L’industrie de l’huile de palme ne cause pas seulement des dégâts environnementaux importants. Son expansion est également la source de violences et de meurtres. Selon une information rapportée par The Guardian cette semaine, 6 fermiers péruviens ont récemment été assassinés par un groupe criminel. D’après les populations locales, ces assassinats auraient eu pour motif de s’accaparer leurs terres qui seraient désormais destinées à la culture de palmiers à huile, une activité lucrative mais particulièrement destructrice de l’environnement, notamment parce qu’elle engendre une déforestation importante.
D’après la police locale, les fermiers auraient été surpris de nuit, ligotés au niveau des pieds et des mains, puis jetés dans une rivière. Des blessures par balles ont été retrouvées sur la majorité des corps. Un témoin a pour sa part affirmé que les fermiers avaient été attaqués par une quarantaine de personnes armées et cagoulées. Les victimes étaient toutes membres de l’Asociación Agrícola Bello Paraíso dans la région du Ucayali, au Pérou. Tous travaillaient à la protection des forêts et à la préservation de l’agriculture locale menacée par des groupes d’intérêts privés. Un véritable choc pour les populations locales et une « bonne nouvelle » pour ceux qui voulaient s’accaparer leurs terres.
Les populations locales inquiètes
Le représentant des populations indigènes locales, Robert Guimarães, dénonce les menaces exprimées à leur encontre par des groupes de trafiquants de terres et s’inquiète pour la sécurité des familles et des enfants : il demande qu’une protection d’urgence leur soit accordée de la part de l’État. D’autant que ce type de crime « économique » n’est pas rare. En 2014, quatre indigènes ashéninkas étaient assassinés à Ucayali par des individus pratiquant une déforestation illégale. Crimes qui demeurent impunis.
Selon lui, les autorité locales portent leur part de responsabilité, notamment en accordant de faux titres de propriété à des gangs criminels. En effet, confirme un procureur local, Jose Luis Guzmán, « tout indique que le gouvernement régional est impliqué dans le trafic de terres ». D’un autre côté, de nombreuses demandes de reconnaissance de propriété émises par les populations locales restent sans réponse, si bien qu’elles se retrouvent dans une situation particulièrement précaire.
Déforestation et violences, un problème persistant au Pérou et dans le reste du monde
Le massacre a été dénoncé par Friends of the Earth International (Les amis de la Terre) qui estime que « tous les éléments connus suggèrent que ces meurtres ont eu lieu dans le cadre d’une campagne pour évincer les fermiers locaux et les communautés locales de leurs terres ancestrales contre leur volonté, dans l’objectif d’y installer des plantations de palmiers à huile ». L’association note que la région est connue pour le trafic de terres qui y est organisé : « les gangs usent de violence pour s’approprier des zones de forêt, obtiennent des titres de propriété de la part des autorités et les vendent ensuite aux industries de l’agrobusiness pour des plantations ». Pas impossible donc que cette matière se retrouve ensuite dans nos produits de consommation.
Avec le développement de carburants produits à partir d’huile de palme, la pression sur les terres pourrait encore croître, aggravant une situation déjà tendue, avec une augmentation des vols de terres, des violences et de la déforestation. Cette situation n’est pas spécifique au Pérou : dans le monde entier les violences liées à la production d’huile de palme augmentent. Mais comme le soulignent de nombreuses sources, le problème ne pourra pas être résolu tant que les criminels jouiront d’une grande impunité et que les États respectifs n’interviennent pas de manière efficace et systématique contre les actes de violence. La responsabilité appartient aussi aux entreprises de l’agro-business, et marques qui s’y approvisionnent. Tous semblent fermer les yeux sur l’origine des produits qu’elles achètent, en dépit des discours de façade.
Rappelons que les meurtres d’activistes de l’environnement se multiplient et que l’assassinat de fermiers qui s’opposent à la destruction de l’environnement n’est pas rare. En 2016, pas moins de 200 personnes de par le monde ont ainsi été délibérément tuées pour avoir défendu cette cause, un record. Autant de familles brisées et de combats gagnés par des acteurs privés motivés par la soif de profits. Triste démonstration que les questions éco-sociales sur le terrain sont loin d’être des considérations de « bobos » mais touchent au sens même de notre humanité.
Cette triste nouvelle fait également écho aux combats de Maxima Acuna, la péruvienne qui faisait front aux multinationales au péril de sa vie, mais aussi à celui de Saul Luciano Lliuya engagé dans un combat d’une vie contre l’industrie fossile dans ce même pays. Selon Global Witness, deux facteurs sont à l’origine de ce triste chiffre : « l’intensification de la lutte pour les ressources naturelles, qui fait que les entreprises s’emparent de plus en plus de l’espace vital des populations autochtones et des paysans » d’une part et « l’impunité, qui […] encourage les auteurs de ces meurtres à continuer à tuer » d’autre part. Qu’attendent les gouvernements pour imposer une forme de protectionnisme solidaire et ainsi punir les acteurs économiques liés à ces meurtres ?
Sources : theguardian.com / foiei.org / eia-global.org
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