Situé à 86 km de la capitale, Yaoundé, et 164 km de Douala, Tayap (environ 250 habitants) est le premier village écologique du Cameroun. Alors que la région est particulièrement touchée par la déforestation, et afin de lutter contre celle-ci, Tayap s’est lancé depuis 2011 dans des programmes d’agroforesterie et d’écotourisme. Objectif : protéger la biodiversité de cette forêt équatoriale. Sur place, le succès est au rendez-vous ! et efforts du village ont déjà été récompensés par plusieurs prix…
C’est le long d’une piste de brousse peu entretenue, d’une dizaine de kilomètres, que s’étire le village de Tayap. Situé dans le nord-est de la forêt du Bassin du Congo, deuxième plus vaste forêt tropicale au monde (derrière l’Amazonie), Tayap a pu observer dans la durée les dégâts concrets provoqués sur la biodiversité par une déforestation de grande envergure. Une déforestation qui s’attaque à cet énorme puits carbone que représente cette forêt tropicale (27 milliards de tonnes en RDC) au profit de plantations industrielles et de l’élevage intensif.
Avec d’autres diplômés natifs de Tayap qui, comme elle, peinent à trouver un emploi, Adeline Flore Samnick crée en 2010 l’association Agriculteurs professionnels du Cameroun (Agripo), dont elle est la présidente. Après qu’un grave incendie ait ravagé la bananeraie qu’ils avaient plantée, ils décident de changer de cap en tournant le village vers l’agro-écologie à travers le programme Vergers écologiques de Tayap. L’objectif est pluriel : créer de l’activité économique en créant de l’activité durable pour les habitants, protéger l’environnement et la biodiversité et lutter contre la déforestation.
Image à la discrétion de stop-deforestation.org
Avec le soutien financier d’organismes internationaux, Agripo achète quelque 12 500 plants et semences biologiques, qu’elle distribue gracieusement aux agriculteurs. Puis, grâce à la micro-finance, Agripo crée de l’emploi vert, en engageant des femmes du village pour entretenir les vergers écologiques et développer le petit commerce en attendant la première récolte très attendue (il faut en effet compter 5 ans d’attente à partir de la première plantation).
Pluie de récompenses pour un projet exemplaire
Le fonds GEF Small Grants Programme a, de 2013 à 2015, appuyé à hauteur de plus de 30 000 Dollars un ambitieux programme, stimulant la micro-économie au renfort des micro-crédits, et promouvant l’activité des femmes et l’autonomie villageoise. Le bilan exposé est positif avec de nombreuses actions réussies, parmi lesquelles notamment :
– la « mise en place des cultures pérennes d’arbres fruitiers et d’espèces forestières cultivées »,
– la création de 10 hectares de vergers plurispécifiques,
– la tenue de « formations sur l’agriculture durable pour aider les agriculteurs dont 50% de femmes du village à tirer le meilleur avantage de leurs exploitations individuelles »,
– la « mise en place d’un champ semencier pour les espèces forestières »,
– la création de deux gîtes écologiques d’une capacité de 6 touristes par jour,
– l’organisation « Classes Vertes ou de Journées Découvertes en partenariat avec des structures scolaires pour promouvoir la découverte de la nature auprès des jeunes et des enfants »,
– la création d’une coopérative gérée par les femmes (« axée autour du verger, de l’écotourisme et des activités connexes telles que la restauration et l’animation culturelle »).
Image : Silvia Muinha / Wikimedia.org
La succession de programmes et initiatives a valu à la communauté de nombreux prix internationaux. Ainsi, les Vergers Ecologiques de Tayap ont reçu en 2011 le prix de l’initiative SEED (Supporting Entrepreneurs for Environment and Development, partenariat entre le PNUE, le PNUD et l’UICN en faveur du développement durable) ; en 2015, ce sont l’Agence française de développement et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le Développement qui ont décerné le Prix « Challenge Climat Agriculture et Forêts » dans la catégorie « Atténuation du dérèglement climatique en agriculture et élevage » aux Vergers écologiques de Tayap. Cette année, enfin, l’université étasunienne de Yale a décerné son « ISTF Innovation Prize » au projet.
S’il a beaucoup nécessité d’aides internationales, le village de Tayap a aussi tendu tous ses efforts vers l’autonomie, l’écologie et l’émancipation des femmes et de la collectivité. À cet égard, il s’agit d’un exemple inspirant, et possiblement d’un modèle éthique, susceptible d’être médité, analysé et surtout copié partout ailleurs !
Image : Silvia Muinha / Wikimedia.org
Sources : Agripo.net / LeMonde.fr / Wikipedia / GEF Small Grants Programme« / Supporting Entrepreneurs for Environment and Development