Dernièrement, le nouveau premier ministre Michel Barnier a enfin révélé la composition de son gouvernement. En comptant le locataire de Matignon, c’est donc une équipe de 40 personnes qui va prendre en charge la destinée du pays. Or, à l’inverse de la coalition arrivée en tête aux dernières élections, on y retrouve des profils très à droite qui laissent présager une politique dans la lignée de celle mise en place par le chef de l’État depuis 2017.

Après avoir brossé dans un précédent article le portrait du Premier ministre, Mr Mondialisation s’est penché sur la composition du gouvernement concocté par Michel Barnier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne préfigure pas d’amélioration pour la vie des Français, bien au contraire. Zoom sur les 19 ministres de plein exercice qui conduiront le pays.

Antoine ARMAND, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (Renaissance)

Pur produit du Macronisme, passé par le lycée élitiste Henry IV et l’ENA, Antoine Armand prend la place de Bruno Le Maire et devient le plus jeune ministre de l’Économie de l’Histoire. Libéral convaincu, il a d’ailleurs voté contre la taxation des superprofits.

Depuis son entrée en fonction, il s’est déjà fait remarquer en excluant le RN de l’arc républicain. Une petite phrase qui n’a pas plu à Marine Le Pen qui s’en est plainte à Michel Barnier. Ce dernier s’est platement excusé et a réprimandé le nouveau locataire de Bercy. Preuve s’il en est que le sort de ce gouvernement repose entièrement entre les mains du Rassemblement National.

Gil AVÉROUS, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative (Divers droite)

À la surprise générale, c’est l’actuel maire de Châteauroux qui s’est vu confier le secteur du sport, en lieu et place de la très critiquée Amélie Oudéa-Castera. Un choix étonnant, puisque ce poste est souvent dévolu à un ancien athlète, ce que n’est pas Gil Avérous. Il aura en tout cas fort à faire de par un portefeuille réduit de 200 millions d’euros, ce qui ne l’empêche pas d’y trouver une « certaine logique ».

Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (MoDem)

Pour remplacer Stéphane Séjourné, Michel Barnier a choisi Jean-Noël Barrot, lui-même fils de Jacques Barrot, ex-ministre de Jacques Chirac dans les années 90. Il faisait déjà partie des gouvernements Borne et Attal en tant que délégué au numérique, puis à l’Europe. Passé par HEC, il ne semble pas avoir un profil idoine pour le poste, mais il a l’avantage d’être un fidèle d’Emmanuel Macron qui souhaitait garder la main sur ce secteur.

François-Noël BUFFET, ministre chargé des outre-mer (Les Républicains)

Le successeur de Marie Guévenoux aura fort à faire tant la situation sociale est catastrophique en outre-mer depuis des années. On peut citer la crise de l’eau qui fait rage depuis longtemps, en particulier à Mayotte, mais surtout la Kanaky–Nouvelle-Calédonie, actuellement à feu et à sang. Celui qui manifestait en 2013 contre le mariage pour tous n’est en tout cas pas originaire d’une de ces régions, puisqu’il est né à Lyon. Une constante pour ce poste depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

Paul CHRISTOPHE, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes (Horizons)

Illustrant le virage encore plus droitier du gouvernement, l’ancien député Paul Christophe, qui avait voté contre la PMA pour toutes en 2021, hérite donc d’un ministère hybride qui comprend l’égalité entre les hommes et les femmes. Avec un homme issu d’un parti réactionnaire, qui s’était d’ailleurs opposé à l’allongement du délai pour procéder à une IVG, pour porter la cause féministe, le combat risque de ne guère progresser.

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Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins (MoDem)

Membre du gouvernement presque sans discontinuer depuis 2017, Geneviève Darrieussecq était jusqu’ici habituée aux seconds rôles. Sans doute sélectionnée pour la discrétion et sa fidélité au président, elle accède donc cette fois-ci à un poste de prestige. Défenseuse de la corrida, allergologue de formation et ancienne maire de Mont-de-Marsan, elle sera sans aucun doute chargée de poursuivre les opérations de saccages de l’hôpital public mené par l’État depuis sept ans.

Rachida DATI, ministre de la Culture et du Patrimoine (Divers droite)

L’ancienne membre des Républicains, déjà débauchée par la Macronie lors de son dernier remaniement, conserve son ministère de la culture. Engluée dans plusieurs affaires, l’ex-garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy espère toujours faire le trait d’union de toute la droite dans sa course à la conquête de la mairie de Paris en 2026.

Anne GENETET, ministre de l’Éducation nationale (Renaissance)

Sans aucune expérience dans le milieu de l’éducation, cette ancienne journaliste médicale issue de la grande bourgeoisie est aussi une macroniste de la première heure puisqu’elle était députée de ce camp depuis 2017. Elle a déjà créé la polémique de par son passé dans une agence de domestiques à Singapour où elle donnait des conseils d’un mépris de classe effrayant.

Annie GENEVARD, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt (Les Républicains)

Si personne ne regrettera Marc Fesneau, chantre de l’agriculture intensive, son héritière ne devrait pas améliorer la situation, bien au contraire.

Députée depuis 12 ans, elle a soutenu bon nombre de mesures contre les animaux : chasse à la glu, déterrage des blaireaux et des renards, moins de préservations des loups, abattage d’espèces protégées, opposition au renforcement des sanctions contre ceux qui maltraitent les bêtes, sauvegarde de l’élevage en cage, ou encore moratoire sur l’interdiction de certains pesticides. De quoi inquiéter les défenseurs de la biodiversité, d’autant plus qu’elle ne cache pas sa proximité avec la FNSEA ni son aversion pour les soulèvements de la terre.

Patrick HETZEL, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Les Républicains)

En plus d’avoir tenu plusieurs positions réactionnaires (opposition au mariage pour tous, à la PMA pour toutes, à l’aide médicale d’État, au projet de fin de vie ou encore à la constitutionnalisation de l’IVG), Patrick Hetzel est aussi très décrié pour ses positions anti-sciences.

Il a ainsi pris la défense de Didier Raoult et de son traitement à l’hydroxychloroquine contre le covid-19, mais également de l’homéopathie. En outre, il a démontré son complotisme, allant jusqu’à réclamer la création d’une « commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo‑gauchistes dans l’enseignement supérieur ». De quoi frémir pour un ministre de la recherche.

Guillaume KASBARIAN, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique (Renaissance)

Sortie d’une école de commerce, Guillaume Kasbarian est bien connu pour ses positions très libérales et bien à droite. Favorable au libre-échange, et en particulier au CETA, il s’est aussi illustré avec sa proximité avec le printemps républicain sur les questions de laïcité. Il avait par ailleurs déjà été nommé ministre du Logement après avoir pourtant porté un projet de loi « anti-squat », dénoncé par l’ONU, qui prévoyait notamment une peine de prison pour des loyers impayés.

Avoir un profil proche du libertarianisme pour gérer la fonction publique a en tout cas de quoi faire frémir, surtout lorsque l’on sait que le gouvernement cherche à faire des économies à tout prix.

Sébastien LECORNU, ministre des Armées et des anciens Combattants (Renaissance)

Autre domaine sur lequel Emmanuel Macron tenait absolument à conserver la main, les armées ne changeront pas de ministre puisque Sébastien Lecornu occupait déjà ce poste auparavant. Et peu importe qu’il ait été soupçonné de prise illégale d’intérêts par le parquet financier.

Valérie LÉTARD, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine (UDI)

Co-fondatrice de l’UDI et du groupe hétérogène LIOT à l’assemblée, Valérie Létard avait déjà été membre du gouvernement Sarkozy dans les années 2000. Elle aura en tout cas du pain sur la planche dans un secteur plus que jamais en crise, notamment pour les plus précaires comme les étudiants.

Didier MIGAUD, garde des Sceaux, ministre de la Justice (Sans étiquette)

Décrit comme une « caution de gauche » par les médias, sous prétexte de son ex-appartenance au PS (qu’il a tout de même quitté il y a plus de 14 ans lorsque Nicolas Sarkozy l’a nommé à la Cour des comptes en 2010), Didier Migaud s’inscrit en réalité dans la droite ligne des politiques macronistes puisqu’il a toujours réclamé plus d’austérité dans le budget de l’État. Une situation à laquelle il sera confronté dans un secteur qui manque cruellement de moyens.

Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (Renaissance)

Soutien d’Emmanuel Macron depuis le début, on ne présente plus Agnès Pannier-Runacher qui a déjà été à trois reprises ministre du chef de l’État depuis 2017. Passée à l’énergie et à l’industrie, elle voit son portefeuille élargi à l’écologie.

Décriée pour sa déconnexion avec le monde du travail, sa nomination à l’environnement ressemble à une véritable provocation lorsque l’on sait ses conflits d’intérêts avec l’entreprise pétrolière Perenco qui fut autrefois dirigée par son père.

Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre du Travail et de l’Emploi (Renaissance)

Peu connue, Astrid Panosyan-Bouvet est pourtant l’une des plus anciennes partisanes d’Emmanuel Macron. Elle le conseillait d’ailleurs déjà lorsqu’il faisait partie du gouvernement Hollande en 2014 ; elle est même directement impliquée dans l’affaire des uber files.

Par la suite, elle a co-fondé « En Marche » avec l’actuel chef de l’État. Aussi issue d’une école de commerce, elle s’est également illustrée par sa défense des dirigeants d’extrême droite israéliens et par ses sorties réactionnaires, notamment en soutenant des militantes transphobes.

Bruno RETAILLEAU, ministre de l’Intérieur (Les Républicains)

Probablement la personnalité la plus à droite de ce jeune gouvernement, Bruno Retailleau coche toutes les cases pour satisfaire le RN. Laurent Jacobelli, député du parti d’extrême droite, se félicitait même que le nouveau ministre de l’Intérieur « récite très bien le programme du RN ».

Il faut dire que l’ancien membre du mouvement de Philippe De Villiers a de quoi plaire à cette partie de l’échiquier politique : raciste lorsqu’il parle de « Français de papier » et de « régression vers les origines ethniques », transphobe et homophobe, notamment opposé au mariage pour tous et à l’interdiction des thérapies de conversion, dans le déni des violences policières, pourfendeur du « wokisme », s’attaquant au droit de grève, et décrivant la gauche comme une « menace pour la république ». Tout un programme pour le nostalgique des « belles heures de la colonisation »…

Laurent SAINT-MARTIN, ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics. (Renaissance)

D’évidence, le gouvernement sera plus que jamais sous le signe de l’austérité. Et le nouveau ministre du Budget y veillera sans aucun doute. Ce membre d’En Marche des premières heures provient lui aussi d’une école de commerce. Et il l’a certifié, pour sortir le pays de la situation où le Macronisme l’a lui-même placé, il est hors de question de taxer les plus riches : il mise « prioritairement » sur des économies. Comprendre par là, de nouvelles coupes massives dans nos services publics.

Catherine VAUTRIN, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation (Renaissance)

Déjà évoqué il y a deux ans pour prendre le poste de Première ministre, Emmanuel Macron lui avait finalement préféré Élisabeth Borne, devant les polémiques suscitées par le nom de la première. Il faut dire que cette ancienne LR, mise en examen pour abus de confiance en 2014, a également tenu des positions très à droite, comme son opposition au mariage pour tous, à la loi contre le délit d’entrave numérique à l’IVG, et une homophobie non dissimulée.

Un gouvernement à droite toute

« Onze ministres sur dix-neuf sont d’ailleurs issus du parti du camp présidentiel »

On l’aura donc compris, à travers les profils très à droite de ce nouveau gouvernement, le cap politique ne devrait encore qu’empirer. Malgré ses échecs aux deux dernières élections, Emmanuel Macron compte ainsi poursuivre sa stratégie menée depuis 2017.

Onze ministres sur dix-neuf sont d’ailleurs issus du parti du camp présidentiel, ce qui marque bien le refus du chef de l’État de reconnaître sa défaite. La présence des Républicains et de personnalités réactionnaires devrait même permettre de s’assurer le soutien tacite du RN de Marine Le Pen. Au moins pour l’instant.

– Simon Verdière


Image d’entête @Renew Europe Group Meeting. Exchange of views with Michel BARNIER, European Chief Negotiator for the United Kingdom Exiting the European Union/Flickr

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