L’Homme et le chimpanzé partagent plus de 98% de leur ADN. Une parenté qui rend l’animal sensible à certaines maladies humaines comme le Covid-19. Et si l’épidémie est en recul en France, ce n’est pas le cas en Afrique où humains et chimpanzés restent particulièrement vulnérables. Le point.

Alors que la France est déconfinée depuis le 11 mai, la menace du Covid-19 en Afrique reste bien présente. En effet, le continent a été touché plus tardivement et faute de moyens adaptés, peu de mesures ont pu être mises en place pour limiter la propagation du virus. Selon APR News, la reprise des vols internationaux est prévues mi-juin ce qui pourrait prolonger cette crise sanitaire et impacter la survie des grands singes comme celle de notre plus proche cousin, le chimpanzé. Déjà disparu dans quatre pays d’Afrique, il est également en voie de disparition dans les autres régions où il est présent. Comme l’humain, il peut attraper le virus et mourir de diverses complications sans aucune prise en charge possible.

En effet, l’être humain fait partie de la famille des grands singes et partage notamment avec les chimpanzés plus de 98% de son ADN. Cette proximité rend les chimpanzés très vulnérables aux maladies humaines. Ils sont d’ailleurs particulièrement sensibles aux pathologies respiratoires et développent même régulièrement des formes plus graves et plus dangereuses. Un simple rhume peut par exemple s’avérer fatal pour un jeune chimpanzé. Il y a quelques années, le virus Ébola qui avait fortement touché la population africaine avait également tué des milliers de chimpanzés sur son passage. Ajouté à la déforestation et au braconnage dont ils sont déjà victimes, le Covid-19 est une menace supplémentaire pour leur conservation et inquiète les spécialistes.

Mêmes origines, même destin ?

Les chimpanzés nous ressemblent autant sur le plan physique (pouce opposable, absence de queue…) que sur le plan physiologique (espérance de vie d’environ 60 ans, gestation de 8.5 mois…) et social. Comme nous, ils sont capables de concevoir et d’utiliser des outils. Ils vivent aussi en famille et la relation mère-enfant est fusionnelle. Ils s’embrassent, s’étreignent, se disputent, montent des alliances et communiquent via des vocalises élaborées. Leur structure sociale est relativement proche de la nôtre.

Cependant quand le nombre d’humains sur terre ne cesse d’augmenter atteignant actuellement le chiffre vertigineux de 7 milliards d’individus, celui de notre plus proche cousin chute considérablement. Il resterait actuellement moins de 300 000 chimpanzés sauvages dans le monde (selon Projet Primates) ce qui représente la capacité d’accueil de 4 stades de France. Ils étaient près de 2 millions au début du 20ème siècle.

Quelles seraient les conséquences de leur disparition ?

Le chimpanzé, comme toute espèce sur Terre, est essentiel à notre écosystème et particulièrement aux forêts qui sont à leur tour indispensables à notre survie. Animal emblématique, le chimpanzé est aussi une espèce parapluie. En préservant son territoire qui se veut vaste et forestier, nous pourrons également sauvegarder une multitude d’espèces méconnues et tout aussi en danger.

En se déplaçant, les chimpanzés agissent également comme des jardiniers. Ils élaguent les branches mortes lors de leur passage et permettent ainsi la croissance des plantes de sous-bois, ce qui favorise la régénération de la forêt. Ils assurent également la dissémination des graines puisqu’ils consomment feuilles et fruits à pépins et se déplacent chaque jour sur plusieurs kilomètres.

Ces forêts ainsi préservées sont également un atout majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique par leur absorption du CO2.

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Le covid-19 : une leçon ?

Il est grand temps pour l’être humain de se souvenir qu’il fait lui aussi partie de la biodiversité.

Céline Danaud, directrice de l’association Projet Primates France, affirme : « Faire le lien entre notre rapport destructeur au vivant et ce qui nous arrive aujourd’hui est très important. Nous ne pourrons pas éviter de nouvelles crises sanitaires sans remettre fondamentalement en question notre rapport aux animaux et à la nature dans son ensemble. » Selon l’OMS, 60% des maladies infectieuses humaines proviennent des animaux et principalement d’animaux sauvages. « Empiéter sur leur territoire, détruire leur habitat naturel, les chasser, les commercialiser et les consommer nous expose à des pathogènes contre lesquels nous ne sommes pas immunisés. Espérons que cette crise sanitaire mondiale nous ouvrira les yeux afin de mieux cohabiter avec l’environnement végétal et animal qui nous entoure. »

De l’espoir ?

Les chimpanzés ont plus que jamais besoin d’aide. La sous-espèce présente en Afrique de l’Ouest (chimpanzé « verus ») est classée selon l’échelle de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) en danger critique d’extinction. C’est le plus haut niveau de cette échelle avant la disparition de l’espèce en milieu naturel.

Certains organismes comme le Centre de Conservation pour Chimpanzés en Guinée (CCC) luttent activement contre la disparition de notre cousin. Ce sanctuaire tente, en étroite collaboration avec les autorités locales, de sauver les chimpanzés victimes du braconnage et du trafic animalier. Le CCC recueille, réhabilite et réintroduit dans la forêt, lorsque cela est possible les chimpanzés qui lui sont confiés tout en sensibilisant les populations locales à la préservation de l’environnement dans sa globalité. On estime que, pour un seul bébé chimpanzé vendu, 10 autres ont été tués dont sa mère.

En effet, les orphelins sauvés par le centre arrivent souvent dans un état physique et psychologique délabré. Tita est par exemple l’une des survivantes prises en charge par ce centre. Elle est arrivée bébé en décembre 2017 dans un état de détresse absolue. Sa mère a été tuée sous ses yeux et sa grande sœur battue à mort alors qu’elle tentait de la protéger. Un de ses bras était cassé et ses ongles arrachés.  De nombreuses brûlures de cigarettes étaient visibles sur son corps et il a fallu plusieurs mois à Tita pour commencer à rire et s’amuser de nouveau. Elle a désormais rejoint d’autres chimpanzés et réapprend à vivre dans la forêt, pour un jour peut-être, rejoindre le milieu sauvage.

Depuis sa création, le centre a accueilli approximativement 100 chimpanzés de tout âge en coopération avec les autorités guinéennes et se bat tous les jours pour la protection de notre plus proche cousin. Cette pandémie représente également une menace pour la survie du centre en lui-même, qui voit aujourd’hui ses ressources diminuées à cause de la crise économique. Le CCC va devoir en 2020 relever bien des défis.

La Guinée fait partie des pays d’Afrique de l’Ouest les plus touchés par le Covid-19 mais c’est aussi un pays où subsiste encore de belles populations de chimpanzés sauvages. Le parc national du Haut-Niger dans lequel est implanté le centre est même considéré comme un haut-lieu de conservation pour les chimpanzés. L’espoir est mince mais il est bel et bien là tel un rayon de lumière. Agissons ensemble.

Lilou TRESPEUCH

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