Chaque année, de nouvelles accusations tombent. L’association One Voice et d’autres organisations de protection animale dénoncent ainsi les cas de maltraitance repérés, selon leur expertise, au sein des cirques et autres parcs d’attraction animalier. Cet été, c’est le Parc Saint-Léger, situé dans l’Oise, qui est dans le viseur de l’association. Révélant en image des pratiques dangereuses et illégales, One Voice porte plainte contre le propriétaire et gérant du site et dénonce une fois de plus les abus du secteur. Si la France peine à prendre de réelles mesures en faveur de la protection des animaux sauvages avec une initiative législative plutôt timide, d’autres acteurs, étatiques ou non, montrent pourtant la voie vers des pratiques bien moins cruelles et plus éthiques.
« Dans les cirques, les animaux sont enfermés dans des cages aussi minuscules qu’inadaptées, enchaînés, exposés, soumis par les coups et la faim pour réaliser des spectacles dangereux et humiliants. Leur vie est un calvaire sans fin. » C’est pour lutter contre ces maltraitances animales que l’association One Voice, proteste, dénonce et sensibilise au quotidien. Elle est ainsi à l’origine de la première plainte déposée contre un cirque, et surtout de la première saisie : le chimpanzé Achille, en 2000. Depuis, Maomie la tigresse, Vicky l’éléphante et les lions Brutus, Maousi, Simba, Djunka, Nalla et Shada pu eux aussi passer le restant de leurs jours dans des sanctuaires et des refuges partenaires. D’autres réclamations de transfert en refuge sont en cours, comme celui de Baby, une éléphante dont le triste quotidien a réussi a être capté par les volontaires de l’association.
Des comportements dangereux pour les animaux et les visiteurs
Malgré ces bonnes nouvelles, l’association continue de révéler chaque année les abus dont sont victimes les animaux sauvages dans l’industrie du cirque. Pour l’heure, c’est le parc animalier Saint-Léger qui se retrouve dans le collimateur de l’association suite à des comportements jugés dangereux pour les animaux mais également pour le public de visiteurs.
Les images publiées par l’association révèlent ainsi des dizaines de personnes, adultes et enfants compris, invités à pénétrer dans l’enclos des makis cattas, une espèce de lémurien protégée. Une fois le groupe entassé au sein même de la cage, risquant au passage de piétiner les animaux, les visiteurs sont invités à leur donner de la nourriture à la main. Les makis cattas montent sur les gens, sur leurs épaules, les sacs à dos, les lèchent les uns après les autres… « Le risque de zoonose est réel », alerte l’association, et ce comportement est tout simplement illégal. « Entrer en contact avec des animaux sauvages en voie d’extinction n’est anodin ni pour nous, ni pour eux », déplore-t-elle.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là, car du côté du chapiteau des félins, la fin du spectacle se clôt par un « cadeau d’anniversaire » très particulier. Kid Bauer, patron du site, propose ainsi de faire entrer une femme à l’intérieur de la cage aux lions. La personne choisie a le « privilège » de danser avec le dresseur sous le regard des lionnes ! Un comportement qualifié d’extrêmement dangereux par One Voice. « Nous déposons une nouvelle plainte contre le propriétaire du parc. Nos images sont parlantes…. Ici, le manque de respect des animaux et des visiteurs est criant : les dangers sont réels et connus », s’insurge-t-elle.
Des animaux sauvages exploités contre leur nature
La famille Bauer, gestionnaire et propriétaire de ce cirque fixe, n’en est pas à sa première affaire. En 2020, One Voice dénonçait déjà les pratiques dangereuses et illégales de l’entreprise. A cette époque, un jeune tigreau d’un mois et demi seulement, passait de bras en bras en échange d’un billet de 10 euros. Le jeune félin, apeuré par la foule et loin de sa mère, risquait non seulement de contracter des maladies, mais aussi d’en transmettre, particulièrement au jeune public venu spécialement pour l’occasion.
Aujourd’hui, il n’est plus exhibé après le spectacle de dressage de félins, mais d’autres maltraitances dans le monde continuent de subsister, et parfois encore bien plus cruelles. Félins, singes, ours, éléphants, loups… En France, ils sont 700, dont 500 fauves, à être retenus en captivité dans les cirques.
L’association PETA explique pourtant que « les animaux ne veulent pas conduire un vélo, tenir sur leur tête, tenir en équilibre sur des ballons ou sauter au travers des cerceaux en feu. Les éléphants, les félins, les singes et autres animaux exploités dans les cirques exécutent des numéros parce qu’ils n’ont pas le choix », et de nombreux sévices leurs sont attribués dès le plus jeune âge pour s’y soumettre, comme le dénonce de nombreux reportages de l’association.
Une législation française trop timide
En France, contrairement à la plupart des pays limitrophes, la législation peine à protéger ces animaux sauvages. Malgré la nouvelle loi relative à la lutte contre la maltraitance animale votée à l’Assemblée le 29 janvier dernier, la révolution éthique qu’espèrent certains n’a pas encore complètement eu lieu. Car même si le gouvernement a en effet soutenu l’interdiction progressive de la détention d’animaux sauvages dans les cirques itinérants et dans les delphinariums, comme il s’y était engagé en septembre 2020, beaucoup de facettes du problème restent en suspens.
L’association One Voice et ses autres partenaires sur ce combat se disent généralement déçus par le manque d’ambition de la loi, qui ne concerne pour l’instant que les cirques itinérants et qui ne prévoit aucune date butoir pour la mise en conformité de leurs pratiques. « De même, alors que tous les animaux sauvages devaient être concernés par cette proposition de loi, on nous parle à présent d’une liste d’espèces qui serait déterminée par arrêté… », déplore Amandine Sanvisens, cofondatrice de Paris Animaux Zoopolis (PAZ). One Voice réagit-elle aussi sur Twitter : « puisque seuls les animaux sauvages exploités dans les cirques itinérants sont visés par l’article 12… Combien vont rester aux mains des dresseurs qui vont se sédentariser ?! ». En effet, une telle législation ne s’appliquera pas aux cirques sédentarisés, comme le Parc Saint-Léger mis en cause.
Pourtant, d’autres pays européens n’ont pas entendu jusqu’ici pour interdire les spectacles avec des animaux sauvages. C’est le cas par exemple des Pays-Bas, dès 2012 et la Belgique a suivi l’année suivante. Le Portugal, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Estonie, la Grèce ou encore la Hongrie ont fait de même. En France, certains maires bannissent eux aussi les animaux des cirques comme Ajaccio, Creil (Oise), Mennecy et Yerres (Essonne), Pessac (Gironde) ou encore Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). L’Association de défense des cirques de famille recensait, en mars, 404 communes ayant pris position pour des cirques SANS animaux.
Vers une transition éthique du monde du cirque ?
Même la population française se dit majoritairement contre l’exploitation de animaux dans les cirques et les spectacles, selon un sondage IFOP. Ils étaient ainsi deux sur trois à se déclarer favorables à l’interdiction des cirques animaliers selon l’enquête réalisée en 2019 pour la Fondation 30 Millions d’amis.
Malgré cela, la majorité des acteurs du cirque – et une partie des politiques – continuent de plaider pour leur droit à exploiter les animaux sauvages dans leurs spectacles, jugeant leurs pratiques « respectueuses du bien-être animal », selon plusieurs représentants des cirques itinérants, comme le cirque Lydia Zavatta pourtant plusieurs fois mis en cause pour maltraitance.
Certaines grandes familles circasiennes remettent cependant en cause leurs pratiques, et décident d’entamer la transition éthique de leurs spectacles. C’est par exemple le cas du cirque Bouglione, dont André-Joseph, dernier du nom, est propriétaire. « J’ai fini par comprendre que les animaux n’avaient pas leur place ici », confie-t-il à Reporterre. Il désigne ensuite au journaliste un immense écran de tulle, installé au fond de la scène, expliquant que « le nouveau spectacle sera assuré à 100 % par des humains, mais nous projetterons des hologrammes d’animaux, en 3D. C’est une manière pour nous de leur rendre hommage, après les avoir exploités si longtemps ». Il n’y a plus qu’à espérer que d’autres en tirent des leçons et que le secteur entier puisse évoluer vers des pratiques respectueuses et dignes, pour chaque être vivant.