Édito. Le dernier rapport du GIEC est sans appel : il nous reste peu de temps pour agir si l’on veut conserver un monde vivable. Si le réchauffement climatique, sans action de notre part, signe l’arrêt de mort de l’humanité, il n’est pourtant qu’un symptôme parmi d’autres d’un mal bien plus profond qui réside dans les racines même de notre civilisation industrielle. Introspection.

Exterminant graduellement la vie sur cette planète, ce mal est intrinsèquement lié à l’ordre social dominant, préservé coûte que coûte par la minorité à qui il profite. Pollution, destruction de la biodiversité, maladies civilisationnelles… et bien d’autres symptômes sont ainsi mis de côté, laissant place à un appel de coalition contre le réchauffement climatique. L’effort doit être « collectif ». De quoi détourner le regard de la surexploitation de l’environnement et des peuples, source même du problème global. « S’unir » pour le climat, c’est mettre de côté les causes et la globalité de la catastrophe écologique, c’est ensevelir la lutte des classes pourtant nécessaire à notre survie, c’est prôner une « écologie » bourgeoise qui cherche à décoloniser la pollution sans aucunement freiner le désastre global, le tout pour continuer à enrichir les industriels qui surfent allègrement, comme ils savent si bien le faire, sur cette crise planétaire.

En somme, c’est jouer le jeu de l’élite, abritant celle-ci de toute répercussion pour ses actes. Le tout pour préserver un système mortifère qui se nourrit littéralement en transmutant la vie en mort. Ah, capitalisme vert quand tu nous tiens… Mais que faire alors ?

Au-delà de la binarité : prendre conscience des nuances

Non, le réchauffement climatique n’est pas un complot pour nous taxer. Mais si son existence, de même que son origine anthropique (ou plutôt capitalistique), sont aujourd’hui incontestables, il n’en demeure pas moins que, de la même manière que pour chaque crise que traverse l’humanité, celle-ci se retrouve instrumentalisée par les industriels pour remplir toujours davantage leurs poches déjà débordantes et, plus globalement, par les dominants pour renforcer les rapports de domination et préserver l’ordre social dont ils sont le sommet.

Si le changement climatique est tout sauf une invention d’une poignée d’aristocrates malveillants, son instrumentalisation par un système mortifère qui se bat par tous les moyens possibles et imaginables pour sa propre survie est pourtant plus dangereuse qu’on ne le pense, car elle fait tomber dans son piège un bon nombre de personnes bien intentionnées. Et comme d’habitude, le manque de nuance et le simplisme de nombre de raisonnements qui voudraient que le monde soit binaire, dépourvu de toute complexité, sont sidérantes.

Entre les « détenteurs de vérité ultime » pour qui crier au complot est devenu un automatisme et les pseudo-écologistes qui réduisent leur champ de vision, au point de se focaliser exclusivement sur la transition vers une société décarbonée (mais toujours industrielle, bien sûr), le capitalisme a encore de beaux jours devant lui ! Or, si l’on décide enfin d’accepter la réalité d’un monde plus complexe, on peut vite comprendre que sans remettre en cause la réalité du réchauffement climatique qui est indéniable, on peut constater que celui-ci devient aujourd’hui un excellent prétexte pour perpétuer la croissance économique et maintenir en place les systèmes de domination qui en sont pourtant à l’origine.

Le réchauffement climatique : un symptôme d’un mal généralisé

En quelques années seulement, le mouvement climat a pris une ampleur jamais vue, symbolisant à la fois un réel espoir au vu de cette sensibilité grandissante de la population (plus particulièrement de la jeunesse) aux enjeux écologiques actuels, mais aussi, paradoxalement, un détournement de l’attention collective des causes profondes du désastre qui sont des systèmes de domination bien ancrés dans nos sociétés : le capitalisme, le patriarcat et le racisme, les trois étant intrinsèquement liés et se nourrissant mutuellement, s’exprimant par des inégalités grandissantes, la destruction de l’environnement, mais aussi celle des cultures.

Le réchauffement climatique n’est finalement qu’un symptôme parmi d’autres, dont les conséquences tangibles commencent à peine à être perçues en Occident (ex : raréfaction de l’eau en raison d’une multiplication des sécheresses). Pourtant, de nombreux ravages causés par ce système productiviste sont visibles depuis bien plus longtemps.

La pollution plastique a atteint un tel stade qu’on retrouve aujourd’hui des microparticules de ce sous-produit de l’industrie pétrolière jusque dans le sang et les organes humains sans que l’on ne connaisse à ce jour l’ampleur de ses conséquences sur la santé. Les forêts primaires et les animaux sauvages disparaissent à une vitesse alarmante. L’extermination des abeilles notamment, menace gravement l’alimentation mondiale. La déforestation et l’urbanisation, détruisent sans cesse de précieux écosystèmes et nous rapprochent chaque jour davantage de virus potentiellement dangereux. L’eau de pluie, quant à elle, est devenue impropre à la consommation car elle contient aujourd’hui des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), autrement dit, des « produits chimiques éternels ».

D’autre part, si dans nos pays occidentaux nous avons des robinets qui font couler l’eau potable à flot, plusieurs milliards de personnes sur cette planète n’ont pas cette chance. Selon un rapport de l’UNICEF et l’OMS datant de 2019 :

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 1 personne sur 3 dans le monde n’a pas accès à l’eau salubre.

En parallèle, notre agriculture productiviste détruit graduellement la vie des sols et des eaux et bien que les quantités de nourriture produites suffiraient à nourrir la Terre entière, 25 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants, meurent de faim chaque jour dans le monde.

Notre santé n’est pas en reste avec les maladies civilisationnelles dont une grande partie découle de l’alimentation (obésité, pathologies cardiovasculaires, certains cancers…). Le nombre grandissant de bactéries antibiorésistantes, dû à une surconsommation de médicaments par les humains, mais aussi et surtout les animaux des élevages industriels que l’on gave d’antibiotiques, constitue également une menace de taille.

Une autre épée de Damoclès, et pas des moindres, qui pèse sur la planète dans son ensemble : les armes nucléaires sur lesquelles une poignée d’individus, dont on sait qu’ils ne sont pas des plus raisonnables, ont une mainmise qui fait froid dans le dos.

Ainsi, le réchauffement climatique n’est qu’un facteur parmi d’autres menaçant la survie de l’humanité à long terme. Et tous ces facteurs ont pour dénominateurs communs les systèmes de domination en place, et plus particulièrement le capitalisme, porté par l’industrialisation qui a permis une accélération sans pareil de la destruction et qui n’aura de cesse qu’elle n’ait rongé jusqu’au dernier être vivant sur cette planète.

Se focaliser sur le seul réchauffement climatique sans s’attaquer aux racines du problème ne fera finalement que retarder l’inévitable et rendre un tant soit peu plus « durable » notre civilisation industrielle. Pour celles et ceux qui ont une vision moins anthropocentriste du monde et dont l’empathie ne se limite pas au genre humain, les dégâts incommensurables causés sur le Vivant dans sa globalité depuis le début de la Révolution industrielle n’ont pas non plus, pour seule cause le réchauffement climatique, loin de là.

« Rappelez-vous qu’il est possible d’avoir une civilisation neutre en carbone tout en continuant à détruire la planète.

Rappelez-vous en comme si votre vie en dépendait parce que c’est le cas. Le réchauffement climatique n’impacte qu’un faible pourcentage des deux cents espèces qui disparaissent chaque jour.

Le saumon était déjà quasi-exterminé avant que le changement climatique ne devienne notable. Idem pour le bison. Idem pour les forêts primaires, les anciennes prairies et tant de rivières. Les énergies fossiles sont un accélérateur mais elles ne sont pas la cause du désastre.

La cause est la civilisation elle-même. »

– Extrait du livre « Bright Geen Lies » par Derrick Jensen, Lierre Keith et Max Wilbert

Vidéo traduite ici.

« L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage »

Ainsi, après des dizaines d’années de déni de la part de nombre de dirigeants et de médias officiels (déni que l’on ne retrouve plus que véhiculé sur BFMTV ou CNEWs qui n’ont jamais eu peur du ridicule), le réchauffement climatique fait enfin les gros titres et attire toutes les attentions.

Mais si seulement c’était utile… C’est ainsi que l’on se retrouve en 2022, avec une COP27 (sans changement concret depuis la création de ces conférences mondiales sur le climat en 1979), sponsorisée par Coca-Cola, qui réunira des dirigeants venus des quatre coins du monde en jet privé.

@MrMondialisation @awelCzerwinski/Unsplash @COP27ONU

Jeff Bezos a créé un fonds contre le réchauffement climatique et Bill Gates, quant à lui, a écrit un livre de près de 300 pages intitulé « Climat : comment éviter le désastre ». Le tout en l’absence totale de mise en évidence de la part de responsabilité de ces ultra-riches « philanthropes » ou de remise en cause de leurs modes de vie de privilégiés et de leurs places dans la société.

On demande ainsi aux pauvres de faire pipi sous la douche, d’éteindre la lumière en sortant et de couper le wifi… Et pendant ce temps-là, le jet privé de Bernard Arnault émet plus de C02 en un mois qu’un Français en 17 ans. Et cela ne vient même pas égaler la pollution de son superyacht qui crève tous les plafonds en matière d’émissions de gaz carbonique. Mais ce n’est pas tout ! Outre les actions physiques de ces ultra-riches, par leurs investissements, 63 milliardaires émettent autant de gaz à effet de serre que la moitié de la population française.

A travers l’histoire, les dominants ont toujours réussi à justifier les inégalités, jusqu’à un certain point. Allant des plus farfelues comme le droit divin jusqu’au mythe de la méritocratie qui surplombe aujourd’hui nos sociétés. Ainsi donc, les pauvres méritent d’être pauvres parce qu’ils n’ont pas fait l’effort de devenir riches, contrairement aux riches qui ont travaillé d’arrache-pied pour le devenir. Rendant tout à fait normal de constater par exemple, qu’un américain devrait travailler 3,1 millions d’années, en gagnant 69.392 dollars par an, pour espérer atteindre la fortune d’Elon Musk.

« C’est l’enfer des pauvres qui fait le paradis des riches.» – Victor Hugo

Et la « solution » à la crise écologique, défendue par ces privilégiés qui chercheront évidemment coûte que coûte à conserver leurs privilèges, est l’extraction de terres rares dans les pays pauvres pour produire des voitures électriques, des panneaux solaires et des éoliennes pour les pays « développés » (en ayant bien entendu recours aux énergies fossiles pour ce faire, délocalisant ainsi la pollution à l’autre bout du monde), et ce par des méthodes pour le moins douteuses.

En effet, selon une analyse du Business & Human Rights Resource Centre (Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme), relayée par le journal d’information britannique The Guardian, « 87 % des 23 plus grandes entreprises du secteur d’extraction de cuivre, de lithium, de manganèse, de nickel et de zinc – les six minéraux essentiels à l’industrie des énergies renouvelables – ont fait face à des allégations d’abus incluant violations de droits fonciers, corruption, violence ou mort au cours de ces 10 dernières années ».

Le cobalt, composant essentiel des batteries des voitures électriques, par exemple, est extrait à hauteur de 70 % dans des mines en République démocratique du Congo par des habitants locaux, dont de nombreux enfants, et ce, dans des conditions dangereuses, soumis notamment à une pollution toxique. La demande de ce type de minéraux pourrait augmenter jusqu’à 900 % d’ici 2050 d’après les estimations de la Banque mondiale.

Le « développement durable », cet oxymore qui se noie dans le greenwashing

Notons avant tout que le développement, qu’on l’appelle « durable », « alternatif » ou autre, repose de facto sur la croissance économique et la domination de l’environnement par l’humain (plutôt que la cohabitation et la mutualisation), facteurs aux antipodes même de l’écologisme le plus basique. Une croissance infinie dans un monde fini… Existe-t-il encore quelqu’un de suffisamment sot sur cette Terre pour croire à la possibilité de cette antinomie qui surpasse de loin les pires contradictions de l’humain ?

Au-delà de cette incohérence des plus évidentes, il est utile de préciser que le développement, tel qu’on le connaît, demeure réservé à une poignée de privilégiés. En effet, si tous les pays « sous-développés », dont on a « encouragé » le développement (tout en les dépossédant de leurs terres et en détruisant leurs cultures), se développaient à la même vitesse que l’Occident, nous ne serions depuis bien longtemps plus qu’un tas de cendres reposant sur une planète morte. Donc en soi, le développement économique, qu’il soit « durable » ou non, est dans son essence vecteur d’inégalités profondes entre les peuples. On notera que nous en sommes aujourd’hui au stade où quelques individus à peine sont assis sur une fortune supérieure aux PIB de dizaines de pays réunis.

Bien des critiques ont été et sont à ce jour émises à l’égard du concept de « développement », c’est pourquoi il a dû se réinventer au fil des années pour assurer sa propre survie. Ainsi, le développement devient aujourd’hui « durable » et le capitalisme lui, « vert ». Mais qu’est-ce que cela change dans les faits ?

«  Si le développement n’a été que la poursuite de la colonisation par d’autres moyens, la nouvelle mondialisation, à son tour, n’est que la poursuite du développement par d’autres moyens. L’Etat s’efface derrière le marché. […] On retrouve toujours l’occidentalisation du monde avec la colonisation de l’imaginaire par le progrès, la science et la technique. L’économicisation et la technicisation sont poussées à leur point ultime. […]

Dans toutes ces tentatives pour définir un « autre » développement ou un développement « alternatif », il s’agit de guérir un « mal » qui atteindrait le développement de façon accidentelle et non congénitale. Quiconque ose s’attaquer au développementisme se voit rétorquer qu’il se trompe de cible. Il ne s’en serait pris qu’à certaines formes dévoyées, au « mal-développement ». Mais ce monstre repoussoir créé pour l’occasion n’est qu’une chimère aberrante. […]

Faudra-t-il attendre encore quarante ans pour qu’on comprenne que le développement c’est le développement réellement existant ? Il n’y en a pas d’autre. Et le développement réellement existant, c’est la guerre économique (avec ses vainqueurs bien sûr, mais plus encore ses vaincus), le pillage sans retenue de la nature, l’occidentalisation du monde et l’uniformisation planétaire, c’est enfin la destruction de toutes les cultures différentes.

C’est pourquoi le « développement durable », cette contradiction dans les termes, est à la fois terrifiant et désespérant ! Au moins avec le développement non durable et insoutenable, on pouvait conserver l’espoir que ce processus mortifère aurait une fin, victime de ses contradictions, de ses échecs, de son caractère insupportable et du fait de l’épuisement des ressources naturelles… » – Extrait de l’article « En finir, une fois pour toutes, avec le développement » par Serge Latouche, pour le Monde diplomatique

Les énergies « renouvelables » au service du capitalisme

Si l’on commence à creuser un tant soit peu le sujet, on se rend compte en premier lieu que non, les énergies renouvelables ne sauveront pas la planète, car elles ne sont ni destinées ni employées à cet effet. On obtient aujourd’hui, de fait, l’effet inverse de celui escompté par les écologistes (mais parfaitement en accord avec la volonté des industriels bien sûr) : selon le paradoxe de Jevons, le développement en masse de nouvelles infrastructures et la production de nouvelles énergies pour « sauver la planète » ne conduit évidemment pas à une diminution de la consommation globale de l’énergie, c’est même tout le contraire, celle-ci ayant augmenté de manière fulgurante ces dernières décennies, ajoutant toujours plus d’inutile à nos vies qui se noient chaque jour davantage dans le superficiel.

Quid de la consommation d’énergies fossiles ? Si leur part dans la production énergétique totale a légèrement baissé au niveau mondial, la production globale d’énergie a nettement augmenté depuis les années 1970 (pourtant à l’aube d’une prise de conscience concernant le réchauffement climatique) et avec elle, l’utilisation des énergies fossiles.

Source : calculs SDES, d’après les données de l’AIE
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/11-international

Ainsi, par le biais des énergies « vertes », « renouvelables », ou encore « propres » – peu importe finalement l’adjectif fallacieux qu’on tente de leur apposer –, on continue de ravager la nature en prétendant la sauver, le tout pour continuer à engraisser industriels qui ont réussi un véritable coup de maître en reverdissant leur image et en s’accaparant l’ensemble des luttes écologistes qu’ils ont réussi à transformer en un combat unique, le mouvement climat, pour servir leurs intérêts les plus funestes.

Outre l’augmentation de la consommation énergétique engendrée par le développement des énergies renouvelables, il est également utile de rappeler qu’elles-mêmes sont loin d’être sans conséquences sur la planète.

Si elles sont attrayantes en apparence, la réalité est bien plus sombre. On se retrouve ainsi à raser des forêts, à détruire des habitats naturels et à surexploiter des peuples au bord de la famine pour « sauver la planète ». Toutes les étapes sans exception de la production et de la consommation d’énergies « vertes », de l’extraction des matières premières jusqu’à l’obsolescence du matériel, en passant par le transport, l’installation etc. sont délétères pour l’environnement et impliquent paradoxalement en grande partie le recours aux énergies fossiles.

« Les énergies renouvelables ont plusieurs fois été décrites comme du linge sale à laver : de l’énergie sale en entrée, de l’énergie propre en sortie. […]

Nous ne sommes pas intéressés par une légère et insignifiante réduction de l’impact causé par la civilisation industrielle, nous visons un arrêt complet des dégâts engendrés.

Cela implique le démantèlement de l’économie industrielle au niveau mondial, qui rendra impossible la création de telles technologies destructrices. »

– « L’illusion des technologies vertes », par Deep Green Resistance

Depuis quelques mois, le nucléaire a même réussi à s’imposer comme énergie « verte », c’est dire si ce terme est vide de sens. Le pire dans tout cela ? L’énergie nucléaire est aujourd’hui défendue par bien des écologistes qui manquent de souligner par exemple le problème à ce jour irrésolu des déchets radioactifs ou encore l’utilisation démesurée d’une ressource vitale qui se raréfie d’année en année : l’eau.

Comme d’habitude, les lobbies ont plus que bien fait leur travail, imposant le nucléaire comme la solution ultime à la crise climatique en cours – crise réduite à un problème carbocentré – faisant oublier à bien des militants leurs préoccupations premières, faisant d’eux des instruments utiles d’un système contre lequel ils luttaient jadis. Tout ceci sans se rendre compte que même si l’on ne prend en compte que le réchauffement climatique, le nucléaire est très loin de constituer une solution miracle. A ce sujet, nous vous invitons à lire cette enquête de Reporterre, en cinq parties.

Source : https://www.facebook.com/sortirdunucleaire75/photos/a.167832129936722/5314952631891287/

Ainsi, on invite les écologistes à s’unir contre cet épouvantail commun et unique, donnant bonne conscience : le réchauffement climatique. Par ce réductisme, on l’invite ainsi également à préserver de ce fait le système qui en est la cause, soutenir l’enrichissement sans fin des industriels, contribuer à une poursuite décomplexée de la destruction de la planète, de façon à tendre vers une civilisation meurtrière mais « zéro carbone ».

« La plupart d’entre nous sommes moins dérangés par l’idée de vivre dans un monde sans martres des pins, sans abeilles mellifères, sans loutres et sans loups qu’à l’idée de vivre dans un monde sans médias sociaux, sans cappuccinos, sans vols économiques et sans lave-vaisselle.

Même l’écologisme, qui a un temps été motivé par l’amour du monde naturel, semble désormais plus concerné par la recherche de procédés un peu moins destructeurs qui permettraient à une civilisation surprivilégiée de continuer à surfer sur internet, à acheter des ordinateurs portables et des tapis de yoga, que par la protection de la vie sauvage. »

–  « Environmentalism used to be about defending the wild – not any more » par Mark Boyle (Traduit ici : « L’écologisme se souciait de préserver le monde naturel — ce n’est plus le cas »)

La décroissance ou la mort ?

Une question fondamentale à se poser aujourd’hui est de savoir si le problème vient tant de notre manière de produire de l’énergie que de la consommation énergétique en elle-même. Si celle-ci commence aujourd’hui à peine à être remise en cause (d’ailleurs non pas pour des raisons écologiques mais principalement en raison du chaos causé par l’ouverture à la concurrence d’EDF il y a une vingtaine d’années), il n’en demeure pas moins que de baisser son thermostat à 19°C ne suffira pas à sauver la planète. Le mode de vie des occidentaux (plus particulièrement celui de la minorité la plus riche), reposant sur une colonisation déguisée de pays déjà meurtris, est insoutenable en tout point.

« Actuellement, ce qu’on appelle croissance, c’est essentiellement de détruire un espace gorgé de vie et de le remplacer par un parking de supermarché. » – Aurélien Barrau

Et finalement, « demander » aux dirigeants politiques qui ne sont que de joyeux pantins de l’instrument de domination qu’est l’État, de prendre des mesures concrètes pour y remédier n’avance, sans surprise, pas à grand-chose. La méga-machine continue d’accélérer sa destruction, se servant de tous les prétextes possibles et imaginables pour demeurer inarrêtable. Les décisions pouvant impacter la planète entière demeurent aux mains d’une poignée d’individus qui perpétuent un système voué à servir les intérêts d’une minorité. Le peuple lui, n’a aucun pouvoir décisionnel, alors même que l’humanité tout entière se trouve aujourd’hui dans une situation des plus critiques. [Concernant notre dépossession politique et pour mieux comprendre l’échec de la majorité de nos luttes, nous vous invitons à (re)lire notre article « Pandémie de capitalisme : l’échec de la « non-violence »».]

« L’arrêt des destructions écologiques planétaires et du réchauffement climatique exige infiniment plus que des manifestations pour demander à nos dirigeant qu’ils « désinvestissent des combustibles fossiles » et qu’ils encouragent les industries des mal nommés énergies « vertes ». Il exige que nous mettions un terme à toutes les pratiques destructrices qui constituent la civilisation industrielle — d’autant que la civilisation industrielle et ceux qui la dirigent ne peuvent pas et ne vont pas interdire l’exploitation et l’utilisation des combustibles fossiles simplement parce qu’on le leur demande, le seul moyen de les faire cesser consiste à construire un rapport de force qui les y contraindrait et/ou à les faire cesser à la source en usant de tactiques d’actions directes…

Si vous allez manifester, manifestez contre la poursuite de l’industrialisation du monde, contre le productivisme. Si vous allez manifester, ne vous trompez pas de cible : ce ne sont pas les seules industries des combustibles fossiles qui posent problème, mais l’industrialisme en général ; et les énergies dites « renouvelables » ne sont pas la solution, qui est plutôt la fin du monde industriel. » – Extrait de l’article « Les marches mondiales pour le climat ou le triomphe de l’ingénierie sociale » par Nicolas Casaux

La décroissance, concept tant décrié par les dominants car elle menace leurs privilèges, est aujourd’hui une nécessité vitale si l’on souhaite survivre et protéger ce qui reste de vie sauvage sur cette planète. A terme, on pourrait se poser la question de savoir si l’énergie industrielle nous est plus importante qu’un monde vivable.

Tout au long des millénaires de l’histoire de l’humanité, des peuples et des modes de vie très différents se sont succédés et ont vécu sans dépendance aucune à l’électricité qui n’est apparue qu’il y a à peine plus d’un siècle (et dont certaines régions du monde ne sont toujours pas pourvues). Si l’on décidait de s’en passer et de reconstruire notre autonomie autrement, serait-ce un si lourd sacrifice à payer pour garantir notre survie à long terme et préserver l’écosystème global ? Ce sont des questions extrêmes qu’il faudra oser se poser avant que les pénuries énergétiques y répondent à notre place.

Somme toute, réduire l’écologie à la lutte contre le réchauffement climatique, c’est signer notre arrêt de mort, juste après celui de la plupart des espèces qui peuplent cette planète. Par pitié, ami.e.s écologistes, ne rendez pas le développement « durable », ne rendez pas la souffrance durable. Car il nous reste une chance si le système s’effondre avant l’écosystème, la survie du second étant inversement proportionnelle à celle du premier. Alors que pourtant, le premier ne peut exister sans le second. La question à se poser encore une fois est : de quoi avons-nous réellement besoin ?

– Elena M.

Pour aller plus loin :

A ceux qui se jetteront sans réfléchir sur l’argument « vous critiquez l’industrie tout en écrivant depuis un ordinateur » :

Poncif n°1 : « Tu critiques la technologie, pourtant tu l’utilises ! » – Romuald Fadeau

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