Alors qu’il y a maintenant un peu plus d’un an les médias s’enflammaient autour de la crise des réfugiés en Europe, les témoignages des premiers concernés restent encore trop rares sur les écrans. Cette rareté donne lieu à des interprétations diverses, une stigmatisation banalisée et à des débats politiques éloignés de la réalité. « Nous, réfugiés » est un court documentaire indépendant, filmé sur le vif, à la rencontre de ceux qui cristallisent encore les fantasmes d’une Europe trop souvent xénophobe et réactionnaire.
Septembre 2015 : la photo du jeune Aylan Kurdi, 3 ans, faisait sa première apparition sur nos écrans, inondant nos journaux, télévisions et fils d’actualité. Véritable détonateur, le cliché avait alors eu le mérite d’interpeller l’Occident sur les raisons qui poussent des familles entières à quitter leur pays et à risquer leurs vies pour un avenir plus qu’incertain. Si une simple image était assez éloquente, que sait-on du discours, des mots et des pensées de ceux qui doivent éviter les bombes et quitter leur pays dans l’espoir d’une survie ailleurs.
À l’époque, un peu plus de 50% des Français se disaient favorables à l’accueil de réfugiés sur leur sol. Face à la crise migratoire qui frappait alors l’Europe, la France s’étaient engagée à ouvrir ses portes à 30 000 personnes en demande d’asile. En Mars 2016, cependant, le compte n’y était pas : à peine 300 personnes avaient bénéficié du programme de relocalisation européen et avaient été envoyées vers la France. Un chiffre dérisoire qui suffira pourtant à créer des vagues de haine, notamment sur les réseaux sociaux. Le réfugié deviendra, dans les discours les plus réactionnaires, le bouc émissaire de tous les maux de la société.
Combattre les préjugés
Les débats, malgré tout, ne se sont pas arrêtés, bénéficiant de retours de flammes directement liés aux événements de Cologne — auxquels seulement trois « réfugiés » auraient finalement participé, ou d’amalgames terribles entre les différentes situations et origines, le tout dans un contexte de menace terroriste. Tantôt « profiteurs venus pour les allocations », tantôt « dangereux terroristes » par défaut, les réfugiés syriens ont nourri bien des fantasmes, relents d’une pensée nationaliste de plus en plus décomplexée. Dans un climat médiatique intense et assourdissant, peu nombreux étaient les journalistes prêts à donner directement la parole aux premiers concernés, se contentant de penser et de commenter à leur place.
Photographie : AP / Manu Brabo
En allant à la rencontre des réfugiés dans un centre belge de la Croix Rouge, Romain André, 23 ans, a voulu se faire le « médiateur » d’une parole trop peu plébiscitée. Débutant sur les mots de la Convention de Genève, le reportage de dix minutes interroge trois personnes réfugiées et les laisse s’adresser au monde librement, face caméra, sans transformer leurs mots. Des scènes de guerre récupérées sur la toile viennent entrecouper les témoignages, venant rehausser la dureté de la réalité décrite.
En appréhendant le problème « de l’intérieur », le documentaire nous propose une vision humaine et terriblement vraie des situations vécues par les réfugiés Syriens et Afghans. Transmettant un moment d’écoute privilégiée, la vidéo cherche ainsi à nous dérober à nos préjugés et à faire appel à nos capacités de compréhension et d’empathie. Des capacités qui nécessitent recul et remise en question. Face à l’objectif de Romain André, les réfugiés se présentent à nous, et livrent leur vérité froide.