne se suffisant pas de présenter certaines technologies, comme l’imprimante 3D, il interroge depuis son atelier les conséquences sociales des nouvelles inventions, rappelant ainsi que la technique pose inévitablement des questions d’ordre politique. Nous avons échangé avec lui à propos de sa vidéo consacrée à la transition énergétique.
« Surtout connu dans le monde des fablabs », Dimitri Ferrière, animateur de la chaîne Monsieur Bidouille, a fait ses débuts dans le milieu en 2013 à Lyon. Particulièrement impliqué, il a été un temps le manager de la Fabrique d’Objets Libres de Lyon. Le jeune homme, qui a étudié la sociologie, s’est lancé sur YouTube après avoir réalisé qu’il manquait à la plateforme une chaîne qui aborderait le mouvement des makers et du DIY d’un point de vu holistique, et pas seulement par le biais de tutoriels.
Selon lui, YouTube est devenu un moyen de « s’exprimer individuellement tout en atteignant beaucoup de personnes ». Il considère notamment que la plateforme offre un espace d’interaction intéressant, non seulement parce que le format est libre, mais aussi parce qu’il est possible d’interagir directement avec les internautes à travers les commentaires pour répondre aux questions et aux critiques. Ni journaliste, ni scientifique, Dimitri Ferrière défend la légitimité de son travail, qui à certains égards va plus loin que ce qu’offrent d’autres médias sur le même sujet, tout en proposant une dimension pratique.
Dimitri Ferrière décrit volontiers sa chaîne comme une « chaîne de niche », sur laquelle il explore les thèmes qui le passionnent. Néanmoins, il essaye de réaliser un travail de fond qui peut convaincre aussi bien les adeptes des tiers-lieux que d’autres internautes. Son meilleur atout, rester pragmatique et factuel.
La transition énergétique est-elle possible en 100% ENR ?
Une approche pédagogique
Pour Dimitri Ferrière, la transition énergétique est un sujet qui est entièrement lié aux questions que se posent les makers. En effet, il ne s’agit pas seulement de répondre à l’urgence écologique, mais aussi de redéfinir notre rapport à la production d’électricité. Le passage aux renouvelables offre la possibilité de s’autonomiser, de multiplier les unités de production de tailles très différentes, et de passer d’un modèle de production centralisé (détenu par une industrie lourde) à un modèle de production déconcentré, plus démocratique, plus flexible et plus résilient. Ces éléments, qu’il introduit en se fondant sur un rapport prospectif de l’ADEME, « Un Mix électrique 100% renouvelable ? », qui expose la possibilité pour la France de se passer des énergie fossiles et de l’énergie nucléaire, font écho aux thèmes abordés par les makers.
La mise en perspective sociologique ainsi que l’humour font partie de la marque de fabrique du YouTubeur, qui, lorsqu’il s’agit de vulgariser des savoirs, se limite rarement à de simples résumés. Ainsi, dans sa vidéo consacrée au rapport de l’ADEME, il ne se contente pas de rappeler les principaux éléments de l’étude, mais s’attache à rapporter plus précisément les données et la manière de les interpréter, que ce soit en faveur ou défaveur des énergies renouvelables. De cette manière, il prend le temps d’expliquer avec pédagogie certaines notions techniques – comme l’utilisation des unités MW et MWh – et entre dans les détails afin de mieux faire comprendre à quoi peut ressembler une production électrique soutenable : inévitablement, cette transition induit l’utilisation de différentes sources comme l’énergie éolienne, le photo-voltaïque ou encore l’énergie hydraulique etc…, mais aussi la mise en place de différentes techniques de stockage.
« Je trouve l’idée de multiplier les sources d’énergie séduisante »
Les explications détaillées de Monsieur Bidouille ne sont pas superflues. Pour cause, force est de constater que la méconnaissance du sujet pousse souvent à des malentendus : un des arguments souvent avancés par les détracteurs de la transition est le caractère intermittent de la production énergétique à partir de sources renouvelables. Or, des solutions existent aujourd’hui. « Le rapport explore plusieurs pistes » précise Dimitri Ferrière : non seulement les énergies renouvelables sont complémentaires et réparties sur le territoire, ce qui permet de lisser la production, mais en plus il est possible « de compenser les trous de production » avec différents types de stockage énergétique, notamment la méthanisation.
Néanmoins, un exposé purement technique ne suffit pas : la manière dont nous produisons et consommons l’énergie relève de choix de société. Se fondant sur les analyses proposées par NégaWatt, Monsieur Bidouille rappelle que la transition énergétique demandera une adaptation : non seulement il faudra réduire nos consommations (sobriété), ce que prévoit également le scénario de l’ADEME, mais en plus il faudra modifier nos consommations. À titre d’exemple, le développement très important du chauffage électrique en France est le fruit d’une politique énergétique qui s’était essentiellement appuyée sur le parc nucléaire national.
Ainsi, toute la richesse de la chaîne de Monsieur Bidouille, c’est de rappeler constamment que les questions techniques ne peuvent se résumer par des chiffres, mais doivent être analysées par le prismes des enjeux sociaux. Ce faisant, tout en conservant l’approche d’un passionné de bricolage, il propose des contenus pédagogiques indispensables pour aborder certains enjeux techniques contemporains.
Source : Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation / youtube.com
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