À Bordeaux, sur les quais rive gauche de la Garonne, les habitant.e.s de la ville ont découvert ce lundi matin des œuvres d’art engagées sur les panneaux habituellement recouverts d’affiches publicitaires. L’évènement ponctuel et original, organisé par Ôboem, a pour objectif d’interroger la place de la publicité dans l’espace public.

Ce n’est pas la première fois qu’Ôboem lance une campagne d’affichage d’œuvres d’art en pleine rue à Bordeaux, détournant l’usage traditionnel des panneaux publicitaires à des fins non-commerciales. Lors du précédent évènement, qui s’était tenu l’été dernier, 130 mécènes avaient permis de récolter 4500 euros. De cette manière, 70 panneaux avaient pu être loués dans Bordeaux et 17 œuvres affichées. Mais contrairement à la fois précédente, cette fois-ci, l’affichage n’est pas précédé d’un appel à Mécène. En effet, explique Oliver, qui a fondé Ôboem avec sa compagne Marie, « suite à une négociation avec la mairie » les emplacements sont mis à disposition gratuitement. Une belle victoire pour le couple !

Artiste : Fransesco Ciccollela / Crédit photo : Ôboem
Artiste : HUskMitNavn/ Crédit photo : Ôboem

« Remplacer une publicité consumériste par une œuvre d’art »

Oliver et Marie se sont adressés à 6 artistes internationaux avec l’objectif de « mettre en avant des illustrations engagées qui interrogent chacune certains aspects de nos modes de vie mais également l’organisation de la société de manière plus générale ». Au lendemain du « vendredi noir » et alors que s’ouvre la période des « achats de fin d’année », l’action qui durera jusque début décembre est manifestement subversive. D’autant que, alors que les panneaux sont essentiellement utilisés pour vendre des produits, il s’agit ici d’en faire un élément culturel, et même de résister à l’agression publicitaire.

L’idée est née au fil des voyages réalisés par le couple, inspiré par une campagne d’affichage ayant eu lieu en Grande Bretagne et par les fresques colorées de Valparaiso au Chili, ville connue pour ses murs sur lesquels se dressent d’impressionnantes œuvres d’artistes de rue. Selon Oliver et Marie, l’art « donnait une autre dimension à la ville » et il se sont alors « demandés comment faire quelques chose de semblable en France », afin de « redonner une touche de poésie et d’humanité dans nos villes ».

Artiste : HuskMitNavn / Crédit photo : Ôboem
Artiste : Kai Ti Hsu / Crédit photo : Ôboem

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Quand l’affichage public devient ainsi un moyen de résistance

Pour Oliver, qui affirme que c’est surtout « le contenu de certaines publicités qui le dérange », les annonces commerciales sont un appel au « consumérisme, dictent un certains paraître », et sont autant « d’injections qui façonnent la vie et la société ». Mais Ôboem veut montrer qu’une autre utilisation des panneaux publicitaires est possible et que d’autres messages peuvent être véhiculés par leur intermédiaire. Ce n’est donc pas un hasard si le leitmotiv de la campagne est « La ville est ce qu’on fait d’elle ».

Afficher des œuvres d’art permet non seulement d’ « égayer la ville avec des artistes, mais aussi de leur donner un public plus important. Dans le même temps il est possible d’éveiller des consciences ». Car l’objectif final est bien là, repolitiser l’espace public qui n’est pas seulement un endroit de passage mais un lieu d’interaction où l’on décide du bien commun et de la manière dont nous souhaitons organiser la société. « Des pans entiers de la société sont en train de changer », note Oliver de manière optimiste, alors qu’il estime que la clé est la volonté collective de s’organiser pour proposer des alternatives.

Les alternatives  citoyennes se développent

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Ôboem n’est pas seul à appeler de ses veux un espace public qui ne serait plus colonisé par les publicités. Ailleurs, le message est même porté par des municipalités au niveau politique, comme à Grenoble, où la nouvelle majorité a pris la décision de tout bonnement bannir l’affichage des rues. Pourtant, il ne s’agit pas d’une évidence : chez nos voisins Belges, c’est l’arrivée des panneaux publicitaires numériques qui faisait polémique il y a quelques mois. Ces problématiques sont reprises dans le documentaire de Viviane de Laveleye et de Xavier Ziomek, diffusé le 20 novembre sur la chaîne belge BX1 et à découvrir sur YouTube. Conclusion de leur enquête ? Diminuer les publicités dans l’espace collectif est avant tout une question de choix politique.

Pub et cité : Quand la pub achète nos villes

Artiste : HuskMitNavn / Crédit photo : Ôboem

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Source : oboem.com

Viviane de Laveleye et de Xavier Ziomek, auteurs de Pub et cité : Quand la pub achète nos villes recherchent de nouveau partenaires pour diffuser leur documentaire. Contact : v.delaveleye@gmail.com

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