Allons-nous pouvoir substituer le cuir végétal au cuir animal et ainsi en finir avec l’une des industries les plus polluantes au monde en plus d’être moralement discutable ? Des chercheurs et designers de plus en plus nombreux en font le pari, redoublant d’ingéniosité pour produire un matériau solide, tout aussi résistant et souple permettant de façonner chaussures, manteaux, sacs à dos et autres effets vestimentaires du quotidien. Dans un reportage à ce sujet, Arte part à la rencontre de ces précurseurs et nous propose un reportage éclairant sur cet avenir possible sans souffrance animale. 

Faut-il chercher une solution alternative au cuir animal ? Pour beaucoup, ça ne fait plus aucun doute. Tous les ans, les peaux de plus de 1 milliard d’animaux sont utilisées au profit de l’industrie du cuir. S’il est aujourd’hui possible de produire un cuir végétal ayant des propriétés semblables à celle du cuir animal, tout en évitant les souffrances liées à la production de ce dernier et leurs externalités environnementales, le changement des mentalités est lent et provoque souvent de vieux réflexes conservateurs. Pourtant, en pleine crise écologique globale, la peur du changement semble un argument bien peu léger pour justifier une certaine forme d’indifférence.

Les conséquences sociales et environnementales dramatiques de la production du cuir animal

Selon l’ONU, 80 % du cuir provient de pays en voie de développement où il est produit par des travailleurs et travailleuses à faibles revenus, au prix d’incidences environnementales importantes. Ainsi, même si les chaussures et manteaux portent la mention « fabriqué en France », il y a néanmoins de fortes chances que seules les dernières étapes du processus aient eu lieu localement alors que la matière vient, elle, de l’autre bout du monde. Les filières ne sont que peu contrôlées et les pires dérives ont pu être constatées ces dernières années.

En 2013, l’ONG Envol vert accusait le secteur d’être à l’origine d’une déforestation importante estimant qu’une part croissante des chaussures en cuir vendues en France provenait de Chine, où elles avaient été produites à partir de peau animale d’Amérique du Sud. En bout de chaîne de cette industrie, on retrouve les exploitations de bœufs, également élevés pour leur viande, et pour lesquelles des forêts entières sont abattues afin de créer de nouveaux pâturages ou produire du soja transgénique (nourriture première du bétail). Fait notable, selon l’ONG, près de 65 % du cuir utilisé au niveau mondial est d’origine bovine. Et si tous les animaux abattus pour leur peau ne finissent pas systématiquement dans une assiette, ces deux industries ultra-polluantes fonctionnent de pair.

Mais ce ne sont pas seulement les conséquences environnementales qui sont en cause, mais également les conséquences humaines. Le processus de tannage du cuir est particulièrement nocif pour la santé notamment en raison de l’utilisation de chrome, qui se transforme en chrome VI pendant le processus chimique utilisé pour la fabrication du cuir : si pour le consommateur le risque est relativement peu élevé, les ouvriers du secteur sont plus régulièrement surexposés à la substance, qui est pourtant cancérigène.

Ces dernières années, plusieurs enquêtes et reportages ont d’ailleurs mis en lumière les conditions sociales dramatiques dans lesquelles le cuir est produit. C’est ainsi que le documentaire « Cuir, les forçats de la mode » de Nicolas Daniel révèle les dessous des peaux tannées en provenance du Bangladesh, où les travailleurs sont exploités pour un revenu parfois inférieur à un euro par jour et sans aucune protection. Une exploitation qui n’empêche pas ce cuir d’être revendu à très haut prix en occident, faisant la richesse de certaines marques et commerçants au passage.

Tannery Worker at Fes, MoroccoDes produits « durables et responsables »

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Face à ces critiques, le cuir végétal est plein de promesses et a été maintes fois plébiscité ces dernières années, notamment pour ses nombreux avantages écologiques et sociaux. Contrairement aux idées reçues, il répond à des caractéristiques semblables à celle du cuir animal par sa souplesse et sa résistante, tout en étant aussi durable dans le temps. Il possède l’avantage d’avoir un impact sur l’environnement significativement plus faible que son similaire animal, et la chair du fruit peut-être, elle aussi, utilisée comme nourriture pour les humains. Il est enfin possible de teinter la matière à partir de pigments végétaux.

Mais pour le moment, les applications à grande échelle restent rares, si bien qu’il reste difficile de trouver des habits en cuir végétal dans le commerce à ce jour. Les marques ne se donnent pas la peine de prendre le virage de la transition tant qu’elles ne voient pas un intérêt économique. Difficile de rivaliser avec l’offre abondante et pas chère du cuir animal, dont le prix est le fruit de nombreuses externalisations sociales. Néanmoins, la demande en cuir végétal se faisant croissante, le milieu de la mode s’intéresse timidement à cette alternative. Arte nous fait découvrir certains de ses secrets et les pistes qu’il reste à explorer pour en faire une généralité.

Crédit image : Arte / Xenius

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