Tandis que le monde semble foncer droit vers l’effondrement, une minorité ne jure que par la technologie pour nous sauver. Grâce à des implants directement intégrés à notre corps, nous pourrions ainsi améliorer nos performances intellectuelles et physiques, mais aussi tout bonnement notre existence. Des idées séduisantes sur le papier, mais qui font craindre de terribles dérives.
Pour les détracteurs du transhumanisme, il ne s’agit bien sûr pas de renier tout recours à la science ni de prôner l’obscurantisme. Intégrer la technologie directement à notre corps pourrait de plus avoir un intérêt médical certain.
Si le progrès technique peut, à l’avenir, permettre à une personne tétraplégique de remarcher, à un malvoyant ou à un malentendant de recouvrer la vue ou l’ouïe, qui pourrait sincèrement s’y opposer ? Ce genre d’appareillage commence d’ailleurs déjà à se développer depuis quelques années et pourra sans doute se perfectionner de plus en plus avec le temps.
Les limites du médical
À mesure que ces technologies vont progresser, de nombreux problèmes éthiques risquent néanmoins de se poser. Où se situera la limite entre le médical destiné à corriger une anomalie et une transformation dénaturante du corps humain ?
Ce dilemme existe d’ailleurs déjà avec la chirurgie esthétique. Lorsque celle-ci permet à des accidentés de se rapprocher de leur état antérieur, aucune critique ne paraît justifiée. En revanche, les possibilités infinies de ce procédé ont pu entraîner un certain nombre de dérives, en particulier chez des patients psychologiquement fragiles ou instables.
Bientôt des implants dans le cerveau ?
Or, l’apport de la technologie dans le corps risque de mener à des conséquences bien plus importantes. À ce titre, les implants cérébraux sont particulièrement inquiétants. D’autant qu’ils sont loin d’appartenir à l’univers de la science-fiction : plusieurs équipes, et notamment celles du fantasque milliardaire Elon Musk, travaillent activement sur le sujet.
Par le biais de sa société Neuralink, le tout nouveau propriétaire de Twitter promet ainsi de rendre la parole à des paralytiques ou de soigner des troubles neurologiques. Sur le long terme, il imagine même conférer aux êtres humains des facultés qu’ils ne pourraient pas développer naturellement.
À la recherche de cobayes
Le Sud-Africain d’origine a d’ailleurs déjà expérimenté la puce cérébrale sur des animaux. Après l’avoir implantée à des cochons, il l’a ensuite intégrée au cerveau de macaques. Si beaucoup n’ont pas survécu, certains cobayes étaient capables d’utiliser le jeu vidéo Pong par la seule force de la pensée.
Bien que ces résultats puissent paraître impressionnants, ils ont pourtant déjà été obtenus par d’autres chercheurs moins en vue. Par ailleurs, les lourdes pertes parmi les animaux testés n’ont pas manqué de créer la polémique. Des controverses qui ont mis un coup de frein à ces scientifiques qui pensaient prochainement expérimenter leurs technologies sur des êtres humains.
Des problèmes éthiques évidents
Mais même en supposant que ces appareils soient viables, ils poseraient trop de problèmes éthiques pour être utilisés. Il s’agirait d’abord d’un danger possible pour la santé. Comment garantir les effets sur le long terme lorsque l’on s’attaque à une partie aussi sensible que le cerveau ?
Certains pourraient rétorquer que chacun serait libre de risquer sa vie à ses propres frais. Pour autant, intervenir sur le cerveau pourrait entraîner chez le patient un manque de discernement ou des pertes de conscience ou de contrôle de lui-même qui mettraient alors en péril le reste de la population.
Un nouveau fossé inégalitaire
Par ailleurs, permettre à certains d’améliorer leurs facultés relèverait d’une forme d’eugénisme. Et pour cause, on arriverait rapidement à une société à deux vitesses, avec d’un côté des cyborgs disposant de capacités intellectuelles et physiques supérieures, et de l’autre des êtres humains classiques.
Ces inégalités se feraient d’ailleurs une nouvelle fois à l’avantage des plus riches qui auront les moyens financiers d’accéder à ces technologies. Le transhumanisme creuserait alors d’autant plus le fossé qui existe déjà entre les différentes classes sociales.
À tel point que les individus « augmentés » auraient sans doute un pouvoir bien plus important et céderaient probablement à une volonté de domination des autres. Il suffit de voir la relation qu’exerce l’humanité en général vis-à-vis de la nature et des animaux pour s’en convaincre.
Vers l’immortalité ?
Dans cette même direction, les transhumanistes rêvent de pouvoir accéder à l’immortalité en numérisant leur cerveau. Pas sûr pour autant, sur un plan philosophique, que ce soit une bonne idée. Rien ne garantit par exemple qu’un tel sort soit une source de bonheur. N’est-ce pas d’ailleurs parce que la vie a une fin que nous en profitons plus pleinement ? Si elle était, à l’inverse, éternelle, ne risquerions-nous pas de nous en lasser ?
L’intérêt collectif de l’immortalité n’est pas non plus évident. Comment la planète pourrait-elle supporter toujours plus d’êtres humains si aucun ne disparaissait jamais ? Par ailleurs si nous numérisions notre esprit pour nous défaire de notre corps, qu’est-ce qui nous différencierait réellement d’une machine ou d’une intelligence artificielle ?
https://www.youtube.com/watch?v=cbk-82zhYLc
Et si on s’améliorait vraiment ?
Avant de vouloir perfectionner notre corps et nos facultés intellectuelles, ne devrions-nous pas d’abord améliorer notre comportement et nos sociétés existantes ? Nous donner encore plus de puissance alors que nous sommes déjà en train de détruire notre seul lieu de vie avec nos capacités actuelles ne relève-t-il pas de la pure folie ? Et si, après tout, l’humain « augmenté » était simplement quelqu’un de plus respectueux, plus bienveillant, plus solidaire, et surtout plus conscient de ses propres limites et de celles de la planète ?
– Simon Verdière
Photo de couverture : Photo de ₡ґǘșϯγ Ɗᶏ Ⱪᶅṏⱳդ sur Flickr