Alors que le scandale Lactalis continue de faire couler l’encre, le géant industriel accumule les casseroles. « Médiacité » et « Ebdo » révélaient récemment comment « le groupe français Lactalis a caché 2 milliards d’euros au Luxembourg ». Via ses filiales, la multinationale qui a réalisé plus de 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016, a pu se soustraire à une partie des impôts à payer dans les pays dans lesquels ses activités sont pourtant réalisées.
Depuis que le scandale des laits infantiles contaminés aux salmonelles a éclaté il y a quelques semaines, Lactalis se retrouve sous le feu des projecteurs. Alors que l’opacité des méthodes de l’industriel défrayait la chronique, d’autres informations sur le géant de l’agro-alimentaire jetaient le trouble à propos de son juteux business. Ainsi, la dernière enquête de Cash Investigation montrait que le groupe détenu par la famille Besnier préférait payer une amende plutôt que de publier ses comptes. De là à croire que le géant mondial du lait a un problème avec ses bénéfices et leur publicité…
Dans ce contexte, les révélations de « Médiacité » et d’ « Ebdo » apportent à nouveau du grain à moudre. D’après les informations des journalistes, Lactalis a multiplié ces dernières années les opérations financières au Luxembourg et en Belgique, des manœuvres concernant pas moins de 2 milliards d’euros et permettant, au nez de l’administration, de faire échapper à l’impôt une partie des bénéfices. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les pratiques fiscales de Lactalis sont pointées du doigt dans un contexte où les producteurs laitiers sont acculés et souvent surendettés. Ainsi, les multiples filiales de BSA, la maison mère de Lactalis, permettent de jouir de taux d’imposition cléments, notamment en Belgique….
Pour Lactalis, c’est le beurre et l’argent du beurre
Les journalistes de « Médiacité » et « Ebdo » se sont intéressés à une « caisse noire » au Luxembourg, au sein de laquelle deux personnes seraient employées à temps partiel. Son nom ne nous dira rien : Nethuns. En réalité, l’entité n’est rien d’autre qu’une filiale indirecte de BSA, la fameuse holding française qui contrôle le groupe Lactalis via ses participations. Par l’intermédiaire d’opérations « complexes » et « opaques » ayant eu lieu entre 2016 et 2017, pas moins de 2 milliards d’euros ont été redistribués par le biais de la structure et « permettrait de dissimuler les profits réalisés par Lactalis », démontre Laurent Valdigué dans son enquête pour Ebdo. Le montage a aboutit à ce qu’1 milliard d’euros de plus-value net d’impôts soit reversé à BSA, en Belgique, où la fiscalité est pour le moins avantageuse. L’autre moitié a été transformée sous forme de rémunération à des bénéficiaires cachés.
Le tour de passe-passe aura permis de contourner le fisc et d’économiser plusieurs millions d’impôts, « un mécanisme d’évasion fiscale choquant alors que la crise frappe les éleveurs », note « Ebdo », qui constate que grâce à ses filiales et ses opérations bancaires obscures, la famille Besnier « échapperait aux fiscs des pays où est implanté [son] empire ».
La Confédération paysanne hausse le ton
Alors que l’agriculture française est en pleine crise, que les producteurs de lait vendent souvent à perte au géant Lactalis et peinent à subvenir à leurs propres besoins, contractant des dettes importantes pour faire perpétuer leurs activités, l’information n’a pas manqué de révolter. Via un communiqué, la Confédération Paysanne s’est insurgée du montage financier de Lactalis. Le syndicat agricole a notamment fustigé la disproportion entre les bénéfices réalisés par le géant du lait grâce à sa présence au Luxembourg et la réalité de terrain des paysans « qui ne s’en sortent pas ». Une intervention d’Emmanuel Macron pour déclencher une enquête est par ailleurs réclamée.
Il faut dire que la situation est d’une violence symbolique importante. Pendant que ceux qui produisent les ingrédients à partir desquels Lactalis a pu s’étendre dans le monde, le géant du lait se soustrait à ses obligations fiscales. La situation, qui semble être la norme d’après le dernier scandale « Paradise Papers », met pourtant une nouvelle fois en cause le caractère démocratique de notre société contemporaine plus que jamais déconnectée du réel.
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