Depuis que l’écologie s’est fait une place importante, pour le meilleur et aussi parfois pour le pire, dans les débats politiques et dans les consciences de nombreux citoyens, le tourisme a aussi suivi la tendance. De fait, de nombreux hôtels, qu’ils s’en flattent ou pas, ont intégré diverses pratiques écologiques. De l’hébergement insolite et rural un peu à la bonne franquette jusqu’à l’«ecolodge» de luxe en passant par l’hôtellerie urbaine écolo, de la démarche écologique la plus poussée et ancrée dans le circuit local à d’autres qui le sont un peu moins, on trouve un peu de tout. Voici un petit aperçu, forcément très incomplet, qui donnera une idée de quelques tendances existantes en la matière.


Un lieu commun assez répandu consiste à dénoncer sans savoir les hôtels écologiques comme étant forcément des lieux très coûteux, une lubie de « bobos », cette imprécise engeance que tout-un-chacun dénonce sans pouvoir la définir. Or, s’il existe bel et bien des éco-hôtels très coûteux qui, pour répondre à des normes écologiques, n’en sont pas moins des endroits auxquels on accède après avoir consommé son soûl de pétrole, d’autres en revanche ont une démarche plus globale. Certains sont urbains, d’autres ruraux ou forestiers ; plusieurs joignent la fantaisie architecturale à la démarche éco-responsable ; certains sont particulièrement notables en tant qu’ils signalent une prouesse d’ingénierie.

Des logements insolites

À tout seigneur, tout honneur : commençons par la « Montagne magique », qui est sans conteste l’un des ecolodges les plus connus au monde. Situé au cœur de la Réserve biologique de Huilo Huilo, cet hôtel extravagant en forme conique, du sommet duquel une cascade se déverse sur son flanc, a fait mille fois le tour de la toile et des « top » d’hôtels insolites. Ce qui est moins souligné que l’ingéniosité évidente de son architecture, c’est l’approche écologique qui a présidé à sa construction, de même que celle d’autres hôtels des environs, dont certains sont eux aussi très singuliers. La part belle est faite au bois, le travail y a été réalisé par des artisans des environs… et la démarche globale de conservation de la faune et de la flore a même valu à la Réserve biologique, dont les hôtels sont partie intégrante, le prix de la meilleure initiative pour la conservation de la vie sauvage et des habitats naturels à l’occasion des « Virgin Holidays Responsible Tourism Awards 2012 ». Étant donné sa lointaine position à l’orée de la Patagonie chilienne, cet hôtel laisse toutefois dubitatif sur le caractère « écologique » de sa riche clientèle, qui vient à coup sûr de loin : la « Montagne magique » est tout de même située à près de 1000 km de Santiago du Chili et son accès peut exiger des moyens de transport guère écologiques…

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h_0522013065557Vue intérieure et extérieure de la Montaña Mágica

Un peu moins extravagants et grandioses, mais plus cohérents dans leur démarche écologique, divers éco-hôtels ont poussé près de chez nous, en France. Citons, par exemple, le « Bois du barde », en Bretagne, lieu qui, entre caravane hippie, roulotte, yourte, agriculture bio locale et initiation à la culture bretonne, donne une idée assez claire de ce que peut être le tourisme écologique, lorsqu’il a la cohérence de valoriser les circuits courts et le patrimoine culinaire et culturel local. Sa démarche écologique, globale, inclut le traitement des eaux grises, la récupération de l’eau de pluie, compost et toilettes sèches, ateliers de Land Art ou de création d’instruments de musique à partir de matériaux naturels.

En Limousin, ce sont des yourtes et des cabanes dans les bois, dont un très singulier Lov’nid (cabane ronde à laquelle on accède par une passerelle), qui font l’originalité de « Mes Nuits nomades ». Là aussi, initiation à la gastronomie locale, potager bio, compost, récup de l’eau de pluie, toilettes sèches… et, plus insolite, des alpagas, des loups semi-sauvages et des daims pour voisins ! Marion Hansen, a l’origine de l’initiative, a réalisé diverses installations avec des amis et de la famille.

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Nuits-Nomades-2-7405bb9a8988536f4f603e87f502b50eMes Nuits nomades

Un hôtel permaculturel

Vivant au Guatemala, j’ai eu l’occasion de découvrir un hôtel dont la démarche d’écologie est très complète et, pour tout dire, permaculturelle. Il s’agit de la Isla Verde (« l’île verte », donc), situé sur le lac Atitlán. À l’initiative du projet, une Espagnole, Ana, qui a un coup de cœur pour l’endroit, quitte son ancienne profession (liée à la finance, si mes souvenirs sont justes) et rachète un hôtel. 8 ans plus tard, lorsque je le visite au printemps 2013, c’est à la fois un lieu plein de charme, très vert, que je découvre, faisant la part belle à la récupération intelligente – et élégante –, ainsi qu’à l’usage de matériaux non-polluants le plus souvent possible des environs les plus immédiats. Une partie des aliments utilisés en cuisine provient des potagers de l’hôtel et des arbres fruitiers dont abondent ses jardins ; les autres proviennent du marché du village voisin. Seules les bouteilles de vin sont importées et l’usage du plastique y est évité : un grand bidon d’eau en service libre se trouve dans la partie publique près de la cuisine. Là encore, lombricompost, récupérations des eaux usées pour les jardin : la démarche écologique stricto sensu est très complète et cohérente, chose qui contraste d’autant plus fortement avec l’immense inculture écologique qui est la norme au Guatemala. On pourra ironiser sur la clientèle de Gringos semi-hippies qui, venus des villages voisins où ils ont parfois élu domicile, viennent s’adonner aux ateliers de yoga. Mais à la vérité ce lieu est assez exemplaire et cohérent en matière d’élégance du design, de récupération de matériaux, de circuits courts et de buen vivir, valorisant notamment le slow food.

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isla-verde-hotel-ecologique-detente01La Isla Verde

Hôtels écolos en milieu urbain

Je citerai enfin deux exemples très distincts de démarches d’hôtels écologiques en ville. Le premier est l’étonnante auberge de jeunesse écologique de Paris. Certes, ses chambres ont un mobilier vilain et froid, mais l’intéressant n’est pas là : c’est plutôt sur le plan architectural et de l’ingénierie que ce lieu, inauguré au printemps 2013, se distingue. Il s’agit en effet d’un bâtiment à énergie positive, autrement dit : il génère plus d’énergie qu’il n’en consomme. Peut-être les plus curieux obtiendront-ils de découvrir les « coulisses » de cet endroit et les trésors d’ingéniosité technique qui ont présidé à l’érection de ce bâtiment situé dans le XVIIIème arrondissement parisien.

Signalons enfin, au centre de Mexico, le « Patio 77 », possiblement le seul éco-hôtel de la capitale mexicaine (la quatrième métropole plus peuplée au monde), qui a par ailleurs pris quelques initiatives en l’espèce (notamment l’« ecobici », première initiative de vélo en service libre d’Amérique latine, comparable donc à Vélib). Cela s’avère d’ailleurs d’autant plus urgent que les problèmes d’approvisionnement d’eau sont notoires et devraient être amenés à occuper une place centrale dans l’agenda politique de la capitale. Avec ses 8 chambres aux couleurs de divers États du Mexique (État fédéral), le « Patio 77 » assume son engagement, comme le résume son propriétaire : « Nous avons décidé de créer la première chambre d’hôtes écologique de Mexico d’abord pour partager avec nos hôtes notre passion de cette ville incroyablement riche et dynamique mais aussi pour prouver qu’il est possible de respecter l’environnement tout en conservant le confort d’un hôtel de luxe. Consommer les ressources naturelles de manière plus raisonnée nous semblait d’autant plus évident que Mexico est aujourd’hui confrontée à une crise d’eau sans précédent ». Là aussi, comme dans la plupart des autres établissements ici mentionnés, on pratique le recyclage des eaux grises (douches et lavabos) pour les toilettes, le jardin, le lavage des sols. Ampoules à basse consommation et système photothermique de chauffage de l’eau, nourriture bio et mobilier de seconde main retapé sont parmi les autres initiatives : autant de choses qui, si elles ne sont pas visibles, vont en tout cas dans le bon sens et vont de cet hôtel charmant une démarche d’écologie hôtelière en milieu urbain qui mérite d’être soulignée et encouragée, a fortiori dans un pays et une ville où il reste encore beaucoup à faire en l’espèce.

DSC05162Auberge de jeunesse écologique (AJ) Yves-Robert

Le citoyen a le pouvoir du choix

Au total, « hôtel écologique » est une sorte de fourre-tout, qui exige au voyageur curieux et cohérent d’y regarder de plus près, étant donné la variété de labels de certification… et la réalité d’établissements qui s’auto-qualifient ainsi davantage pour profiter d’une croissante tendance (qui a priori va dans le bon sens) que par conviction. Les hôtels susmentionnés n’illustrent pas la tendance à l’écoblanchiment, tous étant inscrits à des degrés ou par des moyens et dans des contextes divers, dans une approche écologique. Mais un exemple nous vient à l’esprit, lu dans un article de l’excellent site associatif de voyage Echoway : « Guatemala: L’archéologue qui rêvait de touristes ».

Paresse ou fidélité, préférons citer le propos que le paraphraser : « Voyez plutôt l’idée géniale de l’archéologue [il s’agit du spécialiste étasunien Richard Hansen, encensé par les uns, très contesté par les autres et qui a fait du colossal site maya El Mirador, perdu dans la jungle tout au nord du Guatemala « son » projet] : « Du très haut de gamme, pas de touristes sac au dos, des touristes qui descendent direct de Cancun au Mexique en hélicoptère, passent la nuit dans des eco-lodges, visitent le site et s’en vont » explique M. Hansen. Inutile de préciser qu’il s’agit bien sûr… «d’écotourisme » puisque nous sommes dans la nature, n’est ce pas M. Hansen ? « Absolument » répond l’archéologue, « l’idée est de préserver l’environnement d’où l’utilisation d’hélicoptères et d’un train. Nous ne voulons pas de routes » ». Un exemple qui illustre combien il convient d’observer une circonspection de principe à l’endroit de tout ce qui se dit ou se veut « écolo ».

Du reste, c’est à plus forte raison la pratique quelque peu hypocrite de l’éco-touriste lui-même qui est à remettre en question : quelle logique y a-t-il pour un urbain salarié qui consomme de l’éco-carburant et de l’éco-produit vaisselle pour maintenir son mode de vie coissantiste avec une touche de vert… à se rendre trois semaines dans une éco-croisade, un éco-tour ou je-ne-sais-quelle tournée d’éco-hôtels… ? Reste qu’à tout prendre, et puisque le tourisme n’est guère proche de l’effondrement (le XXIème siècle a vu la démultiplication quasiment par 5 du nombre de vols internationaux par an, pour dépasser le milliard en 2011) et les voyageurs même « engagés » et « conscients » guère décidés à renoncer à leur consommation de kilomètres et de carburants, un moindre mal serait peut-être d’encourager de tels établissements plutôt-que les hôtels à clim’ dans des resorts maintenant l’entre-soi et polluant gravement des endroits où l’on ne retournera pas…

– M.F.


Retrouvez la précédente chronique signée M.F.  » Voyager différemment : ça veut dire quoi ? « 

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