Selon un rapport du CEO, la Commission Européenne passerait pas loin de 90% des négociations en tête à tête avec ceux qui défendent les intérêts des industries et des grandes marques de ce monde. Pas étonnant que la population s’inquiète de l’approche en grandes pompes du TAFTA, le traité transatlantique de libre échange.
Quand les 1% se font 90% dans les négociations
Alors que les fameuses négociations autour du traité transatlantique reprennent ce début de semaine, un document publié par le Corporate Europe Observatory, organisme indépendant dont la mission est d’observer les tentatives des corporations et leurs lobbies de manipuler les institutions européennes, et SumOfUs, une organisation mondiale de défense des consommateurs, dévoile que l’essentiel des négociations se ferait en compagnie de grands groupes industriels.
Ayant notamment pour objectif d’aligner un grand nombre de normes entre l’Europe et les États-Unis pour faciliter le commerce, ce traité est plus que jamais critiqué car celui-ci offrirait plus de pouvoir que jamais aux multinationales, notamment en déstructurant davantage les normes sociales, environnementales et sanitaires au profit du libre commerce (et des marges de profits). Ce nouveau document apporte ici des données inédites permettant de se donner une franche idée de l’orientation que prennent les discutions privées.
88% d’affairistes contre 9% de d’intérêts publics
Ainsi, on découvre que 528 des 597 réunions organisées entre janvier 2012 et février 2014 par la direction générale du commerce concernant TAFTA furent tenues avec des lobbyistes défendant les intérêts de multinationales, d’industriels et de milieux d’affaires. Seulement 53 réunions, à peine 9%, furent tenues avec des acteurs de l’intérêt public. L’organisme révèle les noms des ces 288 groupes de lobbying qui furent invités aux négociations dont 250 du secteur privé. Parmi eux, on peut trouver : la Chambre de commerce des États-Unis et Digital Europe (incluant des noms comme Apple, Blackberry, IBM et Microsoft), le lobby de l’alimentation et des boissons en Europe, la fédération Business Europe (40 organisations patronales dont le Medef), le Transatlantic Business Council (70 multinationales européennes et états-unienne) et de nombreux autres.
Il y a donc une nouvelle évidence formelle que les négociations se déroulent avec la participation majoritaire de représentants d’affaires et d’intérêts industriels. Au regard des statistiques, on peut même considérer que les multinationales mènent la danse. De quoi expliquer comment l’idée des tribunaux d’arbitrage privés, capables d’attaquer un État tout entier (donc, un peuple, via l’endettement que cela génèrera) qui entraverait la liberté économique au prétexte, par exemple, de vouloir protéger la population, a pu voir le jour. Pourtant, l’application d’un tel traité impactera la société dans son ensemble, dont principalement les citoyens et l’environnement. Comment ce traité pourrait-il être équitable si la voix de l’intérêt commun n’est représentée qu’à hauteur de 9% dans les négociations ? La minorité est-elle seulement entendue ?
Qui veut encore plus de pesticides dans l’alimentation ?
Le CEO tire un exemple très concret de ce déséquilibre. À l’automne 2012, au début des négociations, l’ECPA, un lobby très puissant de l’industrie des pesticides, fut invité aux négociations autour de la construction du TAFTA. L’ECPA va répondre positivement, accompagné de l’organisation US CropLife America, demandant une harmonisation importante des règlementations en ce qui concerne la présence de résidus de pesticides dans les aliments en vue d’améliorer le commerce et d’exploiter de nouvelles opportunités. Aucun syndicat, aucun environnementaliste ni aucun groupe de consommateurs n’a été invité à ce débat. Comment le justifier ?
À l’heure d’une crise politique sans commune mesure où de très nombreux citoyens doutent désormais de la capacité des institutions démocratiques à les protéger (avec le danger qu’un tel rejet représente pour la démocratie), n’est-il pas temps de questionner le cadre même des négociations autant que le traité lui même ? Pour faciliter la compréhension du déséquilibre qui anime ces négociations, le CEO a réalisé, en plus de ses documents, une série d’illustrations qui expriment l’ambiance malsaine qui règne autour du TAFTA.
Source : corporateeurope.org