Depuis que nous enquêtons sur le dropshipping, nous recevons des dizaines de témoignages nous alertant sur le cas particulier des Gargouilles. Ce nom vous dit peut-être quelque-chose ? Pas étonnant. En quelques mois, la marque de « lessive alternative » a littéralement inondé le web de publicités. Du post sponsorisé à la vidéo Youtube, via un marketing agressif et un greenwashing affolant, les Gargouilles tentent de vendre des boules de lessives « révolutionnaires » et écologiques… en plastique ! Cherchez l’erreur. À l’intérieur ? Des billes en céramiques low-cost dont l’efficacité n’a jamais été prouvée et dont l’origine reste opaque. Mais si nous recensons autant d’avertissements concernant cette marque, c’est que sa qualité et son authenticité sont fortement remises en doute. Pourquoi la boutique ne possède-t-elle que des avis positifs sous ses posts ? Comment parvient-elle à faire passer pour éco-responsable un produit en plastique disponible sur Aliexpress pour quelques centimes seulement ? Enquête.
Plus c’est gros, plus ça passe. Ce serait là toute la stratégie des Gargouilles. Repousser les limites du dropshipping pour se barricader derrière une méthode plus insidieuse, baptisée marque blanche. Définition ? Le fournisseur, souvent low-cost, rend disponible ses produits sans logo sur son site pour quelques centimes l’unité. Mais la marque blanche, au lieu de revendre cette marchandise telle quelle, personnalise d’abord le gadget à l’effigie du revendeur. Cette étape supplémentaire de packaging implique parfois du stockage, mais n’empêche pas l’origine low-cost, ni la marge indécente. Elle permet, au contraire, d’encore mieux camoufler ces aspects derrière une image pseudo-engagée, locale ou écologique, aidée par ce fameux estampillage marketing. Aussi, pour mieux emballer l’internaute soucieux de sa consommation, n’est-il plus question de simples artifices en ligne, mais également d’un packaging qui vend le rêve d’une entreprise fiable et crédible. Du dropshipping 2.0.
Le Greenwashing est partout. De nombreuses marques se laissent tenter par l’entourloupe commerciale, même chez les géants de la distribution, à hauteur de 42% selon la Commission européenne. Chaque cas mérite indignation. Particulièrement décomplexées, ces intoxications commerciales font émerger une mode nuisible, protégée de tout soupçon au nom de l’écologie, banalisant un filon dont l’échelle impactera directement le secteur de l’artisanat et les transitions réellement zéro-déchets. Des clones de ce colifichet sont par ailleurs, dores et déjà, en pleine éclosion un peu partout sur internet…
Leur modèle de référence ? Une Gargouille qui se présente comme « l’alternative saine, écologique et plus économique que la lessive traditionnelle » lavant « naturellement le linge sans salir la planète » . Séduisant. Du verdissement terminologique pour vendre une simple boule en plastique. Voilà tout ce que les clients achètent en fin de compte, et tout ce sur quoi peut compter la marque pour liquider son produit-gagnant. Car à défaut de proposer une véritable solution lavante, efficace et non polluante, l’entreprise noie les internautes sous des flots d’écoblanchiment. De leur vitrine, au colis, en passant par leur communication sur les réseaux sociaux, les Gargouilles récupèrent sans scrupule le drame que vit aujourd’hui notre planète pour distribuer tout ce qui symbolise justement notre funeste modèle industriel : utilisation de plastique, fabrication opaque, expéditions depuis des usines inconnues et délocalisées, incitation à la consommation, vacuité du produit… Et ce travestissement éhonté ne fait pas dans la demi-mesure, allant du slogan accrocheur, à la promesse d’une action caritative et d’un engagement sur le terrain, séduisant les associations par de gros chèques.
Du plastique pour être écologique ? Les Gargouilles au paroxysme du greenwashing.
Les Gargouilles sont-elles une « alternative zéro déchet aux lessives polluantes » ? Sans avoir à creuser bien loin, l’argument de vente écologique de la lessive est derechef ébranlé par le matériaux de fabrication utilisé : du plastique. Remplacer un bidon en pétrole, par une boule en pétrole pour sauver la planète : il fallait y penser ! Et puisqu’aucune information ne circule, ni sur le site des Gargouilles, ni sur internet, à propos du processus de création de ces boules, on ne peut qu’imaginer l’empreinte carbone générée par une telle production : importation du plastique par tonne, traitement, coloration, moulage, alimentation des machines, packaging, expédition… Mais soit, c’est un détail, certains diront. Avançons.
Bien que les Gargouilles se vantent d’avoir éliminé le liquide nocif des détergents industriels classiques, ils ont toutefois réussi un tour de force anti-écologique magistral : faire disparaître le plastique du contenant…à l’intérieur de la machine ! On sait déjà que l’une des sources de plastification des océans est le rejet de microparticules plastiques issues des fibres textiles qui s’écoulent dans les eaux d’assainissement à chaque machine. Des déchets invisibles qui finissent leur voyage dans les fleuves et ruisseaux, jusqu’aux fonds marins. Mais qu’en serait-il de celles qui se détacheraient d’un jouet en plastique maintes fois tambouriné dans un brassage à plusieurs degrés ? Aucune mention ne certifie la qualité et l’infaillibilité de ces ballons-passoires, aux découpages dentelles plutôt fragiles. Les Gargouilles se trahissent d’ailleurs elles-mêmes en indiquant qu’une boule s’use au bout de 1500 lavages. Comment s’abîme-t-elle si ce n’est dans la machine en libérant de grandes quantités de plastique ?
Et parce que la validité écologique ne se mesure pas qu’à ce qu’elle remplace, mais également à ce qu’elle met sur le marché : que faire des ces milliers de boules usagées ? Les Gargouilles prétendent les recycler : Comment ? Où ? Par qui ? Dans quelles proportions ? Encore une fois, c’est le black-out total. L’important, c’est de générer la vente. Un silence qui ne fait pas bon ménage avec l’engagement environnemental mis en avant, surtout quand on sait que plus d’un tiers de nos déchets recyclés finissent quand même dans les mers. La faune marine que les Gargouilles affichent fièrement de bout en bout de leur Instagram ne se souciera certainement pas de la provenance de ces douloureux repas. Un festin plastifié que les Gargouilles contribuent à servir. Leur part de responsabilité se chiffre plutôt facilement : si tous les français adoptaient l’alternative, sachant qu’une Gargouille dure 1500 lavages, qu’il faut 3 Gargouilles minimum pour 6 kg de linge selon le site, et que la France lance en moyenne 20 millions de machines par jour, ce serait tout de même plus de 60 millions de balles en plastique, traitées on ne sait comment, que la nature devrait digérer rien que dans l’hexagone tous les 4 à 5 ans. Sauver la planète en consommant du plastique ? Le capitalisme vert a de beaux jours devant lui.
À l’extérieur, c’est donc peu glorieux. Et à l’intérieur ? Des billes de « bio-céramiques » dont on retrouve des copies un peu partout sur le web, dans les douchettes filtrantes, pour nettoyer l’eau des carafes, en recharge individuelle pour n’importe quelle boule lavante… Des granulés dont la transformation ne semble, donc, pas très artisanale : comment sont-elles extraites et fabriquées ? Où ? A partir de quelle argile ? Dans quelles proportions ? Ces omissions sont à l’image de la marque : un envers du décor opaque, qui empêche toute traçabilité. Difficile de légitimer un tel spectacle, quand on sait que l’écologie ne se réduit pas à des produits alternatifs, mais réunit un ensemble de principes structurels en lutte contre la sur-commercialisation délétère en place. Parmi ces valeurs indispensables à une transition opérationnelle ? Une transparence totale permettant de surveiller les conditions de fabrication d’un produit et, ainsi, d’éviter que le client soit facilement abusé par un engagement écologique qu’il n’aurait pas les moyens de vérifier. Les Gargouilles, en conservant de vieux mécanismes de dissimulation, prouvent que si l’écologie fait vendre, le modèle qui va avec ne bénéficie pas du même succès…
Bien sûr, il va sans dire que les lessives traditionnelles disponibles dans les supermarchés sont bien souvent nocives. Les alternatives efficaces, écologiques et françaises se comptent sur les doigts de la main et ne font pas de promesses intenables. Nul besoin de faire d’étranges compromis en cultivant cette addiction au plastique à laquelle nous a formaté le productivisme. Comment la présence de cette matière toxique dans notre quotidien a-t-elle pu être banalisée au point d’infiltrer sans plus de méfiance nos élans environnementaux ? En réalité, ce dont se gardent bien de parler ces boutiques de lessive à 34,99 euros l’unité (x3 pour une machine!), c’est que des recettes maisons réellement zéro-déchet, très faciles à cuisiner et quasi-gratuites peuvent largement se substituer aux sent-bons exposés dans nos rayons.
Quelques recherches sur internet permettent aisément de trouver celles qui vous conviendront le mieux. Le top 5 de Planète Healthy rappelle notamment que des copeaux de savon de Marseille et de l’eau chaude suffisent amplement. À simplement savoir, si vous choisissez cette option, que quelques ateliers français seulement proposent encore du véritable savon de Marseille cuit au chaudron, nécessitant uniquement de l’eau et de l’huile d’olive. Vous pouvez compter, par exemple, sur le site Alepia qui vend des blocs artisanaux bio : votre lessive vous coûtera bien moins chère, et aucun plastique en cours de route (l’emballage est en carton). Bien sûr, vous pourriez également confectionner le savon vous-même, avec un peu de patience et de savoir-faire. Autrement, pour celles et ceux à qui cette transition semble trop hasardeuse et qui voudraient changer leurs habitudes en douceur, il existe aussi des entreprises honnêtes qui expliquent sans détours leurs conceptions : comme Washaby ou La Lessive de Paris.
En plus de vous éviter d’acheter du plastique, ces lessives fonctionnent vraiment. Parce que le pire, peut-être, concernant les boules des Gargouilles, c’est que leur inefficacité est avérée. Elles ne fonctionnent pas. Ils vendent donc sans scrupule du plastique, non pas en relais à de la lessive, mais à la place de rien, si ce n’est l’effet mécanique du lavage.
Mirage total : vendre du plastique en alternative à … l’eau !
On se félicite parfois d’avoir réussi à réduire notre consommation de déchets. À raison, puisque l’exercice n’est pas donné dans un monde qui nous propose partout ses suremballages parfois difficiles à contourner. Alors quand on nous promet la disparition de nos gros bidons de lessive à l’avantage de petites boulettes qui tiennent dans la paume d’une main, on se réjouit tout naturellement : une lessive, pour moins de déchets ? Le calcul est vite fait. En réalité, entendez : un lavage à l’eau, avec des déchets supplémentaires…
En effet, du côté des Gargouilles, les explications sont formelles, la boule : « augmente la préservation des couleurs de votre linge et améliore le brassage dans le tambour pour une lessive plus efficace » , car le processus des gargouilles créerait « une eau alcaline naturelle qui a pour effet d’éliminer les taches et les bactéries, de nettoyer vos vêtements en profondeur » . Partout, la marque prétend avoir conçu un produit 2.0 qui remplace efficacement la lessive, voire a de meilleurs résultats : « C’est l’alternative zéro-déchet qui fonctionne tout aussi bien, voire mieux qu’une lessive traditionnelle » peut-on entendre dans leur vidéo promotionnelle du 31 octobre 2020 vue par plus de 300 000 personnes. La marque va même jusqu’à prétendre que ses boules peuvent éliminer les virus !
Or, « le magazine Que Choisir n°467 de février 2009 a pour sa part constaté aucune différence entre des lavages à l’eau seule ou avec la boule de lavage. De même pour la FRC (Fédération Romande des Consommateurs) dont les tests en laboratoire sont formels : la boule de lavage ne ferait pas mieux qu’un simple brassage à l’eau. » rappelle ConsoGlobe. C’est sans parler des explications alambiquées démentis par de nombreux experts qu’ils répètent en boucle dans leur vidéo : « Chaque gargouille contient 150 billes de bio-céramique pressurisées et ionisées qui agissent sur le ph de l’eau. C’est un processus qui créé au contact de l’eau une mousse naturelle et une eau alcaline naturelle qui a pour effet d’éliminer les taches tenaces… ». Une « mousse naturelle » ou comment reprendre les anciennes astuces télé-publicitaires des multinationales pour abuser de la méconnaissance scientifique du public à des fins commerciales.
Pourtant, le doute pourrait subsister. Après tout, certains consommateurs semblent vraiment convaincus de l’efficacité du produit. Pour en avoir le cœur net, nous avons fait réaliser des tests en partenariat avec le Youtubeur l’Apprenti Valentin, spécialisé dans la vérification des produits aux promesses miraculeuses. Sans surprise, les Gargouilles ne fonctionnent pas, ou à peine mieux qu’un simple lavage à l’eau grâce à l’effet mécanique naturel. Tous les détails du test et son protocole de contrôle sont disponibles dans la description de la vidéo.
En outre, le site Pseudo-Science.org met en garde contre l’utilisation pernicieuse de termes techniques pour brouiller le consommateur et relève par la même occasion les aberrations qui permettent de créer un besoin là où il n’y en a pas. L’article souligne ainsi que ces boules reposent essentiellement sur le fait que « dans bien des cas, un simple rinçage, sans produit ajouté dans la machine, élimine bon nombre de salissures » . Le magazine Science et Avenir s’est également lancé dans un décryptage instructif des discours de vente généralisés concernant ce produit miracle que les dropshipping et sites éphémères s’arrachent : « Le principe actif de la boule ne serait pas la céramique elle-même, mais les micro-organismes contenus dans l’argile d’origine ayant servi à sa fabrication » mais de rappeler que le procédé de fabrication en question « exige des températures de 1000 à 1300°C. Or, « les micro-organismes les plus coriaces sont des archées qui résistent à 113°C ! », commente Patrick Forterre, chef de l’Unité de biologie moléculaire du gène chez les extrêmophiles à l’Institut Pasteur ». Les Gargouilles vendent donc au nom de l’écologie une bricole en plastique que ne justifie même pas son usage. Une belle manière de répondre à l’urgence dont ils semblent connaître les enjeux…
Eaux troubles : quand les incohérences remontent à la surface !
Plus de preuves ? Le propre d’un commerce opaque est de dissimuler le plus possible d’informations pour jouer aussi longtemps que nécessaire sur un marketing intense et factice. Sauf qu’internet archive quasiment tout. Aussi peut-on se rendre compte de l’ampleur de la supercherie lorsqu’on récupère une capture du site qui indiquait il y a quelques temps d’utiliser 2 gargouilles pour 6 kilos de linge sale, alors qu’elle en prescrit aujourd’hui 3 pour la même quantité. Besoin d’écouler les stocks ?
C’est aussi le cas de la fabrication. Dans une vidéo datée du 31 octobre 2020, l’actrice dit mot pour mot que la marque est « 100% française » et que le produit a été conçu par la boîte. Sauf que l’argument du Made in France, en plus de n’être prouvé nulle-part, est démenti par le groupe lui-même qui répond cette fois-ci dans un commentaire Facebook, à la même période, que ses produits sont fabriqués dans un « atelier en Malaisie » (?). A nouveau, si l’information est réelle : quel atelier, comment, dans quelles conditions ? La boite du produit reçu, comme nous en avons fait l’expérience, ne propose aucune mention d’origine ni adresse légale. C’est sans parler de la présence massive de boules similaires sur le marché chinois low-cost. Les Gargouilles osent prétendre qu’il s’agit de contrefaçons. Nous avons pu déterminer que le nom de domaine les-gargouilles.com existe seulement depuis mai 2020, alors que l’article d’un blog de test matériel faisait la promotion de boules de lessives identiques, déjà bien présentes sur le marché, dès janvier 2020. D’autre part, aucun brevet n’a été déposé par la marque. Rien d’étonnant, ce type de boule inonde le marché depuis des années sur des sites chinois.
Enfin, des témoignages nous remontent des informations particulièrement importantes (disponibles en ligne) concernant la somme astronomique investie par l’entreprise dans la publicité internet : plus de 447 000 euros en moins de deux ans, dont 29 080 euros en moins d’une semaine entre le 10 et le 16 janvier 2021. Sans parler des frais de production des vidéos publicitaires où des acteurs qui alimentent l’intox. Une confirmation supplémentaire que les Gargouilles sont avant tout une vitrine marketing, ayant fait du désastre environnemental son fond de commerce. Pourquoi réellement s’attaquer au problème du plastique en innovant sincèrement grâce aux nombreux matériaux alternatifs disponibles, quand on peut se contenter de vendre l’image de cet idéal en capitalisant des millions au passage ?
Ces centaines de milliers d’euros offerts à Facebook entretiennent une visibilité immaculée, sans aucun commentaire négatif, ni sur les réseaux, ni sur leur site. Selon les nombreux témoignages de nos lecteurs, les critiques négatives des clients entraînent un bannissement systématique. On peut seulement y lire des retours émerveillés dans une orthographe quasi-parfaite, sans aucun contradicteur. À défaut de pouvoir prouver que les messages positifs sont faux (un classique dans le monde du dropshipping), un moyen simple d’épingler la filtration outrancière à l’œuvre sur leurs pages est de cliquer sur le nombre de réponses affichées sous un commentaire Facebook, et de constater qu’ils ont tous disparu… Et c’est encore sans évoquer la disproportions entre les quelques likes, dont plusieurs négatifs (mais impossibles à supprimer), et les nombreuses interactions dithyrambiques.
Mais les véritables avis, eux, resurgissent sur d’autres plateformes indépendantes, à l’image des retours de Signal Arnaques dont ce témoignage, parmi tant d’autres : « Je me suis fait avoir en pensant faire quelque chose de bien et de bons cadeaux pour noël et j’ai même pas reçu le produit. J’ai essayé de contacter le fournisseur et ma banque : rien n’y fait » ou encore celui-ci : « En publiant plusieurs commentaires sur l’une de leur vidéo COM sur Facebook, pour dénoncer l’arnaque, et leur pratique qui me semble bien frauduleuse, j’ai depuis, l’impossibilité de poster des commentaires, et les autres ont été supprimés, sans avoir eu d’explications de leur part… »
447 274 euros la mise en scène, donc. Retenez bien ce chiffre, car il met en perspective un autre engagement loué par la marque… Eh oui, l’affaire ne s’arrête pas là.
Un discours en roue libre : de l’écologique au caritatif, en passant par le féminisme…
Les Gargouilles n’ont pas froid aux yeux. « En plus de ne pas du tout polluer, nous nous engageons à retirer 300 grammes de déchets plastiques pour chaque Gargouille commandée. Notre objectif est clair: nettoyer la planète Gargouilles après Gargouilles » peut-on lire sur leur site. Si nous avons pu constater l’irrecevabilité du premier énoncé, qu’en est-il de leurs opérations de nettoyages de plage, alias « beach cleaning » , dont ils diffusent les vidéos à tue-tête ? Sans surprise, elles sont également truffées d’absurdités.
D’abord, la marque propose de s’inscrire à ces événement grâce à un bouton censé être actif qui ne redirige vers rien. Le site a simplement mis en place un template dynamique pour laisser croire que l’organisation est solide et accessible. Mais s’il est impossible d’y participer, c’est en réalité parce que les Gargouilles ne nettoient pas les plages : ils demandent à des collectifs, qui le font déjà, de porter des t-shirt à leur effigie en contrepartie d’un don ponctuel et, bien sûr, sans jamais mentionner les associations en question pour laisser penser qu’ils en sont pleinement à l’origine. « Nos équipes en plein nettoyage » légendent-ils… Alors qu’il s’agit de bénévoles d’associations bien courageuses. L’une d’entre-elles nous contacte. La société de boules en plastique leur a proposé un chèque à cinq chiffres contre le port de ces fameux t-shirt durant trois jours de ramassage, sous l’œil des caméras. Un don reste un don, n’est-ce pas ? Or, rappelez-vous des chiffres ahurissants dépensés en publicités : pour une marque qui clame haut et fort investir son temps et son argent dans la sauvegarde de la planète, les pourcentages réels se joignent peu à la parole. Pour cause, il s’agit là d’un énième subterfuge pour maintenir les illusions.
Miser sur des actions caritatives est d’autant plus stérile que nettoyer les plages est une démarche qui se révèle malheureusement peu efficace à grande échelle si rien n’est fait sur la consommation elle-même de plastique. Sans une interdiction des produits polluants sur le marché, l’initiative reviendra malheureusement à éponger frénétiquement l’eau du sol, sans réparer la fuite alimentée notamment, par des boules en plastique dans votre machine à laver… Ou comment entretenir la casse pour, ensuite, se vanter de passer la serpillière.
Clou du spectacle ? Parce que l’écologie et l’éthique n’auront pas suffit, il a fallu que la marque se targue de féminisme ! Une manière d’acheter les préoccupations actuelles des internautes plutôt osée. La vidéo promotionnelle sobrement baptisée « Masculinité toxique VS Lessive toxique » , postée le 20 janvier 2021, parle d’elle-même : du pink-washing dérangeant qui répète, encore et encore, les mêmes arguments de vente infondés. Il faut l’admettre, ce marketing social relève du génie. On notera que l’acteur de ce clip estime avoir été floué par l’entreprise et regrette sa participation.
(Comme vous pouvez le constater, l’entreprise a supprimé la vidéo suite à la publication de notre article)
https://www.youtube.com/watch?v=uBtP25YWdQI&t=11s&ab_channel=LesGargouilles
Les Gargouilles, c’est aujourd’hui plus de 25 000 abonnés sur Facebook, 27k sur Instagram, et selon eux, des produits « adoptées par plus de 40 000 français pour un linge plus green » (sans doute plus). C’est aussi des articles de presse promotionnels à profusion, des blogs et des youtubeurs qui garantissent son efficacité contre rémunération. Devant l’ampleur de l’intox, il était de notre devoir d’en informer la communauté éco-engagée, la plus susceptible de se laisser séduire par ce faux marketing très bien pensé. Pour le bien effectif de la planète, par refus de voir des inquiétudes sérieuses récupérées par un vieux modèle en déni de déclin, dans l’espoir réel et précieux d’un changement de paradigme et par souci, enfin, de promulguer une information juste et vérifiable.
Mise à jour 12 avril 2020
Alors que le « business model » des Gargouilles est en plein effondrement, de vastes campagnes publicitaires sont relancées par la marque dans l’espoir d’atteindre de nouvelles cibles commerciales au Canada. Malheureusement, l’opération semble laborieuse. Outre le fait que les modérateurs soient contraints à bannir des dizaines de commentaires critiques, nous découvrons que les « likes » positifs proviennent pratiquement tous de faux comptes asiatiques aux utilisateurs fantômes. Une technique classique qui consiste à acheter des « likes » pour tromper les algorithmes de Facebook ainsi que les acheteurs.
– S.H
Nous remercions tous les internautes ayant contribué à cette enquête par leurs témoignages, recherches et implications volontaires. Ils nous ont été précieux. Sentez-vous libre de participer et soutenir nos travaux sur ce lien.
Sources :
www.resilience-ecologique.com/boules-de-lavage-les-gargouilles-arnaque-ou-pas/
https://www.signal-arnaques.com/scam/view/272968
www.consoglobe.com/boule-lavage-qu-faut-3813-cg
www.sciencesetavenir.fr/decryptage/le-biowashball-la-lessive-perd-la-boule_37016