En déplacement à Toulouse lundi 14 mars, le Premier ministre français a finalement signé le protocole de financement de la future ligne de trains à grande vitesse entre Toulouse et Bordeaux, entouré des 25 collectivités locales associées au deal. Alors que les porteurs du projet se réjouissent et évoquent « un moment historique » qui marque le lancement « irréversible » de la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire, d’autres se désolent de ce qu’ils nomment « le projet le plus destructeur des 30 prochaines années pour l’écologie et les dépenses publiques ». Cette ligne de train n’est en effet qu’une première étape du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) soutenu depuis près de 6 ans par les pouvoirs publics français. Concrètement, il a pour but la création de deux lignes à grande vitesse (LGV) : celle de Bordeaux – Toulouse et celle de Bordeaux – Espagne, passant par la ville de Dax. Si l’investissement dans une mobilité qualifiée de plus durable parait évident pour certains, d’autres voient d’un mauvais œil le développement de « ces projets pharaoniques » qu’ils jugent en désaccord avec la réalité environnementale et financière de la région. Décryptage.

« Aujourd’hui, le projet est sur les rails de manière irréversible », s’est exclamé Jean Castex après la signature du protocole de financement du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest, baptisé GPSO. Dans les colonnes de la Tribune Occitanie, les élus des collectivités locales présents ce lundi 14 mars à la Préfecture de Toulouse se réjouissent de « cet acte fort » qui marque la concrétisation de six ans de pourparlers.

Et pour cause : ces dernières années, cet acronyme a suscité de nombreuses discussions, tantôt sereines, tantôt carrément houleuses. Mise au clair.

14 milliards d’euros pour la construction de nouvelles lignes

La création de deux nouvelles lignes de trains à grande vitesse (LGV) entre Toulouse et Bordeaux d’ici à 2030 et Bordeaux et Dax dans un second temps, avant de rejoindre l’Espagne, est en effet loin de faire l’unanimité.

Plusieurs associations environnementales ou d’intérêts régionaux s’opposent ainsi à ce mouvement depuis ses débuts, dénonçant les effets néfastes de ces quelques 327 kilomètres de lignes nouvelles et 15 kilomètres de raccordements au réseau existant.

« Certains feignent d’oublier que ces projets ferroviaires pharaoniques et dispendieux ont été largement rejetés par les populations et par de nombreux acteurs consultés », déplore ainsi la SEPANSO Gironde, une association de protection de la nature et de défense de l’environnement.

Tracé du GPSO. Crédits : Aquitaineonline.fr

Ce vaste projet de 14,3 milliards d’euros parait en effet indécent pour une partie de la population régionale, qui estime ces coûts largement exagérés et vains pour la mobilité locale.

Alors que les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (12 km) et au nord de Toulouse coûteront respectivement 900 millions € au contribuable français, la création de la nouvelle ligne Sud Bordeaux/Sud Gironde (55 km) demandera quant à elle 1900 millions € d’investissement. La suivante reliant le Sud de la Gironde et Toulouse (167 km) s’estime à 6600 millions €, qui s’additionnent encore aux 3700 millions € que coûtera le dernier tronçon pour rejoindre la commune de Dax.

 

Pas de place aux alternatives ?

A ces calculs exorbitants, les « anti-LGV » préféreraient un investissement plus raisonnable dans la rénovation des lignes déjà existantes.

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Des études menées en ce sens estiment le coût des travaux entre 4,6 et 7,3 milliards d’euros, un montant largement inférieur à celui du GPSO et bien plus profitable à la population rurale notamment, largement dépendante des connexions secondaires et des TER.

Mais ce scénario alternatif ne convainc pas la SNCF, maître d’ouvrage du projet, qui craint des performances nettement plus faibles ne permettant pas un report modal aussi significatif sur l’axe Bordeaux-Toulouse par exemple. A cela, la SEPANSO Gironde répond surtout, non sans amertume :

« Quel fabuleux marché en perspective pour les entreprises de travaux publics, dont les bulldozers s’impatientent de pouvoir déchaîner leur puissance destructrice dans les vastes espaces agricoles, naturels et forestiers du Sud Ouest ! »

Gare de Toulouse – Wikicommons

En effet, si ce projet met à mal les finances publiques des français, il menace également des milliers d’hectares de terres naturelles, agricoles ou forestière selon les organisations de défense de l’environnement. Le dossier d’enquête publique révèle ainsi que la surface d’emprise estimée du projet est de 4 830 hectares, « dont 1.230 ha de surfaces agricoles, et 2.850 ha d’espaces sylvicoles ».

Plusieurs sites Nature 2000 sont également impliqués, « comme le réseau hydrographique du Gât-Mort et du Saucats, ou la vallée du Ciron », détaille l’étude. Au total, ce n’est pas moins de 414 espèces végétales et animales, dont 197 protégées, qui se situent dans les zones d’emprise du projet ferroviaire. De quoi affoler la SEPANSO et ses partenaires de protection de l’environnement.

 

Des impacts environnementaux non négligeables

Si ces chiffres sont dramatiques pour la biodiversité environnante, l’impact écologique du Grand Projet ne s’arrête pas là. Les associations estiment ainsi que les émissions de gaz à effet de serre précipitées dans l’atmosphère tout au long de la construction des lignes (génie civil, équipements ferroviaires, changement d’affectation des sols, déplacements du personnel du chantiers, etc…) sont gigantesques.

« On aggrave encore la situation climatique, c’est de la folie, et complètement anachronique », confie Philippe Barbedienne, président de la Sepanso Aquitaine, au journaliste Mickaël Bosredon. De son côté, la SNCF estime que ces émissions seraient largement compensées après les dix premières années de services des nouvelles lignes de train, notamment grâce à l’évitement de nombreux vols d’avion de courte distance.

S’il s’agit peut-être d’un alibi climatique visant à verdir le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest, il est toutefois indéniable qu’une transition de nos moyens de déplacement doit s’opérer d’urgence, le train demeurant à ce jour le transport le moins émetteur pour parcourir de longues distances.

Comme le résume le Ceser (Conseil économique, social et environnemental régional) de Nouvelle-Aquitaine, « le GPSO, comme d’autres grands projets d’infrastructures, se situe au cœur d’enjeux contradictoires qu’il est nécessaire de mettre en balance ».

Il poursuit en avançant d’une part la nécessité de développer les alternatives aux modes de transports les plus polluants et inciter au report modal pour limiter, entre autres, l’empreinte carbone liée aux déplacements, et d’autre part, la tout aussi nécessaire sobriété foncière et protection de la biodiversité, qui participent également à la lutte contre le changement climatique. De quoi, à coup sûr, faire encore perdurer le débat.

Sources :

https://www.sepanso33.org/spip.php?article97

https://www.sepanso33.org/spip.php?article76

https://www.sepanso33.org/spip.php?article67

https://www.sepanso33.org/spip.php?article286

https://www.lgv2030.fr/

https://www.20minutes.fr/societe/3176691-20211122-lgv-bordeaux-toulouse-empreinte-environnementale-gpso-scrutee-loupe

https://www.20minutes.fr/economie/3235331-20220214-lgv-bordeaux-toulouse-plusieurs-associations-denoncent-financement-risque-menacent-recours

https://www.20minutes.fr/societe/3174575-20211118-lgv-bordeaux-toulouse-temps-trajet-cout-alternatives-faut-savoir-gpso-projet-ferroviaire-plus-dispute-moment

http://www.gpso.fr/

Photo de couverture @Marie-Hélène Cingal Manifestation anti-LGV du 27/10/12

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