Si, dans nos pays, les écologistes sont souvent la cible de moqueries et de petits mots assassins, à l’échelle du monde, défendre les droits de la Terre peut vous couter la vie. Dans un rapport intitulé « Defenders of the earth » publié ce 13 juillet, l’association Global Witness fait état de 200 personnes assassinées dans le monde pour avoir défendu l’environnement rien que sur l’année 2016. Un triste record…
Comme tous les ans, l’association Global Witness a sorti son enquête concernant les meurtres des défenseurs de l’environnement. Pour l’année 2015, elle avait recensé 185 cas tragiques de personnes tuées pour avoir défendu leurs terres, les rivières et les forêts principalement contre l’exploitation forestière et diverses industries exploitant les ressources. Cette année, c’est pas moins de 200 défenseurs de l’environnement qui ont été éliminés dans un contexte de lutte. Aux premiers rangs des pays les plus meurtriers, le Brésil avec 49 meurtres, la Colombie (37), les Philippines (28) et l’Inde (16). En plus du nombre élevé de personnes tuées, Global Witness mentionne une extension des pays concernés avec 24 pays en 2016 contre 16 en 2015.
L’Amérique du Sud est au premier rang des régions les plus dangereuses au monde concernant les militants écologistes et environnementaux (60% des meurtres en 2016). En plus du Brésil et de la Colombie, le Honduras, le Nicaragua, le Mexique et le Pérou sont cités. En ce qui concerne l’Europe, le seul pays cité est l’Irlande pour le meurtre de Michael McCoy fondateur du Dublin Mountain Conservation Group. Près de 40% des personnes décédées en 2016 étaient autochtones. Si l’association répertorie uniquement les meurtres, elle mentionne que ce n’est pas la seule forme de stratégie d’élimination. Les menaces de mort, les arrestations, les agressions physiques et agressions sexuelles et les attaques juridiques sont largement plus nombreuses.
Les luttes contre l’exploitation des mines et des forêts
Les principaux domaines industriels concernant ces meurtres sont les mines et le pétrole (33 morts), le bois (23 morts) mais aussi l’agrobusiness (23 morts). Au Brésil, c’est la ruée vers les richesses naturelles de l’Amazonie, et la grande déforestation qui provoque des affrontements meurtriers entre les défenseurs environnementaux locaux, les milices de multinationales ou l’armée. Au Nicaragua, c’est la construction d’un canal interocéanique coupant le pays en deux et entrainant un déplacement de population massif qui provoque des troubles sociaux et la répression sévère des locaux qui s’y opposent. Enfin en Colombie, depuis la signature des accords entre le gouvernement et le groupe de guérilla FARC, les terres auparavant sous contrôle des FARC sont maintenant à la merci des grandes entreprises.
Jakeline Morero est une indigène Wayúu et une activiste environnementale en Colombie. Depuis 2014, elle et sa famille ont reçu plusieurs menaces de mort pour avoir dénoncé les abus commis par les autorités paramilitaires et les sociétés dans la région de la Guajira dans la péninsule nord-est. Elle s’est notamment opposée aux effets sur l’environnement local des mines à ciel ouvert de charbon de Cerrejón (pollution de l’eau et des terres). Ce sont les plus grandes mines de la Colombie, détenues par les sociétés londoniennes cotés Glencores, BHP Billiton et Anglo-American. Au cours des dix dernières années, cette extraction a nécessité le déplacement de nombreuses communautés indigènes Wayúu. Ces dernières dénoncent le fait de ne pas être consultées pour l’exploitation de leurs propres terres ou pour leur délocalisation forcée. Elles ne sont pas alertées des dangers et de la pollution qu’entrainent l’exploitation des mines. Ce cas n’est qu’un exemple parmi d’autres cas d’impunité de certaines multinationales avec la complicité des autorités locales.
Des défenseurs dans la ligne de mire des autorités et des multinationales
Ces personnes sont souvent des paysans locaux qui ne se définissent pas eux-mêmes comme défenseurs de l’environnement, ils cherchent à préserver leurs terres ancestrales et à subsister face aux multinationales qui polluent leurs terres ou leur achètent à bas prix. Ils deviennent « activistes de fait ». Ces sont aussi des rangers de réserves qui luttent contre le braconnage et l’exploitation forestière illégale. Ce sont également des membres d’ONG, des juristes, des journalistes qui dénoncent l’accaparement des terres et la pollution industrielle. Ces personnes entrent en conflit avec les multinationales et souvent aussi avec les gouvernements ou les autorités locales qui ne leur offrent alors aucune protection face aux menaces des géants de l’industrie.
Global Witness mentionne quelques responsables de ces meurtres au rang desquels les groupes paramilitaires (soupçonnés dans 35 meurtres principalement en Amérique du Sud), la police (33 meurtres), les propriétaires fonciers (26), les gardes de sécurité privé (14 meurtres), les braconniers (surtout en Afrique) et les représentants d’entreprises industrielles. La courbe ascendante observée par l’association est certainement dû au fait que l’impunité règne dans certaines régions du monde. L’absence de poursuite rend également plus difficile l’identification des coupables.
L’association exige que des mesures soient prises pour intégrer les communautés locales dans les projets d’exploitation, pour garantir les choix libres et éclairés des populations locales en ce qui concerne l’autorisation et les méthodes d’exploitation de leur terre. Il est nécessaire de soutenir ces lanceurs d’alerte et ces défenseurs de l’environnement sans attendre leur disparition par le biais de lois spécifiques, d’action de soutien et d’information concernant ce que nous consommons. Enfin il faut punir les abus des multinationales et des autorités mais également punir l’inaction de ces derniers face à la protection des défenseurs de l’environnement. Il revient à chacun de s’informer sur sa propre consommation et de la changer au besoin pour aider dans ces diverses luttes. Condoléances aux familles des trop nombreuses victimes. La lutte continue.
Sources: GlobalWitness.org / mediapart.fr
Notre équipe rédige ces articles de manière 100% indépendante, sans subvention ni partenaires privés. Soutenez-nous aujourd’hui par un petit café ☕