Ouvrez grand les yeux, ils sont devant vous ! Bienvenue au beau milieu du bush namibien, le pays abritant le plus de guépards sauvages au monde. À près de 300 km de la capitale : le « Cheetah Conservation Fund », la ferme namibienne à la pointe de la protection de cet animal fascinant. Pendant que nos chats mignons font le buzz sur les réseaux sociaux, ce félin majestueux disparait dans l’indifférence, visiblement coupable d’être libre dans un monde d’Hommes.

Le guépard est l’animal terrestre le plus rapide au monde, mais sa situation est méconnue du grand public : il est surtout devenu le « big cat » (ou grand félin) fonçant le plus rapidement vers sa disparition, en Afrique et dans le monde entier. À ce rythme, dans quelques années, il ne restera du « cheetah », comme on le nomme ici, qu’une photo dans des livres d’histoire ou un héros de dessin animé.

Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Fondé en Namibie en 1990 par une Californienne, Dr. Laurie Marker, le Cheetah Conservation Fund (CCF – Fond de Conservation pour les Guépards) est un des leaders mondiaux dans la recherche et la préservation des guépards. Véritable amoureuse de cet animal, cette médecin vétérinaire a multiplié les voyages ici depuis les années 70 avant de véritablement s’y installer et vivre au quotidien à côté des félins : « pour moi, le guépard est l’animal le plus fascinant de la planète », nous dit Laurie Marker. « C’est l’espèce de grand félin la plus singulière sur plus de 40 espèces différentes. Je voulais réellement comprendre pourquoi nous sommes en train de les perdre, pourquoi les fermiers les tuent et les détestent. Je voulais comprendre aussi pourquoi le monde entier ne sait pas que cet animal si fascinant est fragile et proche de l’extinction. » Loin des yeux, loin du cœur ?

Dr. Laurie Marker – Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Le guépard est d’une rapidité inégalée, « dessiné » dans sa chair pour la vitesse. Le félin est capable d’atteindre 110 km/h en 3 secondes et au sommet de sa vitesse, sa foulée peut atteindre jusqu’à 7 mètres de long. Avec de longues jambes et un corps très mince, le guépard est assez différent de tous les autres « chats ». Sa physiologie et sa morphologie sont très particulières, parfaitement adaptées pour survivre à son milieu naturel. Par ailleurs, leur couleur et leurs tâches sont une forme de camouflage pour se cacher des chasseurs et des autres prédateurs. Mais ce cadeau de l’évolution ne suffit plus pour survivre…

Revers de la médaille, les chiffres dramatiques des populations de guépards restantes sur la planète. De 100 000 en 1900, le monde des guépards s’est réduit à quelques 8000 individus aujourd’hui. Plus de 90% de perte en un siècle ! Les « cheetahs » sont bien vulnérables face au braconnage, à la réduction de leur habitat naturel et aux innombrables conflits avec les éleveurs, sans oublier les changement bien trop rapide de leur environnement. « Aujourd’hui, il reste moins de 7500 individus vivant à l’état sauvage en Afrique », constate le Dr. Laurie Marker. « Les tout derniers guépards d’Asie vivent eux en Iran et il en reste moins de 50 là-bas. Les deux-tiers des populations restantes sont très petites, fragmentées, isolées ! C’est un énorme problème. Namibie et Botswana ensemble accueillent plus ou moins 50% de derniers guépards de la planète. »

Photographies: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Pour préserver la vie sauvage des guépards, ce centre s’est donné pour mission de réduire les conflits entre l’être humain et le félin. En Namibie, près de 90% des guépards sauvages vivent en-dehors des zones protégées, c’est-à-dire sur les terres agricoles où vivent les troupeaux de chèvres, moutons, vaches etc.. Et, comme dans nos contrées concernant le loup, les éleveurs sont prêts à tuer ces prédateurs pour éviter des pertes économiques. Pourtant, un « vivre-ensemble » est possible : « Quand j’ai créé une fondation dans les années 90, je suis simplement venue faire du porte à porte, rencontrer les communautés de fermiers et cartographier les zones de conflit ! Et les paysans me disaient sans cesse qu’ils voulaient recevoir plus d’informations sur les guépards, c’est là que nos recherches biologiques et écologiques interviennent. Mais ils demandaient aussi une vraie éducation, c’est pour ça que nous avons ouvert ce centre de recherche et d’éducation au public en 2000, nous avons des écoles qui viennent ici, des agriculteurs et le grand public qu’ils soient de Namibie ou du monde entier. »

Pour prévenir ces conflits, le « Cheetah Conservation Fund » travaille sur la recherche scientifique (la biologie, l’écologie et la génétique des guépards), mais intensifie son travail d’éducation à l’égard du grand public, des écoliers et des agriculteurs eux-mêmes. Et, de manière à utiliser « une arme naturelle », ils ont lancé un programme inédit d’élevage de chiens de garde pour troupeaux dont la seule présence est dissuasive, sans recourir à une quelconque violence. La solution peut sembler incroyablement simple mais n’avait jamais été envisagée à large échelle.

Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

C’est un jeune Belge, Stijn Verschueren qui nous emmène jusqu’aux enclos : « ce sont des chiens turcs, des Bergers d’Anatolie, spécialisés dans la gestion des troupeaux », nous explique-t-il. « On les confie aux agriculteurs, ils vivent avec le bétail et aboient si fort quand ils voient un prédateur que celui-ci s’enfuit. Spécialement les guépards qui ne se risquent pas à la confrontation de peur d’être blessés. C’est juste la nature, une technique facile qui inspire aujourd’hui d’autres pays » précise-t-il. Les premiers éleveurs sont rapidement séduits par l’idée et constatent une réduction de près de 80% du nombre d’attaques sans faire de mal aux animaux.

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Jeune diplômé en conservation et restauration de la biodiversité à l’université d’Anvers, il vient de décrocher un emploi ici, un job de rêve au milieu de la vie sauvage : « ici, on apprend que l’Homme et la vie sauvage peuvent toujours vivre ensemble, coexister de manière harmonieuse, c’est le meilleur exemple sur lequel nous devrions tous méditer dans ce monde en grand changement ! » Il suffit parfois simplement d’étudier le comportement des animaux et d’adapter certains comportements avec sagesse et bienveillance.

Stijn Verschueren – Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

C’est exactement cet amour de la vie sauvage qui anime Dr. Laurie Marker. Le rêve de toute l’équipe du « Cheetah Conservation Fund » qui travaillent ici : que la sensibilisation sur la cause des guépards permette d’assurer leur survie à moyen terme.

Et l’enjeu est en fait bien plus grand que le cas du félin, l’Homme et son mode de vie écrasent de plus en plus de son empreinte la vie sauvage, un drame silencieux dont le grand public est peu conscient. La situation des « cheetahs » est malheureusement symptomatique d’un mal-être planétaire. Fin 2016, la « Zoological Society of London » et les ONG’s « Wildlife Conservation Society » et « Panthera » cosignaient une étude alarmante sur la survie des guépards pour attirer l’attention mondiale. En avril dernier, c’est une autre étude internationale qui avertit que les animaux sauvages les plus populaires sont tous fortement menacés d’extinction dans une relative indifférence générale, alors qu’ils sont pourtant très présents dans l’imaginaire collectif (culture, publicités, Disney,…).

Paradoxalement, le public qui les adore ignore encore trop souvent cette réalité. Mais le fait que ces animaux sauvages se trouvent géographiquement éloignés, couplé à la difficulté de relier nos modes de consommation aux impacts sur le vivant partout à travers le monde, laisse peu de place à une véritable implication citoyenne sur cette problématique.

Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Dans les conclusions de l’étude : « Les 10 animaux les plus charismatiques pour le public (tigres, lions, éléphants, girafes, léopards, pandas, guépards, ours polaires, loups gris, gorilles) sont dans un état de conservation désastreux mais le public généralement ignore cela. À moins d’un changement radical, il est fort probable que la plupart de ces espèces les plus chères disparaîtront dans la nature au cours des prochaines décennies. Cette situation est cachée par la grande abondance culturelle de ces animaux, qui entrave les efforts de communication en matière de conservation et constitue donc une menace supplémentaire et pernicieuse. » Les chercheurs vont même jusqu’à proposer un « droit à l’image » pour financer la conservation de ces espèces, une taxe de « responsabilité collective » perçue auprès des grandes sociétés culturelles ou marketings qui utilisent la popularité des animaux sauvages pour capitaliser des sommes parfois colossales.

Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Notons que le drame animalier le plus médiatisé du moment est le massacre des rhinocéros. En Namibie comme partout dans le monde, le rhinocéros est traqué par les braconniers pour ses cornes aux vertus prétendument thérapeutiques ou aphrodisiaques, selon certaines croyances. Au marché noir, la corne de rhino vaut plus que l’or. Le rhinocéros blanc du Nord a officiellement disparu depuis la mort de Soudan, le dernier mâle, en mars dernier, tandis que la population de rhinocéros noirs est descendue à environ 5 200 individus. Pour les rhinocéros d’Asie, inquiétude également : il n’y a que 3 200 rhinocéros indiens survivants, environ 76 rhinocéros de Sumatra et 60 rhinocéros de Java. Bilan : plus que 30 000 rhinocéros dans le monde dont 20 000 rhinocéros blancs du sud de l’Afrique, l’espèce la plus répandue.

Photographie: Pascale Sury pour Mr Mondialisation

La Namibie est l’un pays africain très engagé sur toutes ces questions. C’est notamment le premier pays africain à intégrer la protection de l’environnement dans sa constitution et près de la moitié du territoire est une « zone protégée ». Un enjeu d’autant plus important que le « wildlife tourism » (plus d’1,5 million de touristes ces dernières années) est devenu un pilier de l’économie…

Reportage

Autant d’urgences environnementales pour lesquelles le Dr. Laurie Marker a changé sa vie il y a plus de 30 ans. Un travail d’éducation indispensable auprès des Hommes pour la survie des guépards.

– Pascale Sury & Mr Mondialisation


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