Dans un contexte où la transition énergétique devient un enjeu de plus en plus prégnant, s’interroger sur la problématique environnementale causée par les batteries et les piles s’avère incontournable. Décryptage d’une fausse bonne idée. 

Depuis les premières piles d’Alessandro Volta au début du XIXe siècle, la consommation des batteries n’a cessé de croître. À tel point qu’elle pose aujourd’hui de nombreux problèmes sociaux, mais surtout écologiques que ce soit en matière de pollution chimique, d’épuisement des ressources naturelles, de dérèglement climatique ou encore de production de déchets.

Une consommation effrayante

Chaque année en France, pas moins de 1,5 milliard de piles et batteries (soit 270 000 tonnes) sont mises sur le marché. À peine 15 % de la masse de ces objets concerne des dispositifs portables, à l’inverse, ce sont les secteurs automobiles et industriels qui utilisent le reste de ces matériaux.

La dynamique ne risque d’ailleurs pas de s’inverser, puisque l’Union européenne a prévu de bannir de la vente les véhicules thermiques en 2035. Et dans cette affaire, les producteurs comptent bien s’en mettre plein les poches. Déjà en 2021, le marché des appareils de stockage d’électricité avait rapporté pas moins de 125 milliards d’euros. En outre, d’ici 2030, les constructeurs automobiles planifient d’investir près de 1200 milliards de dollars dans ce secteur.

Quel impact sur le dérèglement climatique ?

Au niveau climatique, ce domaine est pourtant loin d’être neutre. Ainsi, fabriquer suffisamment de piles pour fournir un kilowattheure d’énergie (ce qui correspond à l’alimentation d’une ampoule de cent watts pendant dix heures) revient à parcourir 457 kilomètres sur la route en diesel.

En ce qui concerne le secteur automobile, si l’on compare uniquement les voitures thermiques aux électriques, il semblerait qu’en prenant en compte le cycle de vie des véhicules, les moteurs à batteries permettent de faire reculer les émissions.

Pour autant, il ne faut pas négliger les conséquences du renouvellement total du parc. La production d’une voiture électrique cause, en effet, déjà deux fois plus de gaz à effet de serre qu’une voiture thermique ; c’est sur l’usage qu’elle finit par compenser, si elle roule suffisamment.

Réutiliser nos produits

Or les véhicules actuels sont déjà sur les routes et leur coût environnemental de production est assumé. Les envoyer définitivement à la casse serait ubuesque.

D’après l’ADEME, la solution la plus probante (outre bien sûr réussir à se passer de voiture) résiderait dans le « rétrofit ». Cette pratique qui consiste à préserver les véhicules actuels tout en remplaçant leur moteur thermique par un électrique permettrait de diminuer nos émissions. En appliquant cette méthode à une citadine, on engendrerait jusqu’à 47 % de gaz à effet de serre en moins par rapport à l’achat d’un véhicule neuf. On observerait également une réduction de 66 % en comparaison avec la conservation d’un diesel. Sur un bus, ces chiffres atteindraient respectivement à 87 et 37 %.

Le même raisonnement peut s’étendre à d’autres produits complexes à fabriquer et utilisant des batteries. Ainsi, mieux vaut par exemple remplacer une batterie usagée d’un téléphone ou d’un ordinateur plutôt que de s’en procurer des nouveaux.

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Une grosse consommation de ressources

Car l’utilisation de batteries, que ce soit pour un véhicule ou pour autre chose, exige également de grandes quantités d’énergie et de ressources. Pour fabriquer une simple pile alcaline non rechargeable, il faut ainsi consommer cinquante fois plus de puissance que celle-ci pourra en fournir dans son existence.

En outre, pour se procurer les matériaux essentiels à la construction de ces produits, il est nécessaire de mettre en œuvre d’importants moyens d’extraction minière qui sont loin d’être sans conséquence pour l’environnement. La question de l’eau dont l’utilisation massive est indispensable pour le procédé est notamment au cœur des débats.

Une pollution importante

L’extraction des matières premières nécessaires à la conception de ces objets entraîne évidemment d’importantes pollutions environnementales en particulier au niveau des sols et des cours d’eau, mais également pour la santé des travailleurs.

Par ce processus, les terres peuvent devenir stériles et les sources peuvent être souillées ou acidifiées. Des incidents qui ne sont pas non plus sans conséquence sur la biodiversité locale puisque l’habitat de nombreux animaux peut aussi se trouver affecté.

En fin de vie, les piles et batteries peuvent de même finir dans la nature ou bien dans des décharges où elles sont parfois enfouies ou incinérées. Des phénomènes qui libèrent évidemment des produits toxiques, comme des métaux qui peuvent contaminer l’environnement pour des années. Le mercure qui peut être contenu dans certaines piles peut par exemple polluer 400 litres d’eau ou 1m3 de terre pendant 50 ans.

La question sociale également sur le tapis

Outre le désastre environnemental au niveau mondial, les conséquences sur les peuples habitants les régions concernées sont aussi colossales. Entre la dégradation des sols et la consommation de ressources, les locaux sont largement victimes des dégâts engendrés par cette industrie. C’est particulièrement le cas en Amérique du Sud où les habitants n’ont de cesse de protester.

Les travailleurs exploités pour mener à bien ces extractions sont également bien souvent maltraités, entre salaires de misère, conditions d’exercice déplorables et mis en danger de leur santé, notamment par l’exposition à des agents polluants. En Afrique, dans les mines artisanales de cobalt, ce sont même parfois des enfants qui sont poussés à la tâche.

Quelles alternatives ?

Évidemment, il existe comme toujours quelques solutions pour diminuer l’impact du problème sur la planète. Le recyclage fait bien sûr partie des outils qu’il convient de déployer massivement. Il est en effet encore trop boudé aujourd’hui ; plus de la moitié des piles et batteries mises en circulation n’ont pas été collectées en France. Pire, 18 % finissent même aux ordures ménagères. Des chiffres qui pourraient probablement être améliorés avec plus de sensibilisation.

On pourrait aussi valoriser quelques solutions technologiques, comme les piles rechargeables, de nouvelles batteries plus écologiques à base d’algues, ou bien cette invention française d’une pile de faible énergie 100 % biodégradable et composée de papier, de sucre, et d’enzymes. Le champ des low-tech est également à explorer. 

La sobriété comme unique solution

Pour autant, il est crucial de ne pas perdre de vue que la réponse politique ne peut venir seulement de l’innovation technologique. Nos ressources n’étant pas infinies, il faudra plutôt accepter de changer nos modes de vie et se tourner vers la décroissance.

Si les citoyens peuvent probablement faire leur propre remise en question sur leurs véritables besoins, il sera aussi indispensable de pousser les pouvoirs publics à légiférer en s’interrogeant sur les produits qui devraient subsister dans le monde de demain.

Pour nous permettre d’être plus sobres, il sera également nécessaire de lutter contre l’obsolescence programmée et utiliser l’énergie manuelle lorsque cela est possible. Mais pour en arriver là, sans doute faudra-t-il d’abord repenser notre société et mettre fin à la fièvre de la consommation dont le système capitaliste est en grande partie responsable.

– Simon Verdière


Photo de couverture de Kumpan Electric sur Unsplash

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