C’est l’un des arguments massues des chasseurs. Leur activité, très peu populaire, serait nécessaire pour limiter les populations animales. Et pour cause, leur prolifération massive serait nuisible à l’humanité, et notamment à l’agriculture. Cette thèse est pourtant très contestable, et ce pour plusieurs raisons.

En France, les chasseurs sont autorisés à tuer 89 espèces ainsi qu’une liste d’animaux dits « nuisibles ». Notons toutefois que cette appellation n’a rien de biologique et s’attache avant tout à des critères arbitrairement établis par l’humanité.

La majorité des animaux chassés ne sont pas considérés comme nuisibles

Le problème, c’est que ces deux listes ne se croisent pas complètement comme le démontre une étude réalisée sur la saison de 2014. Ainsi, sur les 22,13 millions de bêtes sauvages abattues cette année-là, 55,72 % d’entre eux n’étaient pas considérés comme susceptibles de causer des dégâts. Ce sont par là 69 espèces qui sont concernées et qui pourraient logiquement ne plus être traitées comme du gibier potentiel. L’argument de la régulation s’écroule alors comme un château de cartes pour plus de 11,6 millions d’animaux.

Élevés pour être chassés

Pire encore, selon l’association Animal Cross, en plus des bêtes nées dans la nature, 21 millions d’animaux supplémentaires seraient élevés et relâchés pour être abattus. Bon nombre d’entre eux, inadaptés à la vie sauvage, finissent par mourir avant même d’être chassés ; d’autres sont poursuivis dès leur premier jour en forêt. Ceux-ci ne fuient d’ailleurs pas les êtres humains, ayant toujours été habitués à leur présence. Dans la même veine, on peut également citer le processus de l’agrainage. Pour, soi-disant, éloigner les sangliers des territoires agricoles où ils causent des dégâts, les chasseurs sont autorisés à nourrir les bêtes dans des zones moins cultivées.

 

Le cas bien spécifique du sanglier

Seulement la technique de l’agrainage provoque la prolifération des sangliers dont les effectifs n’ont cessé de progresser depuis les années 1970. Depuis cette époque, leur nombre est en effet passé de quelques dizaines de milliers d’individus à plus d’un million. Tous les ans, pas moins de six cent mille sont abattus.

Il faut bien comprendre que cette situation a délibérément été organisée. L’intérêt croissant des chasseurs pour le sanglier alors que l’agriculture intensive avait mis à mal les populations de petits animaux chassables, en était l’une des principales raisons. Si cette pratique est aujourd’hui interdite (bien qu’elle soit encore parfois pratiquée illégalement), l’être humain a également élevé des sangliers dans le but de les relâcher dans la nature. Pire, en les croisant avec des cochons, nous avons donné naissance à des créatures génétiquement plus résistantes avec une faculté à se reproduire plus importante.

Une troupe de sangliers en forêt. Photo de Rolf Schmidbauer sur Unsplash

Ce cocktail explosif nous a donc sans aucun doute conduits à la situation actuelle. L’animal est d’ailleurs souvent désigné comme l’emblème des « nuisibles » par les chasseurs. Et s’il est vrai qu’il provoque quelques dégâts, il faut bien garder à l’esprit qu’il ne représente pas plus de 2 % des victimes de la chasse chaque année.

Des espaces naturels bouleversés

Même si l’on admettait qu’une régulation soit inévitable, il faudrait tout de même chercher à expliquer sa nécessité. Et pour cause, celle-ci devrait s’effectuer sans notre intervention. Si ce n’est plus le cas, c’est bien en grande partie dû aux activités humaines. On peut d’abord évidemment citer le dérèglement climatique, mais également nos modes de production agricole qui désorganisent les cycles naturels. La chasse elle-même n’y est pas étrangère puisqu’elle s’attaque en partie à certains prédateurs.

On peut par exemple parler des fouines qui empêchent certains oiseaux de proliférer en mangeant leurs œufs, mais aussi celui du renard qui est pourchassé avec acharnement. Pourtant, des études démontrent que le goupil permet de diminuer les populations de rongeurs qui se nourrissent de nos cultures.

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Si l’on a déterminé certaines animaux comme nuisibles, c’est avant tout envers nos propres vies. On pourrait néanmoins rétorquer que nos activités sont infiniment plus préjudiciables aux autres espèces que l’inverse. C’est d’ailleurs la restriction considérable des espaces naturels et l’accaparement de toutes les terres existantes par l’être humain qui conduit les bêtes sauvages à empiéter sur nos productions, notamment agricoles.

La chasse est un loisir cruel

Réguler les populations est également une excuse absolument invalide pour justifier toutes sortes de pratiques cruelles. La chasse en enclos n’a ainsi aucun sens dans cette optique. Pas plus que la chasse à glu, à courre, ou le déterrage.

L’imposture de l’argument de la régulation démontre un fait simple : la chasse est un loisir. Si ses pratiquants s’adonnent à cet exercice, ce n’est certainement pas pour rendre un service à la collectivité, mais bien par plaisir. Fin 2021, le patron des chasseurs, Willy Schraen, admettait même en plein direct qu’il n’en avait « rien à foutre de réguler ».

Si la surveillance des populations animales était vraiment un sujet d’intérêt public, elle devrait être confiée à des professionnels. Or les chasseurs ne font qu’exercer un loisir sans aucune formation à ces enjeux environnementaux. Leur légitimité est donc plus que limitée, d’autant plus que la majorité des gens n’approuve pas leur action. Une chose est certaine, l’argument de la régulation a du plomb dans l’aile.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Photo de maxzzerzz sur Unsplash

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