Alors qu’Emmanuel Macron avait répondu aux questions de Pif Magazine en mars dernier, la secrétaire d’État Marlène Schiappa a surenchéri en accordant un entretien à la revue Playboy, poussant le bouchon jusqu’à poser pour la publication de charme. Des informations qui prêtent à sourire (ou à pleurer), mais qui n’ont en réalité qu’un seul véritable but : détourner l’attention des gens des vrais sujets qui nous occupent en ce moment.

Pour Emmanuel Macron, vaut-il mieux une polémique sur une interview donnée à un magazine pour enfant ou que l’on parle de sa dérive autoritaire à propos de la réforme des retraites ? De la même manière, derrière l’affaire Playboy, Marlène Schiappa tente peut-être bien de dissimuler un autre scandale qui la concerne, celui d’une utilisation plus que discutable de fonds publics.

Un féminisme en carton

Revenons en quelques mots sur l’indignité de cette interview dans une telle revue. La secrétaire d’État est en effet depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron, chargée de l’égalité femmes-hommes au gouvernement. Elle prétend alors œuvrer pour la cause des femmes, mais comment lui accorder le moindre crédit quand elle choisit de le faire dans une revue dont le fondateur et patron de Playboy, de feu Hugh Hefner, considérait les femmes comme des objets sexuels. Une enquête à ce sujet a récemment dévoilé les coulisses sordides du fameux manoir Playboy où les playmates droguées à leur insu subissait des viols répétés. 

Il est, en outre, stupéfiant de constater que c’est Gérald Darmanin, bien connu pour son sexisme et accusé de viol, qui est l’un des rares à être venu au secours de sa collègue. Un bon retour d’ascenseur, quand on songe que Marlène Schiappa avait défendu le ministre de l’Intérieur et avait même contribué à le victimiser. Elle avait d’ailleurs eu un comportement semblable à l’égard de Nicolas Hulot, lui aussi accusé de viol et d’agression par de multiples femmes.

Dénoncée par de nombreux militants, elle ne pourra de toute façon pas trouver de crédibilité sur un tel combat au sein de cette majorité présidentielle qui n’a absolument rien fait pour le féminisme. On peut par exemple citer le refus de mettre sur la table les deux milliards d’euros réclamés par les associations contre les violences sexistes et sexuelles.

Plus récemment, on peut bien sûr penser à la réforme des retraites qui pénalisera fortement la gente féminine. En plein mouvement social contre cette réforme, Elisabeth Borne a eu la présence d’esprit de rappeler à Marlène Schiappa que ce n’était pas du tout appropriépour les intérêts du gouvernement évidement. 

En définitive, s’affirmer féministe et appartenir à un gouvernement Macron, c’est un peu comme se dire écologiste et travailler pour Total. Une absurdité sans nom.

Une petite polémique pour masquer une grande

Néanmoins, si Marlène Schiappa a décidé de créer la polémique en donnant cette interview, c’est peut-être bien pour qu’on ne parle pas d’une autre affaire concernant la secrétaire d’État révélée par France 2 et Marianne. Les deux médias se sont en effet penchés sur des fonds publics de deux millions d’euros rassemblés en 2021 après l’assassinat de Samuel Paty.

Officiellement, l’argent devait servir à promouvoir les valeurs de la République. Dans les faits, ce sont 17 associations, censées lutter contre « l’idéologie séparatiste », qui seront choisies et généreusement dotées en subventions.

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Rémunérés 120 000 € pour des vidéos YouTube à 50 vues

Parmi elles, quatre organismes se partagent près de 1,3 million d’euros, soit plus de la moitié de l’argent public réuni. L’une d’entre elles, baptisée ILAIC, est au cœur de la tourmente puisque ses deux responsables, Cyril Karunagaran et Mohamed Sifaou, auraient bénéficié de 120 000 euros aux de rémunération.

Si l’on peut déjà s’insurger contre ces salaires indignes, il y a de quoi se révolter lorsque l’on apprend que, non seulement les statuts de l’association interdisaient de tels procédés, mais en plus quand on constate le résultat du travail fourni par la structure.

France 2 note ainsi que ces deux responsables, épaulés par deux employés, n’ont pas produit grand-chose, hormis « un compte YouTube avec 13 vidéos dont la majorité ne dépasse pas les 50 vues, et un compte Instagram avec seulement 138 abonnés ».

Une enquête récente de médiapart a même dévoilé le financement de contenus politiques en période électorale avec ce même fonds Marianne. En voici des extraits :

La famille Paty indignée

On peut dès lors fortement s’interroger sur les modalités d’attribution de ces fonds, d’autant que les principaux décideurs, dont Marlène Schiappa, refusent de s’expliquer sur le sujet. L’affaire n’a en tout cas pas manqué de faire réagir les proches de Samuel Paty qui se sont déjà indignés à la suite de cette enquête.

« Aujourd’hui symbole des valeurs républicaines et de la nécessaire lutte contre l’islamisme radical et la désinformation, le nom de Samuel Paty ne peut en aucun cas et en aucune manière être l’instrument de tels agissements », affirme un communiqué des avocats de la famille relayé par Marianne.

On comprend fort bien que Marlène Schippa préfère aller faire le buzz dans Playboy, plutôt que de répondre aux questions sur ce qui a tout à fait l’air d’être un énième scandale d’État.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Cérémonie d’hommage au professeur d’histoire géographie Samuel Paty (assassiné à Conflans Saint-Honorine vendredi 16 octobre 2020 au soir), le 21 octobre 2020, devant l’Hôtel de Ville de Belfort. Source : Wikicommons. Marlène Schiappa à un sommet de l’ONU Femmes en septembre 2019. Source : Flickr.  Montage Mr Mondialisation

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