Les instituts de sondage en plein conflits d’intérêts ?

Qui se cachent derrière les instituts de sondages qui nous indiquent des mois à l’avance les intentions de vote ? Intrigués, deux citoyens anonymes ont mené leur propre enquête et révèlent, dans une vidéo argumentée publiée sur YouTube, le microcosme qu’il existe entre les instituts de sondage, la politique, le monde des médias et celui des affaires. Leurs conclusions laissent songeur.

La vidéo « Il était une fois… les instituts de sondage » interpelle sur le petit monde qui gravite autour des structures à l’origine des enquêtes d’opinion. Elle met en lumière « des conflits d’intérêts en cascade » qui appelle à utiliser cet outil avec prudence. Des outils malheureusement largement utilisés par les médias de masse pour anticiper les votes, avec le risque d’influencer les indécis.

Source

Un microcosme surprenant

Le monde des médias, celui de la politique et celui des entreprises privées forment un entre-soi très fermé au sein duquel gravitent des personnes très proches les unes des autres. Non seulement, il est très fréquent qu’une même personne possède plusieurs journaux, tout en étant principal actionnaire de grandes entreprises, mais en plus, cet univers est traversé de liens amicaux ou familiaux, transformant le tout en véritable microcosme social. À titre d’exemple, Il était une fois… les instituts de sondage montre que Patrick Drahi possède Libération, Le Parisien et L’Express, mais aussi SFR et Virgin Mobile. Autre exemple, celui de la fille de Bernard Arnault (Président de LVMH et possesseur du Journal Les Echos) qui est la compagne de Xavier Niel, un des trois co-actionnaires du journal Le Monde.

Les instituts de sondage sont tout autant concernés par la problématique. Vincent Bolloré, Président du groupe de même nom et Président des conseils de surveillance de Canal+ et de Vivendi, possède, par l’intermédiaire du groupe Bolloré, l’institut CSA, chargé d’études de marché et d’enquêtes d’opinion. L’industriel s’est fait remarquer à plusieurs reprises pour ses tentatives (parfois réussies) de torpiller certains reportages. Autre exemple, celui d’Opinion Way, dont le « Directeur de Cabinet Hugues Cazenave a commencé sa carrière dans le Cabinet de Gérard Longuet, d’abords RPR puis UMP ». Malheureusement, ces situations, parfois ubuesques, présentent un étrange mélange entre intérêts politiques et intérêts financiers. La vidéo, qui souligne toute la complexité des méthodes pour sonder l’opinion, n’appelle pas pour autant à crier à la conspiration. En revanche, les liens étroits entre le monde de l’information, celui de la politique et le milieu économique interrogent, doivent interroger !

La vidéo

https://www.youtube.com/watch?v=VHKNZo0Oco8

Deux citoyens engagés à l’origine de la vidéo

La vidéo a été conçue par Isabeau et son compagnon, deux citoyens qui tiennent à rester anonymes. Ce couple d’enseignants, qui s’attachent à développer « l’esprit critique » de leurs élèves en leur apprenant à « analyser, comprendre, être empathique, rechercher les sources, les intentions d’un auteur », ont été interpellés par l’utilisation médiatique des sondages et ont décidé de creuser la question. Refusant la télévision, ils s’informent « de préférence sur des médias indépendants », notamment Mediapart, ainsi que des chaînes YouTube, parmi lesquelles le Fil d’Actu, Osons Causer et Demos Kratos. Il y a quelques semaines, à l’occasion des résultats de la primaire socialiste, ces deux citoyens ont commencé à s’intéresser au mécanisme des commandes de sondages par les médias.

C’est alors une recherche méthodique qui a commencé, afin de mieux comprendre ce que cachent les chiffres des instituts de sondage. Isabeau et son compagnon ont analysé les différents instituts dont ils font mention dans la vidéo en se posant les questions suivantes : « de qui se compose l’équipe, quels services proposent-ils et pour qui, qui sont les partenaires et les clients, quel est le chiffre d’affaires, quelles sont les publications en ligne, quels sont les liens internet mentionnés et où vont-ils ». Ensuite, en recoupant ces données avec celles relatives aux commanditaires, ils ont établis « les interactions et/ou les implications des différents acteurs ».

Selon eux, la conclusion de ce travail, d’abords personnel, mais dont ils ont décidé de partager les résultats via YouTube, doit inciter à plus de précaution. Pour cause, si on en croit François MIQUET-MARTY, directeur des études politiques de l’Institut LH2, les sondages, une fois couplés à des campagnes de médiatisation favorables, peuvent influencer les intentions de vote en présentant une figure comme un potentiel challenger. Le sondage se fait alors à la fois reflet de l’opinion et aide à la construction de celui-ci. Ainsi, une figure inexistante du paysage politique peut soudainement être perçue dans l’opinion comme challenger potentiel après sa médiatisation. Au contraire, un candidat moins bien placé dans les sondages, accompagné d’une vive critique de son programme et à l’incessant rappel du « vote utile » dans les discours, pourrait subir un recul ou une stagnation de sa popularité.

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Ces réalités questionnent inévitablement. Et si Noam Chomsky avait raison ? Et si le consentement était discrètement fabriqué pour tenter de perpétuer un modèle économique qui profite aux intérêts de ceux qui contrôlent les institutions publiques comme privées ? En tout état de cause, comme en ce qui concerne les médias, une plus grande transparence et de nouvelles règles sont souhaitables pour écarter autant que faire se peut les conflits d’intérêts et rendre la démocratie aux citoyens.


Sources : youtube.fr / Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation

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