Nous pourrions le croire faire partie des ruines d’un passé peu glorieux, et pourtant l’esclavagisme persiste encore de nos jours à travers le monde, sous des formes plus perfides, moins visibles. Lisa Kristine, photographe humanitaire, est allée à la rencontre de ces personnes exploitées, avec la volonté chevillée au corps d’illuminer leurs histoires aux yeux du monde. À notre tour de transmettre son témoignage.

L’organisation freetheslaves (libérez les esclaves), qui lutte ardemment afin d’endiguer la servitude moderne, estime entre 21 et 36 millions le nombre d’esclaves moderne dans le monde. Les chiffres font froid dans le dos, d’autant qu’on estime qu’entre 10 et 15 millions d’Africains ont été déportés aux 18e et 19e siècles. Rien n’aurait-il changé sans même s’en rendre compte ? Condamnés à travailler sans être payés, sous la menace permanente d’exactions, dans des conditions extrêmement précaires et avec nul autre horizon que de continuer toujours, ils luttent littéralement pour leur propre survie et celle de leurs proches.

L’esclavagisme revêt des formes différentes ; la plupart des esclaves (78%) le sont aujourd’hui pour le compte de différentes industries où le travail manuel est essentiel : l’agriculture, l’élevage, les exploitations minières et forestières ou encore les industries de services. Un nombre considérable d’esclaves (22%) le sont pour satisfaire l’appétit sexuel des hommes et sont pris au piège de la prostitution forcée. Enfin, 26% des esclaves sont des enfants. Triste tableau. Pour les recruter, les trafiquants d’esclaves leur font souvent miroiter des promesses d’éducation, d’argent et d’emplois, mais à l’arrivée, les promesses restent lettres mortes, et font malheureusement place à la tyrannie de l’asservissement.

Un regard sur l’esclavagisme contemporain

Lors de sa conférence TED sur l’esclavagisme moderne, Lisa Kristine –qui a enquêté durant 28 ans sur les cultures indigènes dans 70 pays et sur six continents– nous fait part de plusieurs histoires poignantes dont elle a été personnellement témoin. Voici l’une de ces histoires retranscrite :

« En Inde et au Népal, on m’a fait découvrir les fours à briques. Cette effarante et étrange vision m’a donné l’impression d’entrer en Égypte ancienne ou dans l’Enfer de Dante. Plongés dans des températures de plus de 50°C, des hommes, des femmes, des familles entières étaient couvert d’une épaisse couche de poussière, pendant qu’ils empilaient mécaniquement des briques sur leurs têtes, jusqu’à 18 à la fois, et les portaient du four brûlant jusqu’à des camions situés à des centaines de mètres plus loin. Accablés par la monotonie et l’épuisement, ils travaillent silencieusement, répétant cette tâche encore et encore pendant 16 à 17 heures par jour. Il n’y avait aucune pause pour manger ou boire, et la violente déshydratation rendait le besoin d’uriner presque sans importance. »

01_slavery_photos

04_slavery_photos

« Si pénétrantes étaient la chaleur et la poussière, que mon appareil photo est devenu trop chaud rien qu’au toucher et a cessé de fonctionner. Toutes les 20 minutes, je devais courir à notre voiture pour nettoyer mon matériel et le passer sous climatisation pour le remettre en état et, alors que j’étais assise là, je pensais « mon appareil photo reçoit un bien meilleur traitement que ces gens ». De retour aux fours, j’avais envie de pleurer, mais l’abolitionniste près de moi m’a rapidement attrapé par le bras et m’a dit « Lisa, ne fait pas ça. Ne fait pas ça ici ». Et il m’expliqua très clairement que les démonstrations d’émotions sont très dangereuses dans un endroit comme celui-ci, pas seulement pour moi, mais pour eux. »

De ces différentes enquêtes au cœur de l’esclavagisme industrialisé, Lisa Kristine va retirer de nombreux clichés; des portraits sans concessions de personnes asservies dans lesquels nous pouvons lire toute l’émotion qui habite leurs regards. « Pas un jour ne passe sans que je ne pense à ces merveilleuses personnes maltraitées que j’ai eu l’honneur de rencontrer. » confie-t-elle, avant de poursuivre : « j’espère que ces images vont réveiller une force dans ceux qui vont les voir, des personnes comme vous (pointant du doigt le public), et j’espère que cette force va allumer un feu, et que ce feu braquera une lumière sur l’esclavage. Parce que sans cette lumière, le monstre de l’esclavage peut continuer à vivre dans les ténèbres. »

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

Reste à être assez nombreux et organisés au niveau international pour réussir un jour à détruire ce monstre, comme d’autres ont pu abolir l’esclavagisme en leurs frontières. En attendant, Lisa K. édite un livre de ses photographies au profit de l’ONG Free the Slaves International.

03_slavery_photos

05_slavery_photos

06_slavery_photos


Sources: TED / freetheslaves / lisakristine

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation