Devinette : je suis un groupe pétrolier qui a versé 5,4 Milliards d’euros de dividendes en 2013. Je ne paye pas un centime d’impôt en France depuis 2 ans. Pour me « remercier », le fisc français va me signer un chèque de 80 millions d’euros au nom du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Qui suis-je ?

« Depuis deux ans, Total n’a pas versé l’impôt sur les sociétés en France. Si l’activité du pétrolier reste déficitaire dans l’Hexagone, il touchera en différé les déductions d’impôt auxquelles il a droit. »

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Total : pas un centime d’impôt, mais un chèque du fisc de 80 M€

Et si, dans trois ans, le Trésor public signait un chèque d’environ 80 M€ à Total ? Puis un second de 85 M€ en 2018 ? Le géant pétrolier français — régulièrement accusé de ne pas payer assez d’impôt en France — a beau réaliser des bénéfices colossaux (5,4 Mds€ de dividendes distribués en 2013), le scénario n’a rien d’improbable.

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.. Non à cause d’une faille juridique ou d’un schéma sophistiqué d’optimisation fiscale, mais simplement par le jeu tout à fait légal du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt recherche (CIR).
En 2013, Total a en effet obtenu 19 M€ de droits à déduction d’impôt au titre du CICE et 60 M€ au titre du CIR. Des créances reportables sur l’impôt sur les sociétés des trois exercices suivants.
Un changement du mode de calcul du CICE avantageux
Sauf que… depuis deux ans, le géant pétrolier réalise des pertes dans l’Hexagone sur ses activités de raffinage et d’exploitation des stations-service (voir ci-contre). Total n’a donc pas payé l’impôt sur les sociétés en 2012 et 2013. Si le géant reste déficitaire en France au cours des trois prochaines années, il ne pourra donc pas récupérer sa créance de CICE-CIR pour l’année 2013. Un cas de figure prévu par la loi, laquelle stipule que les droits à déduction d’impôt sont alors directement « remboursables ».
En clair : l’administration fiscale lui fera un chèque de 80 M€. A l’heure de la chasse aux économies, cela fait grincer quelques dents. Et ce n’est pas tout… En 2014, le mode de calcul du CICE a changé, passant de 3 % à 6 % de la masse salariale (hors salaires supérieurs à 2,5 fois le smic). Ainsi, ce n’est plus 19 M€ de droits à déduction d’impôt que Total obtiendra mais… entre 25 et 29 M€.
« Il s’agit d’un dispositif de droit commun », insiste-t-on chez Total en rappelant avec un brin de malice les propos de Christophe de Margerie, le PDG, qui « rêve » de payer plus d’impôts en France — sous entendu d’y réaliser à nouveau des bénéfices. Le groupe fait aussi valoir qu’il ne se dérobe pas aux taxes dans les pays où il gagne de l’argent et qu’il a payé 11,1 Mds€ d’impôt dans le monde en 2013 (dont plus de 50 % en Afrique).
« Ces 19 M€ du CICE, ce n’est pas ça qui va déterminer notre politique d’embauche, souligne par ailleurs un responsable. ll faut les rapporter à notre masse salariale de 2,9 Mds€ en France. » En effet, si le pétrolier n’a pas payé d’impôt en France en 2012 et 2013, sa contribution indirecte reste majeure. Total verse chaque année plus de 1 Md€ au titre des cotisations sociales. Et ses salariés français acquittent l’impôt sur le revenu. En France, une douzaine de cadres dirigeants du groupe sont concernés par la tranche d’imposition à 75 %.

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