Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est sans nul doute l’une des personnalités politiques du gouvernement qui suscite le plus de polémiques. Impliqué dans diverses affaires, il est particulièrement dénoncé pour ses positions très à droite qui n’ont souvent rien à envier à celles de Marine Le Pen. Portrait d’un homme répressif, menteur, abusif.

L’ancien membre des Républicains fait, sans aucun doute, partie de ces néolibéraux qui n’auraient probablement aucun mal à préférer l’extrême droite à la gauche. À l’instar d’une large majorité du gouvernement, on le voit d’ailleurs bien plus régulièrement s’en prendre à la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) ou à la France Insoumise qu’au Rassemblement National, qu’il participe, chaque jour un peu plus, à légitimer.

Un jeu dangereux, dès le plus jeune âge

Dès l’âge de 16 ans, Darmanin s’engage au RPR (Rassemblement pour la République), l’ancêtre des Républicains. Il intègre même la direction de la section jeune du parti. Mais lorsque les libéraux prennent le pas sur les conservateurs au sein du mouvement et que le RPR devient l’UMP (Union pour un mouvement populaire), Darmanin s’efface pour épauler son nouveau mentor : Christian Vanneste en 2004.

Les deux hommes ont un point commun flagrant : celui d’évoluer sur une ligne de crête entre la droite et l’extrême droite. À l’époque, le député Vanneste s’illustre particulièrement par ses propos homophobes : il évoque par exemple une « infériorité morale et sociale du comportement homosexuel par rapport au comportement hétérosexuel qui conduit au mariage et à la procréation ».

Soutien à la manif pour tous

Des propos qui n’empêcheront pas Darmanin d’être son attaché parlementaire, et son directeur de campagne à plusieurs reprises. Il faut dire que le natif de Valenciennes, élevé dans une famille très catholique et éduqué dans un lycée privé de même obédience, a également eu des positions plus que critiquables à ce sujet.

Au moment de l’instauration du mariage pour tous, il se positionne ainsi clairement du côté des opposants à la réforme, la jugeant « néfaste » et assurant même que s’il devenait maire de Tourcoing il ne célébrerait « pas personnellement de mariages entre deux hommes et deux femmes »

Prêt à tout pour sa carrière

Très vite, Gérald Darmanin va montrer son vrai visage : celui d’une personne prête à tout pour atteindre son but et qui n’hésite jamais à mentir ou réécrire l’Histoire. En 2012, il renie complètement Christian Vanneste qui bascule toujours un peu plus vers l’extrême droite, jusqu’à finir par soutenir Éric Zemmour en 2022.

À la même époque, celui qui l’a aidé à lancer sa carrière politique est éjecté du poste de prétendant à la députation après un énième dérapage homophobe. Voyant une opportunité, Darmanin s’engouffre dans la brèche et accepte de l’affronter (puisque Vanneste maintiendra sa candidature) en tant que candidat pour l’UMP.

Et pour asseoir sa légitimité, il ment ouvertement en assurant n’avoir « jamais été un collaborateur » de l’élu sortant. Pourtant Vanneste déclarera bien que : « Sur tous les sujets, il était en communion idéologique totale avec moi. Il était plus que catholique, pratiquement intégriste. »

Expert du retournement de veste

Mais c’est en entrant dans le gouvernement d’Emmanuel Macron en 2017 que Gérald Darmanin va démontrer tous ses talents d’opportuniste. Il faut dire que, quelques mois plus tôt, il raillait copieusement le candidat d’En Marche, puisqu’il faisait alors la campagne de François Fillon.

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Il qualifia alors Macron « d’incarnation du vide » de « bulle spéculative » et de quelqu’un qui « ne connaît pas le pays ». Selon lui, l’élection de celui qu’il désignait comme un « bobopopuliste » propulserait la France « dans l’instabilité ». À noter qu’il s’agissait sans doute de la dernière fois où Gérald Darmanin a déclaré quelque chose de pertinent…

Mais contre un poste de ministre du Budget, il trahit son parti et renia tout ce qu’il venait de dire. Il reviendra d’ailleurs également sur ses positions favorables à la manif pour tous, afin de redorer son blason. De même, il effacera tous ses tweets critiquant le nouveau président. Exclu des Républicains, il adhère alors au mouvement du locataire de l’Élysée.

Des mandats à tire-larigot

Grâce à ses talents d’opportunisme, Gérald Darmanin aura réussi à décrocher énormément de postes durant sa carrière. Entre 2010 et 2023, il a ainsi été huit ans conseiller régional, six ans ministre, un an conseiller départemental, quatre ans député, trois ans adjoint au maire de Tourcoing et presque quatre ans premier édile de la même ville.

Évidemment pour embrasser 26 ans de responsabilité sur à peine 13 ans, il a dû additionner un certain nombre de mandats. En 2017, au moment où il est choisi par le président, le professeur Michel Abhervé assure d’ailleurs qu’il occupe encore pas moins de 26 fonctions ! Pendant quelques moins, Emmanuel Macron l’autorisera à cumuler sa place de maire avec son poste de ministre, malgré ses promesses de campagne.

Accusé de viol

Quand Darmanin veut quelque chose, il finit souvent par l’obtenir. Et ce constat ne vaut pas que pour la politique. Son rapport aux femmes est en effet extrêmement problématique, et son sexisme n’est plus à démontrer, comme l’illustrait son attitude face à la journaliste pourtant très libérale Apolline De Malherbe. Mais pire encore, le ministre a également fait l’objet de terribles accusations de crimes sexuelles.

En 2015, une Tourquennoise explique que Gérald Darmanin a obtenu d’elle des relations sexuelles en échange de la promesse d’un emploi et d’un logement. Malgré sa plainte, l’affaire sera classée sans suite.

En plus de cette histoire sordide, le ministre de l’Intérieur fait aussi face à des accusations de viol. Dans cette affaire toujours en cours, la victime présumée assure qu’il a abusé d’elle en 2009. En 2022, elle racontera d’ailleurs cet épisode dans un récit glaçant pour Blast.

Le mensonge comme une seconde nature

Depuis qu’il est devenu ministre, Gérald Darmanin a tellement menti qu’on pourrait légitimement se demander s’il n’est pas sérieusement atteint de mythomanie. On se souvient par exemple de 2020 où il avait alors réussi l’exploit de sortir pas moins de neuf mensonges éhontés en à peine un mois.

Il serait fastidieux de lister ici l’intégralité de ses mystifications, mais on peut raisonnablement penser qu’elles se compteraient par dizaines depuis son arrivée au gouvernement en 2017. Ses interventions sont d’ailleurs souvent perçues comme de pures provocations et d’une indécence totale. Dernièrement, il avait par exemple assuré être « l’aile gauche de la majorité » sur les questions d’immigration. Dans la même veine, il lance en 2020 : « Quand j’entends les mots “ violences policières ”, personnellement je m’étouffe ». Et ce quelques semaines après les décès de Georges Floyd et de Cédric Chouviat, tous deux morts sous le poids d’un policier et dont les dernières paroles furent « j’étouffe ».

Dérive sécuritaire

Récemment, Le Monde dénonçait une nouvelle salve de mensonges du ministre au sujet des répressions commises lors des manifestations. Il avait par exemple assuré que les forces de l’ordre à bord de quads n’avaient pas utilisé de LBD, ce qui était pourtant démontré par les images. Devant l’évidence, il a d’ailleurs finalement été contraint de changer de version.

Il faut dire que pour protéger ce gouvernement des révoltes populaires, Emmanuel Macron a besoin d’un atout pour séduire les forces de l’ordre. Dans la droite ligne de Christophe Castaner, Gérald Darmanin a toujours défendu ce corps de l’état (tout au moins verbalement), en toutes circonstances, y compris encore maintenant après les nombreuses dérives constatées durant les manifestations contre la réforme des retraites.

Pour appuyer ses délires sécuritaires, il entretient lui-même un climat de peur, comme lorsqu’il évoquait un « ensauvagement d’une partie de la société ». Un vocabulaire directement emprunté à l’extrême droite et d’ailleurs souvent utilisé par Marine Le Pen, mais qui va cependant à rebours de la réalité.

Dans cette ambiance délétère, le ministère a réussi à faire imposer la loi « sécurité globale » qui a pourtant été dénoncée par de nombreuses associations et organismes comme une grave atteinte aux libertés fondamentales.

Discours discriminatoires

Faisant largement écho à l’extrême droite, Gérald Darmanin est aussi régulièrement parti en croisade contre le « communautarisme ». Un bon prétexte pour étaler au grand jour son obsession islamophobe, clairement concrétisée par la loi sur le séparatisme.

Mais les polémiques ne s’arrêtent pas là puisque le ministre a également écrit un livre dans lequel il tient des propos antisémites. Il y compare son action à celle de Napoléon vis-à-vis des juifs français qui a « réglé les difficultés touchant à la présence des Juifs en France » qui « pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et réclamations », reprenant ainsi des poncifs contre cette religion.

Plutôt RN que La France Insoumise

La proximité de Darmanin avec l’extrême droite est aussi très visible par ses multiples attaques à l’encontre de la gauche. On y retrouve toutes les méthodes utilisées par Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Le locataire de Beauvau fait ainsi souvent référence à un prétendu « extrémisme » ou évoque régulièrement « l’ultra-gauche » pour désigner ses opposants. Il n’hésite d’ailleurs pas à tracer un signe égal entre Mélenchon et Le Pen (même s’il affirmera aussi que Le Pen est politiquement « incontestablement plus intelligente que Mélenchon »).

Celui qui appartient à un gouvernement qui prétend lutter contre l’extrême droite ne semble pas avoir beaucoup de divergences avec Marine Le Pen. Lors d’un débat, celle-ci l’avait d’ailleurs adoubé en expliquant qu’elle aurait pu signer son livre sur le séparatisme islamique.

De son côté, Darmanin a poussé le bouchon jusqu’à reprocher à la cheffe du Rassemblement National de ne pas être assez dure. « Que se passe-t-il ? Vous êtes dans la mollesse. Il faut reprendre des vitamines. Vous êtes allée trop loin dans votre stratégie de dédiabolisation. » lui a-t-il lancé. Pour couronner le tout, Thomas Sotto, le présentateur de l’émission a fini par lâcher : « On a le sentiment que vous dites et pensez la même chose ».

Auteur pour un magazine royaliste

Notons également une certaine proximité avec l’Action Française, le plus important mouvement royaliste de France, ouvertement antisémite et d’extrême droite. L’organisation assure qu’il a participé à un camp d’été, ce qui n’est pas entièrement démontré.

Ce qui est en revanche factuel, c’est qu’il a bel et bien écrit des articles dans Politique Magazine, une publication de l’école de pensée en faveur de la monarchie. Son ex-mentor, Christian Vanneste, a d’ailleurs lui aussi fait partie de l’AF, ce qui donne du corps à cette histoire. On comprend mieux pourquoi il préfère taper sur la gauche que sur les identitaires…

Le plus risible, c’est qu’il a lui-même le culot d’accuser la gauche de servir de marchepied à l’extrême droite. Celui qui accepte des interviews avec Valeurs Actuelles (encore un acte de lutte républicain, sans doute) a par exemple dénoncé le vote de la NUPES de motions de censure également appuyées par le RN, alors que lui-même l’avait fait à trois reprises quand il était député UMP.

Coup de bambou contre les écologistes

Évidemment, à l’image de toute la Macronie, l’environnement est un sujet qui n’intéresse pas une seule seconde le ministre de l’Intérieur. Pour lui, les écologistes sont tout au plus des idéologues qui empêchent le monde de tourner normalement.

C’est lui qui a, par exemple, mis en avant le terme complètement lunaire « d’écoterroristes » pour désigner les militants écologistes. Récemment, il a d’ailleurs créé une « cellule anti ZAD » et dénoncé le « terrorisme intellectuel d’extrême gauche ». S’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi grave, on pourrait presque en rire.

Dernièrement encore, il a réclamé la dissolution de l’association écologiste « Les Soulèvements de la Terre », déclenchant un tollé parmi les défenseurs de la planète. Pour Darmanin, l’ordre et le respect absolu du capitalisme paraissent donc bien plus importants que la préservation du seul et unique lieu de vie de l’espèce humaine.

L’ancien député fait en tout cas tout ce qui est son pouvoir pour décourager tout mouvement de révolte, que ce soit contre son gouvernement où contre l’inaction environnementale. Pour ce faire, il a clairement choisi la peur et les contrevérités comme armes principales ; stratégie antidémocratique dans laquelle il s’illustre chaque jour un peu plus comme, enfin, lorsqu’il va jusqu’à dernièrement menacer de remettre en question les subventions publiques accordées à la Ligue des droits de l’homme.

Sur BFMTV, un avocat déclarait récemment : « Il ne faut pas se tromper, c’est le métier du ministre de l’Intérieur de mentir ». Au-delà du caractère scandaleux et antidémocratique de ces propos, on peut au moins reconnaître que si Emmanuel Macron cherchait un champion hors pair dans le domaine, il a sans aucun doute trouvé en Gérald Darmanin le candidat parfait.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Flickr

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