L’enquête « Puissante et incontrôlée : la troïka » du journaliste allemand Harald Shuman dissèque l’organisme le plus puissant en Europe, bien que constitué de hauts fonctionnaires non élus : la Troïka. Celle-ci a imposé des mesures d’austérité partout en Europe, jusqu’à provoquer de véritables catastrophes socio-économiques et sanitaires, comme en Grèce. Fruit d’un an d’investigation, le reportage dresse un bilan de ces politiques sur les peuples et mène une enquête sur les prises de décisions arbitraires et le fonctionnement anti-démocratique de la Troïka.

Composée de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne (CE) et du Fonds monétaire international (FMI), la Troïka impose ses méthodes antisociales et anti-démocratiques depuis 2010, suite à la « crise de  la dette » provoquée par la crise financière de 2008. Au prétexte de vouloir combler les déficits des pays en difficultés, l’austérité qu’elle a imposée à plusieurs pays européens (Irlande, Espagne, Portugal et surtout Grèce) a eu l’effet inverse : elle a fait exploser la dette publique, détruisant au passage système de santé et protections sociales, vampirisant le patrimoine et les services publiques et faisant gravement baisser les salaires et les pensions.

L’exemple le plus dramatique est la Grèce, où les conséquences sont considérées par beaucoup comme criminelles : augmentation des suicides, des maladies, des dépressions, de la mortalité infantile…Assez logiquement, les Grecs ont porté au pouvoir début 2015 le parti de gauche radicale Syriza, dont le programme (et les premières mesures) est destiné à lutter contre l’austérité et à essayer de réparer les dégâts qu’elles a causés.

Qui est là Troïka ? Comment fonctionne-elle ? Comment est-elle parvenue à devenir plus puissante que les gouvernements ? A qui profite le crime ? Autant de questions passées en revue par ce reportage sans concessions.

Harald Schuman va à la rencontre d’un pays ravagé par les mesures du « Memorandum of understanding ». En 4 ans, l’état grec a été contraint de réduire ses dépenses générales d’un tiers sous la pression de la Troïka. 3 millions de personnes n’ont plus aucune couverture sociale, de soins de santé, ou d’assurance maladie. 40% des hôpitaux du pays ont fermé, la moitié du personnel de santé a été licencié. Les médecins constatent le décès de centaine de personnes par mois, faute d’avoir été soignés. Les experts de la Troïka ont obtenu un plafonnement des dépenses de santé de l’état grec à 6% du PIB quand l’Allemagne voit sa moyenne à 10%, 8% pour l’Europe.

Le documentaire nous amène à sillonner les rues d’Athènes où les commerces sont vides et bradés. Le constat est édifiant : 29% de chômage, 60% chez les jeunes. Le salaire minimum a chuté de 751 à 585 euros, sans même être passé par le vote au parlement. Les conventions collectives ont été supprimées.

La menace de ne pas débloquer les prochaines tranches de crédit, essentielles à la survie du pays, donne lieu à un chantage malveillant auprès des ministres grecs : certains textes ont été entièrement barrés et reformulés jusqu’au dernier mot. Le tout, dans l’irrespect de la fonction de ministre d’un état souverain.

Les privatisations forcées ont accentué le pillage du peuple grec. Les négociateurs de la Troïka ont souhaité vendre rapidement des biens publics à des créanciers privés (bâtiments officiels, îles, système électriques, régions touristiques, etc) sans mise en concurrence. Le cas de l’ancien aéroport d’Athènes est éloquent : vendu à un milliardaire grec pour moins de la moitié de sa valeur, il ne comportait qu’un seul enchérisseur. La privatisation des banques a été elle aussi un naufrage pour les grecs avec une perte de 15 milliards d’euros, l’équivalent des économies réalisées sur le budget de santé depuis 2010.


Source : les-hiboux.fr / Image : arte.tv

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