Alors que le développement du réseau 5G se poursuit, des utilisateurs de smartphones n’hésitent pas à poursuivre les fabricants quand ceux-ci ne respectent pas les réglementations en vigueur. C’est le cas du géant chinois Xiaomi, l’un des leaders mondiaux du secteur, dont certains appareils dépassent le seuil d’émission d’ondes autorisé dans leur pays. Faisant suite à une première plainte déposée l’année passée par l’association Alerte Phonegate, une action collective regroupe désormais une soixantaine de plaignants, qui reprochent à Xiaomi de se livrer à des pratiques commerciales trompeuses mais surtout, selon eux, d’avoir mis leur vie en danger.

Le smartphone est devenu en quelques années un objet incontournable du quotidien d’une majorité de la population du globe. Plusieurs industries, parmi les plus emblématiques du système économique mondialisé, gravitent autour de cette révolution high-tech toujours plus rapide et performante. Si des crises à répétition menacent l’existence de nombreuses entreprises et la subsistance de plus en plus de personnes, le business du smartphone connaît ainsi pour sa part une croissance ininterrompue. Au premier rang, les géants du numérique prospèrent en collectant les données personnelles de leurs utilisateurs pour les vendre aux annonceurs. Mais d’autres entreprises sont bien décidées à prendre leur part du butin promis par cette nouvelle forme d’aliénation, le capitalisme de surveillance.

Pour faire face à ces géants, les entreprises des télécommunications se livrent en effet à des fusions-acquisitions à répétition, menant à une concentration des capitaux (et pouvoirs) sans précédent dans le secteur. Les constructeurs, quant à eux, rivalisent d’ingéniosité mais surtout d’avidité pour inonder les rayons des magasins multimédias de smartphones. Les marques, les modèles et les gammes de prix s’étendent, contrairement à leur durée de vie qui ne cesse de baisser. Mais au-delà de l’obsolescence programmée ou perçue, de la surconsommation qu’ils suscitent, des inégalités qu’ils contribuent à creuser et de la pollution qu’ils engendrent, certains fabricants sont aussi accusés de mettre en danger la vie de leurs utilisateurs.

Un manque de transparence dans la chaîne de production

Le constructeur chinois Xiaomi est le quatrième plus gros vendeur de smartphone du monde. Fondé il y a seulement dix ans, l’entreprise active dans l’électronique et les télécoms atteint déjà un chiffre d’affaires qui dépasse les 30 milliards de dollars, en vendant des téléphones portables, mais aussi des téléviseurs, des montres connectées ou encore des trottinettes électriques. Encore peu connue en Europe il y a quelques années, l’entreprise s’est vite ménagé une place de choix sur ce marché en pratiquant des prix défiants toute concurrence pour des produits esthétiquement concurrentiels.

Les constructeurs de dispositifs électroniques classés selon le respect de l’environnement lors de la fabrication – Greenpeace 2017

Mais ces pratiques commerciales ont un coût. Dans un rapport publié en 2017, Greenpeace dénonçait l’impact écologique désastreux de nombreux fabricants de dispositifs électroniques, comme Amazon, Huawei ou encore Xiaomi. En plus d’un manque de transparence dans leurs chaînes de production, ces entreprises pêchent par la nature des composants présents dans leurs produits et par leur consommation de ressources et d’énergie. Mais d’après l’association Alerte Phonegate, qui lutte pour une fabrication de produits plus sûre et plus respectueuse de la santé, Xiaomi mettrait également en danger la vie de ses utilisateurs. C’était l’objet d’une première plainte pénale déposée le 15 avril 2019 par l’association et suivie depuis par le Pôle de santé publique du parquet de Paris.

Deux smartphones Xiaomi épinglés par les autorités

Alerte Phonegate reproche ainsi au constructeur chinois d’avoir vendu des smartphones dont le taux d’émission d’ondes dépasse les niveaux réglementaires de débit d’absorption spécifique (DAS) constaté respectivement pour la tête et le tronc. Cette norme concerne l’usage pendant un appel ou lorsque l’appareil est dans une poche. Deux smartphones, le Xiaomi Redmi Note 5 et le Mi Mix 2S, avaient été épinglés par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) pour cette infraction. Mais selon l’association, l’autorité aurait manqué à son devoir de surveillance. « C’est compte tenu de l’inertie de l’ANFR que cette action contre le fabricant voit le jour, alors même que le régulateur avait constaté de multiples infractions », expliquait alors Elias Bourran, avocat d’Alerte Phonegate.

Une BD publiée par l’association Alerte Phonegate décrit le scandale – Alerte Phonegate. Dessin par @l.avis_de_zeli

De son côté, l’ANFR estime qu’elle a fait son rôle, qui consiste à constater les cas de non-conformité et à les faire cesser. Pour ce faire, l’autorité peut soit solliciter une mise à jour par le fabricant, soit retirer le produit de la vente. Dans le cas des smartphones Xiaomi, c’est la première solution qui avait été retenue. Le constructeur a donc développé une nouvelle version de son système d’exploitation pour se conformer à la réglementation française. L’ANFR a constaté une baisse des émissions, mais Alerte Phonegate dénonce un abaissement des fonctionnalités du smartphone, exige que l’entreprise soit poursuivie et demande que les utilisateurs soient dédommagés.

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Une action collective des utilisateurs

Un an après les événements, un cabinet d’avocats a donc déposé au parquet de Paris une plainte collective contre le fabricant chinois. Cette action regroupe une soixantaine de plaignants, qui ont acheté et utilisé l’un des deux smartphones en question. Pour Maître Elias Bourran, qui les représente, « en commercialisant des téléphones portables non conformes, il est reproché à Xiaomi trois infractions : une tromperie d’une part, une pratique commerciale trompeuse d’autre part et enfin une mise en danger de la vie d’autrui. Les victimes se sont regroupées afin de déposer plainte et sollicitent, outre le remboursement du téléphone, des dommages et intérêts. » En effet, si aucune suite contraignante n’est donnée à cette affaire, de nouveaux abus pourraient être observés à l’avenir.

Le Xiaomi Redmi Note 5 est le premier smartphone contrôlé officiellement en Europe pour ne pas respecter le seuil d’exposition visant à protéger la santé et la sécurité des utilisateurs aux effets thermiques des ondes émises par l’appareil. D’après Alerte Phonegate, il ne s’agirait que de l’arbre qui cache la forêt, puisque quelques jours après le dépôt de cette plainte, le Mi Note 10, un autre smartphone de la marque, a lui aussi été épinglé par l’ANFR pour les mêmes raisons. Le DAS annoncé sur la notice du téléphone était pourtant conforme aux normes européennes, mais s’est révélé par la suite mensonger et trompeur pour l’utilisateur.

Ces pratiques douteuses font craindre à l’association une tromperie généralisée et de plus grande ampleur. Elle demande instamment aux autorités concernées de lancer un contrôle systématique de tous les smartphones Xiaomi vendus en France. « Les pouvoirs publics et judiciaires doivent se saisir de l’affaire et lancer des investigations beaucoup plus poussées contre le fabricant » soutient le Dr Marc Arazi, fondateur d’Alerte Phonegate. Le médecin se réjouit tout de même de cette première plainte collective, qui démontre que des utilisateurs de téléphones portables sont prêts à aller devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits à une information fiable et à une protection de leur santé. D’après lui, « elle en augure de nombreuses autres contre des industriels de la téléphonie mobile peu enclins à faire des questions de santé publique leurs priorités, en particulier en vue du développement de la 5G. »

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