La région du Kivu, dans l’est de la République Démocratique du Congo, est toujours sous l’emprise de milices armées qui pillent et terrorisent les civils, créant une situation profitable à l’accaparement des ressources au profit de compagnies occidentales. Le viol y est pratiqué comme une arme de guerre systématique pour déstabiliser les communautés de manière durable. Les victimes ont plus que jamais besoin de notre mobilisation concrète pour agir sur les causes… mais que fait la communauté internationale ?

La République Démocratique du Congo est l’un des pays les plus riches du monde en terme de ressources naturelles, mais l’un des plus pauvres économiquement. Ses ressources minières (dont le fameux Coltan utilisé pour la fabrication des Smartphones) en font une source de richesses pour les multinationales étrangères dont certaines sont soupçonnées par des ONG de financer des milices sans scrupules pour conserver le contrôle des régions et s’assurer de bon fonctionner des modèles de consommation de masse. Dans ce contexte, le corps des femmes, des petites filles et parfois même des bébés sont utilisés comme arme de guerre, ce qui fait que ce pays détient le record du plus haut nombre de viols par habitant.

En effet, la destruction de l’appareil génital féminin a pour effet d’anéantir la cellule familiale et le tissu social à long terme, propage des maladies, provoque le rejet des victimes par leur famille empêchant toute stabilité sociétale de se former… Derrière le viol comme « arme de guerre », les viols civils sont tout autant nombreux car, dans ce pays, la dépréciation des femmes et des filles commence dès la naissance et des croyances traditionnelles, mêlées aux horreurs de la guerre, sont un bouillon de culture des plus fertiles pour des abus en tous genres. Ainsi, selon The Guardian, 400 000 femmes seraient victimes de viols dans la région chaque année.

5 actions contre cette infamie

Même si les possibilités d’agir sont limitées, il existe des pistes concrètes soutenues par des militants et associations. Initiée par Oumy Diallo, jeune militante de 24 ans, la campagne SISI NI KIVU (« Nous sommes le Kivu ») nous invite à agir en 5 étapes simples :

1. Faire pression sur les entreprises du secteur de l’électronique et sur les décideurs politiques (via des modèles de lettres, des posts réguliers sur les pages Facebook des entreprises ou des tags sur Twitter pour les mettre face à leurs responsabilités…) ;

2. Signer les 3 pétitions de la campagne pour montrer vos désaccords aux puissants ;

3. Boycotter les Smartphones issus de l’exploitation et préférer les alternatives comme le Fairphone qui est garanti 100 % sans minerais de conflit ;

4. Partager régulièrement l’action de « SISI NI KIVU » sur les réseaux sociaux (facebook de l’association). Les hashtag ‪#‎JesuisBeni et #‎JusticeforBeni ont été créés pour dénoncer le mollesse des autorités congolaises face à ce que certains internautes qualifient de «massacre en silence de la population à Beni»

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5. Participer aux autres actions unitaires comme les marches, les rassemblements, les manifestations, les sittings, financements participatifs,…

« Chaque femme violée, je l’identifie à ma femme »

Au milieu de ce désastre, certaines figures se démènent pour soutenir les victimes sur le terrain. Le Docteur Denis Mukwege fait partie de ces précieux soutiens. Gynécologue et militant des droits de l’Homme, il soigne et reconstruit les femmes victimes de viols au péril de sa vie. Il a créé l’Hôpital de Panzi afin que les femmes et enfants du Kivu bénéficient de soins de qualité. Face aux cas de plus en plus nombreux de femmes victimes de viol avec extrême violence, il a commencé à alerter avec ardeur la Communauté Internationale pour faire connaître au monde cette tragédie, en témoigne cette intervention brillante. L’année dernière, le Docteur Mukwege recevait le Prix Sakharov 2014. À cette occasion, il a exprimé son indignation face aux décideurs européens. Selon lui, ce qui se déroule au Congo est l’une des plus graves catastrophes humanitaires de l’ère moderne.

« La semaine dernière, plus de cinquante personnes ont été massacrées à la machette dans le territoire de Beni au Nord-Kivu: les femmes enceintes sont éventrées et les bébés mutilés. Dans l’espace d’un mois et demi, deux cents personnes ont été sauvagement tuées. Comme tout être humain, je voudrais tant ne plus évoquer ces crimes odieux dont mes semblables sont victimes. Mais comment me taire quand, depuis plus de quinze ans, nous voyons ce que même un œil de chirurgien ne peut pas s’habituer à voir ? Comment me taire quand nous savons que ces crimes contre l’humanité sont planifiés avec un mobile bassement économique ? Comment me taire quand ces mêmes raisons économiques ont conduit à l’usage du viol comme une stratégie de guerre ? » déclare-t-il, la voix lourde.

https://www.youtube.com/watch?v=Exza3uTOlZw

Victime d’une tentative d’assassinat en 2012, le docteur s’est exilé en Belgique pour protéger sa famille. Très touché par des victimes qui se mobilisent pour qu’il rentre au pays, il n’a pas tardé à revenir au pays pour poursuivre sa mission. Victime de 2 autres attentats, il est aujourd’hui placé sous haute surveillance au sein de l’Hôpital de Panzi. Les femmes peuvent s’y reconstruire et réapprendre à vivre grâce à des cours, des formations et un fort soutien psychologique.  Même si certaines sont à nouveau victimes de viol 1 ou 2 ans après et que leurs bourreaux déambulent dans l’impunité la plus totale… Malgré les menaces et les pressions quotidiennes, Denis Mukwege a à ce jour soigné plus de 40.000 femmes. Il fait partie des figures majeures d’une résistance éthique à travers son travail de soins, mais également de conscientisation de la communauté internationale.

Plus d’un million de femmes et de petites filles ont été violées à ce jour dans la région et le massacre continue dans un silence médiatique à peine soutenable. La situation s’aggrave, mais la méga-machine mondialisée à produire ne semble pas se soucier de ces dommages collatéraux. Il est urgent de manifester son indignation et une véritable volonté de changement, notamment à travers la campagne « SISI NI KIVU » (association de loi 1901) ou via des soutiens aux acteurs de terrain.


Sources : sisinikivu.com / slate.fr / panzihospital.org / theguardian.com

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