Joyeux trashiversaire ! Le 15 novembre dernier, l’organisation non gouvernementale (ONG) Break Free From Plastic soufflait les bougies du cinquième anniversaire de son classement des plus gros pollueurs de plastique au monde. Sans surprise, c’est encore une fois Coca-Cola qui accède au sommet du podium avec, à ses côtés, PepsiCo et Nestlé. Avec ce classement, l’association appelle à une responsabilisation massive des entreprises et à l’adoption d’un cadre mondial contraignant pour lutter contre la pollution plastique à travers le globe.
Pour la cinquième année consécutive, Break Free From Plastic (en français, Libérez-vous du plastique) a identifié les entreprises les plus polluantes du monde. Grâce à l’action de près de 15 000 bénévoles dans 44 pays différents, 397 audits de marque ont pu être menés sur six continents en 2022. « Un audit de marque est une initiative participative où des scientifiques citoyens comptent et documentent les marques trouvées sur les déchets plastiques pour aider à identifier les entreprises responsables de la pollution plastique », explique l’organisation.
429 994 déchets plastiques récoltés
Une mobilisation sans précédent depuis la naissance du mouvement, qui a permis cette année de collecter 429 994 déchets plastiques à travers les routes, les forêts, les plages et les rivières. Au total, plus de 4500 entreprises ont été identifiées sur les emballages. Certaines d’entre elles occupaient une place de choix parmi les détritus…
« Notre analyse a révélé les principales entreprises polluantes en plastique de 2022 : The Coca-Cola Company, PepsiCo, Nestlé, Mondelēz International, Unilever, Procter & Gamble, Mars, Inc., Philip Morris International, Danone et Colgate-Palmolive », révèle Break Free From Plastic (BFFP).
Coca-Cola sacré plus gros pollueur
Pour le cinquième anniversaire du mouvement, les volontaires et scientifiques ont analysé les données disponibles sous un nouvel angle : en plus de proposer un classement des entreprises les plus polluantes en 2022, leurs dernières conclusions rapportent également une « cohérence remarquable des résultats » année après année.
The Coca-Cola Company s’affiche ainsi depuis 2018 – date de première parution des rapports BFFP – comme le plus gros pollueur plastique au monde, avec une différence significative par rapport à ces autres camarades. « L’audit de marque de cette année a trouvé plus de 31 000 produits de marque Coca-Cola, ce qui représente une augmentation de 63 % par rapport à 2021 », relève l’organisation, mais également plus du triple de ce qui avait été ramassé en 2018. En cinq ans, les bénévoles de Break Free From Plastic ont ramassé 85 035 produits de la compagnie américaine, soit quasiment autant que l’ensemble des déchets des deux autres marques qui complètent le podium des plus gros pollueurs plastiques : PepsiCo (50 558) et Nestlé (27 008).
Malgré ces résultats plus que décevants, l’entreprise de sodas ne s’est pas privée de devenir le sponsor corporatif officiel de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques 2022 (COP27) ayant eu lieu cet automne à Charm El-Cheikh (Egypte). Cette annonce a d’ailleurs été dénoncée comme de l’écoblanchiment ou greenwashing flagrant par l’ensemble des militants écologistes.
Où sont les responsables ?
Après Coca-Cola, PepsiCo est couronné deuxième pollueur chaque année, sauf en 2019 où il était classé troisième. Nestlé, Unilever, Procter & Gamble et Mondelēz International figurent régulièrement dans la liste des 5 premiers, l’ordre variant légèrement d’une année à l’autre. Conformément aux types de produits fabriqués par ces entreprises, les emballages pour aliments et boissons, suivis des bouteilles et des sachets, ont été la première catégorie enregistrée chaque année dans toutes les régions du globe.
« Les mêmes entreprises multinationales de biens de consommation à rotation rapide (soit l’industrie FMCG pour Fast-Moving Consumer Goods) sont celles qui détiennent la plus grande part de marché, qui génèrent le plus de plastique et qui sont aussi les principaux pollueurs de plastique », concluent les auteurs du rapport.
Pour l’organisation, ces résultats illustrent parfaitement le problème de sous-responsabilisation des entreprises du secteur avec une production incommensurable de plastique chaque année en l’absence d’une quelconque responsabilité sur la fin de vie de leurs produits.
Un greenwashing à peine voilé
Malgré les engagements « éco-responsables » présentés par les multinationales comme des étendards de leur conscience retrouvée, les faits ne mentent pas. « La plupart des entreprises les plus polluantes identifiées par nos audits de marque sont signataires du New Plastic Economy Global Commitment de la Fondation Ellen MacArthur pour réduire leur empreinte plastique d’ici 2025 grâce à divers engagements volontaires », souligne BFFP qui n’hésite pas à remettre en question l’efficacité et la validité de telles initiatives basées sur le bon vouloir des entreprises.
Pourtant, la production de plastique mondiale est en enjeu-clef de la lutte contre le changement climatique. « L’histoire du plastique commence bien plus en amont avec l’extraction de ses matières premières : les énergies fossiles ».
Ainsi, Coca-Cola, PepsiCo, Nestlé et bien d’autres sont les principaux clients des plus grands producteurs de résine plastique au monde : ExxonMobil, Shell, Chevron Phillips, Ineos ou encore Dow selon une enquête de Greenpeace publiée en 2021.
« Le plastique est inextricablement lié à l’industrie des combustibles fossiles et au changement climatique », insiste l’association.
Des conclusions différentes à l’échelle nationale
En plus des rapports mondiaux annuels, les membres de Break Free From Plastic publient également des rapports nationaux et régionaux révélant une image plus détaillée de la réalité plastique de différents endroits du globe. Il a par exemple été notifié au Danemark, l’absence totale de bouteille en plastique retrouvée dans la nature. Cette nette différence par rapport au reste des pays du monde s’explique par un système de consigne remarquablement adopté par la population danoise.
En Tanzanie, le rapport annuel de l’association locale a révélé une diminution significative des sacs en plastique suite à la mise en œuvre en juin 2019 de l’interdiction nationale des sacs en plastique en Tanzanie, passant ainsi de 30 268 sacs collectés en 2018 à seulement 203 en 2020.
Pour un cadre réglementaire contraignant
Le mouvement Break Free From Plastic, qui rassemble plus de 2 700 organisations représentant des millions de sympathisants à travers le monde, milite pour la fin de la pollution plastique et la régularisation de l’ensemble de la chaîne de production : de l’extraction des combustibles fossiles à l’élimination des déchets en fin de vie d’utilisation.
Pour l’association, l’adoption d’un cadre réglementaire mondial ambitieux et juridiquement contraignant pour les entreprises est la seule solution envisageable pour lutter efficacement contre la pollution plastique compte tenu de l’échec des engagements volontaires de l’industrie.
Alors que près de 200 nations se sont réunies du 28 novembre au 2 décembre à Punta del Este en Uruguay pour adopter d’ici à 2024 un premier traité mondial de lutte contre la pollution plastique, l’ONG appelle au courage politique des dirigeants du monde entier : « les gouvernements du monde entier ont désormais la possibilité de traiter et d’inverser efficacement la crise de la pollution plastique en proposant un traité mondial sur les plastiques qui réduit la production, rend les entreprises responsables de la pollution qu’elles causent et intègre des alternatives basées sur la réutilisation ».
– Lou A.
Photo de couverture : @svklimkin/Flickr – Montage @MrMondialisation