36 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté ont moins de 19 ans et 1 actif sur 4 est en situation de « mal-emploi » en dépit de leur travail. À eux seuls, ces chiffres exposent le malaise social que traverse la France. L’Observatoire des inégalités* dresse un état des lieux saisissant de ces inégalités dans un nouveau rapport qui porte aussi bien sur l’emploi, l’éducation ou encore les revenus. Chiffres à l’appui, le document montre que les inégalités se creusent en dépit d’une augmentation des richesses. Sur fond de crise sociale, le « ressentiment » augmente et laisse « pessimiste » les auteurs du rapports, Anne Brunner, Louis Maurin et Nina Schmidt.

Après un premier état des lieux qui avait été publié en 2015, il s’agit du second document de ce type proposé par l’Observatoire des inégalités. Le rapport expose les inégalités qui traversent la société française aujourd’hui et montre que pour la partie la plus pauvre de la population, la situation se dégrade. Si les auteurs du rapport restent neutres, ils n’en mettent pas moins en garde les décideurs publics. Les disparités sociales nourrissent les ressentiments des uns envers les autres et mettent en danger la cohésion sociale.

Les écarts augmentent, les plus pauvres s’appauvrissent

Les inégalités se creusent. Le rapport, qui pointe que 10 % de la population se partage 27,3 % des revenus, rappelle également à quel point le patrimoine commun est réparti de manière inégale : les 10 % les plus fortunés détiennent 47 % du patrimoine. En face, 5 millions de français.es vivent sous le seuil de pauvreté. Une pauvreté qui ne touche pas seulement les personnes qui seraient sans emploi, mais aussi un million de travailleurs. De surcroît, ce sont les personnes non qualifiées qui sont les premières concernées par le chômage : à titre d’exemple, le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est 5 fois plus élevé que chez les cadres supérieurs (respectivement 20,3 % et 4%). Tous les ingrédients sont réunis pour que le cercle vicieux de la pauvreté se mette en marche.

Alors que la situation se dégrade, ces chiffres exposent des inégalités criantes. Comme pour tirer une sonnette d’alarme, l’observatoire des inégalités note « les plus pauvres s’appauvrissent », dans un contexte qui est pourtant de plus en plus délicat : « La lente diminution du niveau de vie des 10 % les moins favorisés, constitue un retournement historique […]. Que les riches s’enrichissent, c’est monnaie courante ; que les pauvres s’appauvrissent, cela change la donne. Ce choc nourrit une haine envers ceux qui continuent à profiter« . Dans le même temps, les classes moyennes connaissent « une période de stagnation » qui s’exprime parfois par la difficulté qu’ont les jeunes générations « à faire au moins aussi bien » que leurs parents, une réalité qui ne donne pas espoir en l’avenir.

Un rapport pas très optimisme

Selon les mots employés par l’Observatoire des inégalités, le bilan dressé dans le rapport « ne pousse pas à l’optimisme » et les responsables politiques portent leur part de responsabilité. En effet, la situation présente se répercute au niveau politique : « le refus de voir les inégalités sociales dont sont victimes les classes populaires, l’exploitation des travailleurs flexibles par des stables, la précarité et le chômage des non-diplômés, conduit à une exaspération qui s’exprime dans les urnes ». Les nombreuses tentatives de faire reculer les acquis sociaux, alors que la pauvreté s’accentue, peuvent être perçues un certain mépris de classe et une déconnexion accrue entre population et représentants. Malgré ces critiques, l’Observatoire des inégalités invite à la nuance et à éviter les comparaisons faciles mais trompeuses. Aussi, il défend « l’État social à la française », et rappelle que « les meilleures « performances » de nos voisins ont le plus souvent été obtenues au prix d’une montée de la pauvreté laborieuse ou en sortant une partie des actifs du marché du travail ». Jusqu’où le dictat de l’économie peut-il justifier cette paupérisation ?

Les auteurs appellent à ce que cesse « l’hypocrisie française ». Il existe un fossé entre le « message d’égalité » dont on se réclame à l’école ou dans le discours public, chère à la République, et la réalité sociale. Pour faire face à la situation, une évolution des pratiques et des politiques publiques s’impose d’urgence. Les auteurs appellent à « mettre en œuvre de véritables politiques de lutte contre les inégalités, en cohérence avec notre devise républicaine, l’égalité tout court, pour une société plus équitable mais dont le fonctionnement serait fondé sur d’autres valeurs que la seule compétition ». En France, peut-on vraiment attendre une telle politique sociale de la part du nouveau président ?


Source : inegalite.fr / PDF

*L’Observatoire des inégalités se définit comme une fondation apolitique qui « contribue à éclairer ou à critiquer les choix publics ». Par ses interventions et publications, l’organisme souhaite mettre en lumière les inégalités de toutes sortes qui existent au sein de la société.

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