La bataille de Charlotte Normand pour la culture engagée

© Aude Boissaye | Studio Cui Cui

Charlotte Normand humoriste auto-certifiée AB (actrice biologique) bataille dans de nombreux domaines : l’écologie, le féminisme, ou pour simplement se produire sur scène… d’où le titre tout trouvé de son dernier spectacle : « Bataille« . Pour Mr Mondialisation, elle a accepté de se livrer sur les difficultés d’être humoriste, et surtout, humoriste engagée, de nos jours. Rencontre.

L’humour, ou du moins, un certain humour déplaît. En témoigne à France Inter, la relégation au dimanche soir de l’émission quotidienne à succès de Charline Vanhœnacker C’est encore nous devenue Le Grand Dimanche soir, quand bien même la direction se défend de toute mise au placard.

Une prise de parole politiquement engagée entraîne une vindicte médiatique généralisée. En témoignent les réactions outrancières suite au discours de Justine Triet à Cannes, dont nous nous étions fait l’écho.

L’engagement militant actif en faveur de l’écologie est criminalisé. En témoigne la procédure de dissolution du mouvement les Soulèvements de la Terre, que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’assimile à rien de moins que du terrorisme.

Et les exemples ne manquent pas dans une société qui se crispe et glisse sur une pente réactionnaire inquiétante, ce dont l’humoriste Charlotte Normand est pleinement consciente. Elle monte justement sur scène pour aborder avec humour des sujets dits « engagés » ou « politiques » trop souvent teintés d’une connotation péjorative dans l’inconscient sociétal : féminisme, écologie, changement climatique, capitalisme destructeur, végétarisme…

Mais il devient de plus en plus difficile de faire entendre sa voix, surtout quand elle est porteuse de certaines valeurs. Des inquiétudes qui lui ont fait prendre la plume pour rédiger cette tribune :

Tribune de Charlotte Normand : « Bataille : la culture engagée en danger »

Je suis montée sur scène, il y a seize ans, pour parler de ce qu’on vit collectivement, des travers de notre société. Avec ce qui me semblait être la meilleure des armes : l’humour. Le one woman show comme moyen, pas comme fin.

Faites l’humour, pas un cours : pour vulgariser des faits scientifiques, des enquêtes journalistiques, faire un pas de côté et traiter les choses de manière décalée. Pour faire (sou)rire et réfléchir. Je me voulais engageante, plus qu’engagée.

Crédit Photo © Adeline G.

Néanmoins, j’ai dû me rendre à l’évidence, porter sur scène des messages avec une portée écologique signifie être engagée. C’est, de fait, recevoir cette étiquette, qui a une connotation péjorative et pesante en sous-entendant deux choses.

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« revendiquer un certain contenu qui pousse à s’interroger peut faire fuir ».

D’abord, revendiquer un certain contenu qui pousse à s’interroger peut faire fuir. Apparemment, l’idée prédominante est que ce type de spectacle va être bien chiant. Alexandre Astier chez Morandini s’emportait déjà sur le fait d’associer réfléchir à se prendre la tête et sur les dérives dangereuses de cet amalgame.

Ensuite, que le contenu soit porteur d’une analyse politique est encore pire. L’étymologie renvoie pourtant à polis, la vie de la cité en grec. Par conséquent, toute réflexion sur le fonctionnement de la société est, par essence, politique. Cependant, s’interroger sur le système actuel est vite jugé rebutant.

Une importante dépolitisation s’opère depuis des décennies. Certains argueront qu’il est bienvenu que les gens fassent « sans » les politiciens : regardez les actions menées localement. Oui, mais… Les décisions prises « en haut », sur lesquelles nous n’avons pas de prise directe, nous impactent dans nos quotidiens, nos futurs. L’opinion s’en rend un peu mieux compte depuis le covid et les crises successives, avec les mesures sanitaires, l’inflation, la non-taxation des superprofits, etc.

« Le système finit par favoriser ceux qui le servent. Ou a minima ne le remettent pas en cause ».

Et quand tout dans notre société répond au dogme du capitalisme, la culture n’est pas épargnée : il faut « que ça marche ». A juste titre, Justine Triet dans son discours à Cannes a dénoncé la « marchandisation de la culture ». Pour être produit, édité, diffusé, un objet culturel doit parler à un maximum de gens. Donc ne pas trop brusquer leurs certitudes ou les perturber. Le système finit par favoriser ceux qui le servent. Ou a minima ne le remettent pas en cause. Les œuvres et paroles différentes, porteuses d’un peu de réflexion sur le fonctionnement global, sont marginalisées. Il existe bien quelques exceptions… Elles restent des exceptions.

Toutefois, il n’y a pas de fatalité. Aux États-Unis, qui ne sont pas forcément un modèle, un statut sacré est attribué à la liberté d’expression. Ajoutez à cela la forte syndicalisation des scénaristes, ils produisent beaucoup de satires ou drames politiques. En France, non, quasiment pas. Ces projets sont bloqués à la source par la voie des financements sur laquelle il y aurait beaucoup à (re)dire. Au théâtre, même combat. Peut-être même pire. Réussir à déplacer les gens dans les salles est de plus en plus dur. Et les producteurs se saisissent de ce prétexte pour ne pas investir dans des propositions différentes. « Jamais surpris, jamais déçu », comme disait Groland.

Pour ma part, j’ai décidé d’assumer l’étiquette « engagée ». Je me suis adressée à un réseau vert, associatif, alternatif, investi, pour me relayer, me permettre de tourner mes spectacles depuis 2008. Ainsi, j’ai pu en vivre par moments. Sinon, j’ai conjugué avec d’autres emplois. Il n’y a pas si longtemps, j’ai aussi obtenu des reportages sur M6, dans Métro, Biba, un passage dans Vivement dimanche, entre autres. L’idée de « l’écolo sympa », de « passer des messages par l’humour » pouvait quand même intriguer, voire séduire des médias mainstream et par ricochet remplir les salles.

Aujourd’hui, la presse dominante appartient aux milliardaires qui ont financé et porté la candidature de Macron, le présentant comme « le candidat utile » en 2017, puis le président idéal en 2022. Ce ne sont plus des médias, mais des médiateurs.

La monopolisation de la parole est inquiétante. Bolloré, pour ne pas le citer, est le milliardaire anti-Macron. Il rachète des chaînes de télé, des journaux, des maisons d’édition, où il met en avant ses news, ses valeurs actuelles à lui : bien d’extrême-droite. Il était derrière le candidat Zemmour… Il nous en sortira sans doute un autre du chapeau aux prochaines échéances électorales. Sans surprise, ses médias, quand il s’agit d’écologie, donnent dans le climato-scepticisme.

Pour le gouvernement pareillement, l’écolo est de plus en plus assimilé à un dangereux radical dont il faut se méfier. Des militants jugés comme des terroristes, gardés 96 heures en garde à vue, vraiment ? L’inflation a lieu également dans les commissariats. On comprend que dans ce contexte, les artistes qui parlent de cet état de fait ne soient pas mis en avant.

Jongler entre travail artistique, autre boulot nécessaire et vie de famille peut être éreintant en soi. Quant à toujours trouver la ressource pour ne pas baisser les bras, activer ciel et terre pour faire exister ses propositions artistiques dans un monde aux verrous toujours plus nombreux… Ce n’est pas si simple. Pourtant, à propos de mon 3eme one woman show Bataille, j’entends : « Ce que vous faites est nécessaire, drôle, intelligent. Les gens ont besoin de voix comme la vôtre, tenez le coup ! »

Bien sûr. Cependant, les adjudants se font rares, même dans les réseaux indépendants, eux aussi submergés de sollicitations de gens peu relayés dans leur pratiques différentes, quel que soit le domaine. Je remercie Mr Mondialisation pour cette tribune.

« Je préférerais garder une diversité fascinante plutôt que de foncer vers une société fascisante »

Non essentiels, les artistes ? Et les artistes engagés ? Un régime où on n’a plus accès à une culture multiple est un régime un peu mal barré. Je préférerais garder une diversité fascinante plutôt que de foncer vers une société fascisante… Et vous ?

Photo de DJ Paine sur Unsplash

L’entretien bonus

Mr Mondialisation : Dans votre tribune, vous  alertez sur la difficulté à aborder certains sujets à portée politique particulièrement et le système en général.

Charlotte Normand : Dans le domaine de la culture, le capitalisme fait son œuvre aussi et ça veut dire qu’il faut « se vider la tête » ou avoir du temps de cerveau disponible pour Coca. Mais en vérité, ce n’est pas ce qui intéresse une partie des gens. Ce qui arrive à surnager dans la masse d’informations, c’est ce qui ne dérange pas trop, les gens qu’un discours différent peut intéresser ne sauront pas que ce type de discours existe.

Dans ce contexte, il est difficile d’émerger, de trouver son public. Il faut que le public ait déjà vent de ce que l’on fait, que l’information circule, que des relais médiatiques existent. On est dans une société où il est très difficile de faire exister une autre parole, pas forcément que sur des sujets anxiogènes mais juste pour réfléchir un peu, car on a décidé à la place des gens que c’était « chiant ». Les producteurs décident de ce qui va marcher, de ce qui intéresse les gens. Sauf qu’eux-mêmes sont souvent complètement déconnectés de la réalité, ils restent sur leurs vieux critères auto-entretenus. La plupart, pas tous heureusement, restent trop guidés par le profit et n’osent pas prendre de « risques ». Alors qu’une partie de la population est prête à s’intéresser à d’autres sujets que ceux fréquemment traités.

Auparavant j’arrivais à avoir des relais dans des grands médias alors qu’aujourd’hui cela s’est complètement refermé. Même pour les médias indépendants c’est devenu compliqué, ils subissent des pressions et reçoivent beaucoup de sollicitations. Et avant même d’avoir des relais, il faut pouvoir se produire sur scène et les difficultés commencent là.

A Paris, l’exploitation théâtrale porte bien son nom, les petites compagnies doivent avancer une somme conséquente, elles ont des frais fixes assez importants sachant que les artistes sur scène n’ont aucune garantie de rémunération. Car il faut avoir remboursé ce qui a été versé au théâtre pour ensuite envisager de payer les artistes. C’est un cas de figure économique assez intéressant : les personnes qui font la proposition artistique ne sont pas sûres d’être payés ! Cela implique de remplir suffisamment la salle pour y arriver. Et quand vous avez des centaines de spectacles qui sont joués tous les soirs à Paris, cela implique qu’il faut exister au niveau communication, être visible ce qui est difficile lorsqu’on n’a pas de grosses machines de com’ derrière soi. Et de fait cela favorise les grosses productions, dont on sait à l’avance ce que l’on va voir, qui ne bouscule pas trop le spectateur, dont les sujets ne vont pas faire polémique…

Je pense qu’on passe notre temps à prendre les gens pour plus imbéciles qu’ils ne sont. Il y a certes une progression d’une réflexion très court-termiste et de gens dans le déni. Mais on a perdu d’avance si on base notre grille de lecture et de proposition sur les gens les plus réfractaires au changement et les plus abrutis par le système.

Crédit Photo © Aude Boissaye | Studio Cui Cui
Mr M : En lisant votre tribune, j’ai pensé à cette phrase de Machiavel : « Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout. »

« les gens sont en rejet de la politique, disant « moi la politique, ça ne m’intéresse pas », oubliant que cela les concerne tous les jours ».

C.N : Depuis plusieurs décennies, au sein de la société, les gens sont en rejet de la politique, disant « moi la politique, ça ne m’intéresse pas », oubliant que cela les concerne tous les jours. Et que si tu ne t’intéresses pas à la politique, la politique s’intéressera à toi, dans le sens où elle régit notre quotidien (comme pendant les confinements) et notre futur. Le gouvernement français a été jugé coupable d’inaction climatique par le tribunal administratif de Paris, sentence confirmée par le Conseil d’État, et cette inaction les citoyens vont la payer dans leur quotidien par un retard d’adaptation de la société aux enjeux climatiques.

Mais cela commence à être difficile de ne pas voir qu’il y a un dérèglement climatique et que ce sujet EST politique. Puisque cela nous renvoie à comment on réagit, comment on fait société, il va bien falloir qu’on trouve des réponses collectives, c’est donc forcément politique, puisque cela implique un certain système de société derrière.

Mr M : On peut aussi comprendre que les gens en aient marre, non pas de la politique en soi, mais de la vie politique. Surtout quand on a un gouvernement qui passe ses mesures en force, à coups de 49.3, en piétinant l’opinion, méprisant l’opposition…

C.N : Là, on ne peut pas leur donner tort, mais si les gens en ont marre du système capitaliste et de l’ultralibéralisme, on ne peut justement pas se dire dépolitisé. Ce que je trouve dangereux dans la dépolitisation, c’est que cela profite au système en place. Et à force de dire que les politiques sont « tous les mêmes », on favorise les amalgames. On aboutit à ce que pour beaucoup de gens, le vote RN paraisse être le vote de rébellion alors que ce parti est aussi néo-libéral que Macron. D’ailleurs ils ont voté plusieurs lois économiques et anti-sociales ensemble, alors qu’elles nuisent à leurs électeurs.

La dépolitisation pour moi, c’est d’avoir brisé le lien entre les actions des élus et leur électorat. A force de dire, « c’est tous les mêmes, ils sont tous pourris », on ne voit plus qu’en France, on a une gauche forte, relativement unie… Enfin pas vraiment en ce moment… Ce qui est sûr, c’est qu’un certain nombre de députés et d’élus locaux de la Nupes travaillent d’arrache-pied sur le terrain et tiennent leur rôle d’opposition. Il faut voir ces aspects positifs sinon nous sommes cuits. Après, il y aura toujours des « couacs », mais on n’en est plus au stade de chercher un « sauveur », un candidat parfait, idéal qui cocherait toutes les bonnes cases.

Dans la situation où nous nous trouvons, en route vers le pire, il faut faire preuve de discernement et prendre conscience du rapport de force qui se joue même au niveau local ou même à des échelles individuelles. Ces initiatives sont imbriquées qu’on le veuille ou non au niveau national et institutionnel. On le voit avec la volonté de dissolution des Soulèvements de la Terre, des ZAD, dès qu’on veut lutter contre le système qui décape tout, on se retrouve en difficulté. Même si on a une gauche imparfaite, où plein de choses ne vont pas, ce sera toujours mieux que de continuer dans le néo-libéralisme forcené ou de se payer le Rassemblement National.

C’est important de pouvoir dire cela, sans se leurrer sur tout ce qui ne va pas parce qu’on part de tellement loin qu’on n’a plus le choix que de prendre à tous les niveaux des améliorations. Le programme sur lequel s’est bâtie la Nupes comprenait d’aller vers une 6ème république et une Constituante ce qui me semble assez intéressant surtout si on veut ramener les institutions plus près du peuple. Et aujourd’hui nous n’avons pas vraiment d’autres propositions et d’autres moyens de le faire.

Mr M : Mettez-vous des limites à votre humour ? Le faut-il, ou est-ce parfois un mal nécessaire ? Ainsi, peut-on faire rire sur des sujets anxiogènes ?

C.N : Pour moi, il y a un gros enjeu au niveau des classes moyennes qui sont aussi celles ayant l’habitude d’aller au théâtre. C’est aussi souvent des personnes pensant être au fait des problèmes de la société mais étant restés sur de vieux acquis. Elles sentent que les choses se durcissent mais comme elles ont souvent un travail et un cadre de vie leur permettant encore de s’en sortir, elles restent dans un certain aveuglement. Et peuvent se contenter d’avoir ce que j’appelle une écologie de « saupoudrage », sans voir le rapport fort entre écologie et politique.

« La seule limite que je me mets, c’est quand moi-même je me dis que c’est gratuit ou inutilement provocateur ».

C’est en cela que je pense que mon spectacle peut aussi parler à ces gens qui auraient la possibilité d’ouvrir les yeux mais qui n’ont pas encore vraiment envie de le faire. Je ne me destine pas à parler qu’à des convaincus, l’objectif c’est aussi de faire face à des gens qui vont aimer ou pas, mais qui vont entendre les choses différemment. La seule limite que je me mets, c’est quand moi-même je me dis que c’est gratuit ou inutilement provocateur.

Photo de Felix Mooneeram sur Unsplash

Mais si je devais me censurer, sur quelle base le faire ? Par rapport à quoi, à qui ? C’est impossible, les gens n’ayant pas tous le même curseur. De toute manière, le spectacle évolue en fonction de l’actualité et je l’adapte en fonction de ce que je ressens des différentes représentations, selon une sorte de baromètre personnel. Je sais que selon les personnes, le moment du spectacle, des propos peuvent être rejetés, mais c’est aussi le but d’avoir un espace où on puisse les entendre. C’est pour cela qu’il faut aussi rire des sujets anxiogènes, même si ce n’est pas toujours évident de trouver le bon angle d’attaque.

Mr M : Comment avez-vous développé votre conscience écologique, féministe, sur le changement climatique… ?

C.N : Pour l’écologie, c’est tout simplement par le fait de me retrouver face à un quotidien à nouveau solitaire après des périodes de colocations, quand je suis arrivée à Paris fin 2005. Je me suis interrogée sur des choses très basiques sur ce que je me faisais à manger, et petit à petit des questionnements sont arrivés sur ce que j’achetais : je suis partie sur le bio, et après sur les cosmétiques. En lisant et creusant ces sujets j’ai compris les liens qui les unissaient et ça s’est ensuite élargi à plein d’autres causes.

Sur le féminisme, à 44 ans, je fais partie de ces filles qui ont pu dire «  Non je ne suis pas féministe ». Car j’avais en tête l’image caricaturale de la féministe ultra violente qui rejette les hommes. Je voulais juste que les hommes et les femmes aient des salaires égaux, ce qui ne me semblait pas être du féminisme alors que cela en est. J’ai revu ma position.

Rien que de vouloir exister dans un milieu où on dit communément « one man show » et qui comprend peu de femmes, c’est déjà une forme de féminisme. Pourquoi j’aurais moins à dire que les hommes, pourquoi ce serait plus compliqué pour nous, pourquoi des personnes vont plus voir les hommes que les femmes… Au fur et à mesure, je me suis documentée (et je le fais encore, toujours) et j’ai affiné ma position féministe. Plus encore ces dernières années, où c’est d’ailleurs devenu encore plus nécessaire devant la régression des droits des femmes et des personnes LGBT+.

On a encore beaucoup de chemin à parcourir. C’est pour cela que j’ai assumé dans ce nouveau spectacle de sortir de l’écologie stricto sensu. Dès mon premier spectacle, « Mise au vert », même s’il était centré sur l’écologie, j’avais fini par élargir à d’autres sujets. Dans mon spectacle suivant, « Mise à l’eau », j’avais élargi le sujet de la pollution plastique des océans aux déchets en général et à la société de consommation.

Au fur et à mesure que j’évoluais dans les milieux écolo, associatifs, j’ai vraiment pris conscience de la nécessité d’assumer un point de vue politique. Car les gens qui défendent l’écologie en rejetant tout aspect politique, pour moi, ont peut-être un petit souci de dissonance cognitive, car refuser de voir le fonctionnement systémique qu’il y a derrière les enjeux environnementaux peut créer des confusions.

Donc je me suis dit que, quitte à remonter sur scène pour un troisième spectacle, j’allais assumer ce point de vue. Et tant pis si cela doit éloigner certaines personnes. Mais cela me parait compliqué de parler écologie sans se préoccuper de politique. Surtout dans un monde où règnent les lobbies et les milliardaires qui détruisent la planète. J’aime bien la phrase « l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ». De par mon expérience et ce que je constate de la situation générale, on est arrivé à un stade où justement, si je monte sur scène, c’est pour assumer. Et je pense que contrairement à ce diraient certains producteurs, des gens ont envie d’une parole franche et libérée avec laquelle on n’est pas obligé d’être toujours d’accord, mais qui pointe des choses. Quelqu’un qui assume plutôt que des paroles tièdes, où on va dire les trucs, vite fait, en tournant autour du pot et on passe vite à autre chose. Le « saupoudrage », cela va un temps mais on finit par oublier les vraies questions.

Mr M : Peut-on parler de « Bataille » de la parole en somme ?

C.N : Aujourd’hui, pouvoir continuer à dire des choses de manière assez franche sur certains sujets systémiques (écologie, modèle de société…), sur comment on peut envisager l’avenir, ça reste une bataille, un rapport de force entre ceux qui veulent changer de système, voyant que le capitalisme nous mène droit dans le mur et les verrous placés notamment par les dirigeants. On peut continuer à croire que tout va bien se passer et que des ajustements à la marge suffiront, moi je pense que non.

« On est dans un rapport de force entre le capitalisme et l’humain. Pour moi, la « Bataille » s’incarne là et peut se décliner sur plusieurs niveaux ».

Notre société est arrivée à un non-sens au niveau de l’humanisme et de ce qu’il faudrait pour les humains. On est dans un rapport de force entre le capitalisme et l’humain. Pour moi, la « Bataille » s’incarne là et peut se décliner sur plusieurs niveaux.

Merci beaucoup à Charlotte Normand de nous avoir accordé son temps.

Vous pouvez retrouver l’actualité de Charlotte Normand sur son site et sur les réseaux sociaux (facebook, youtube) et sur scène où elle joue actuellement son 3ème one woman show « Bataille » au théâtre Le Bourvil à Paris : voir les dates et réservations ici (la page est actualisée régulièrement, notamment la programmation 2024 est en cours de discussion).

– Article et propos recueillis par S. Barret

Crédit Photo d’en-tête © Aude Boissaye | Studio Cui Cui

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