Parler véganisme, c’est un peu comme évoquer la politique à un repas de famille : la tension monte très vite, et chacun a un avis sur la question, sans forcément savoir grand-chose sur le sujet. Bien que non-exhaustif de par le choix du format, ce modeste abécédaire du véganisme permettra à celles et ceux qui le souhaitent d’y piocher à leur guise pour vérifier une information, briller en société, ou simplement tenter de mieux comprendre ce mode de vie tant caricaturé.
C’est parti pour un bref abécédaire du véganisme !

Avocat
Les véganes sont régulièrement accusés de ne manger que des avocats. Alors oui, l’avocat, c’est bon, c’est riche en acides gras insaturés, mais c’est souvent importé de loin et ça détruit les terres agricoles quand c’est produit de manière intensive – comme toute autre culture du même type.
Objectivement, tout ça, c’est pour satisfaire le plus grand nombre : peu de chances que l’avocat soit victime de son succès à cause du petit 1% (à peine) de véganes. Pour s’en convaincre, passez une demi-journée à encaisser les fruits et légumes d’un supermarché : vous serez surpris de constater à quel point les omnivores dévalisent le rayon des avocats – à se demander, même, s’il en reste pour les véganes (#vécu).

B12
Ah, les véganes, ces pâles anémiques carencés ! Pourtant, la vitamine B12, nécessaire au système nerveux, est le seul complément indispensable à un régime végéta*ien équilibré. Si les omnivores la trouvent via les produits carnés eux-mêmes supplémentés, les végéta*iens la consomment directement. L’avantage est qu’ils prennent un complément naturel, sans nitrates, antibiotiques et autres additifs ingérés par le biais de la viande d’élevage. De plus en plus de produits végétaux sont supplémentés en B12 et tout comme pour les protéines, les véganes bien informés (pléonasme) souffrent rarement de carences.
Choix
La question du choix est essentielle dans le concept de véganisme, elle en est même la base. Nous sommes pour la plupart en capacité de manger de la viande et du poisson, mais nous pouvons aussi avoir le choix de ne pas le faire – nous exclurons ici les populations les plus pauvres ou isolées, qui n’ont d’autre possibilité que de se nourrir de ce qu’elles trouvent, ou encore les personnes qui physiologiquement ne peuvent supporter une alimentation végane. De nombreuses personnes pouvant choisir le contenu de son frigo peuvent décider de ne pas y mettre d’animaux morts ou d’en diminuer drastiquement la quantité.
Dissonance cognitive
Apparu pour la première fois en 1957 dans un ouvrage de psychologie, le concept de dissonance cognitive définit une contradiction entre pensée et comportement. Il est régulièrement usité dans le contexte des choix alimentaires : la majorité des gens aime les animaux et est incapable de leur faire du mal, mais la majorité en mange. La dissonance cognitive permet de se masquer la réalité et se conforter dans sa contradiction.
La culture y joue un rôle fort : manger un chien, un chat ou un cheval paraît inconcevable à bon nombre d’Occidentaux. Pourtant, ces animaux sont consommés ailleurs, quand cochons ou vaches peuvent ne pas l’être. Alors, pourquoi accepter de manger une vache et non un chien ? Quelle différence ? C’est généralement une fois perçue, analysée et dépassée cette dissonance cognitive que les omnivores deviennent végéta*iens, soucieux que leurs actes soient en cohérence avec leur pensée.

Extrémistes
Le véganisme est perçu et dénoncé comme « extrême » par ses détracteurs. Ce mode de vie peut en effet paraître extrême dans une société où l’exploitation animale est la norme : nombreux sont ceux qui s’essaient au véganisme puis abandonnent, découragés par les contraintes. Cependant, qualifier le mouvement végane d’extrême a tout de l’inversement de paradigme.
Ce qui est extrême, c’est d’enfermer, entasser, mutiler et abattre des milliards d’animaux chaque année. Pour rappel, ce système n’existe que depuis quelques décennies. L’industrialisation d’après-guerre a été rapide : dès lors, les ressorts utilisés dans le milieu de l’élevage sont devenus la norme. Broyer des poussins vivants, mutiler des porcs, anémier et molester des veaux, gaver des canards, créer des vaches-hublots, arracher la fourrure de visons vivants, voilà la norme. Celle que dénonce et combat le mouvement végane. De quel côté se situe l’extrême ?
Fourmis
Oui, les véganes écrasent involontairement des fourmis (et pas que) en marchant. L’immense majorité le vit plutôt bien, étant donné l’effort fait en parallèle pour mettre fin à une industrie mortifère.
Il est des choses que l’on peut maîtriser – sa consommation de produits carnés, et d’autres moins – un insecte écrasé sous sa chaussure.
Gazelle
Non, Le lion et la gazelle n’est pas une fable de La Fontaine et oui, dans la nature, le lion mange la gazelle. Contrairement aux humains les plus privilégiés de la planète, le lion manque de choix pour se nourrir et n’a pas accès au supermarché du coin. De plus, il est carnivore, quand l’humain est omnivore. Alors, faute d’avoir l’opportunité de se faire une plâtrée de lentilles, il va chasser la gazelle.
Et oui, la nature est loin d’être douce. Un lion qui déchiquette une gazelle, c’est violent. Mais le lion doit bien manger, et il n’a pas conscience qu’il fait souffrir sa proie. Si l’homme devait décapiter l’agneau avant de le manger, il y a fort à parier qu’il se rabattrait sur les lentilles (encore elles). Mais à la différence du lion, il nous reste le choix de ne pas manger l’agneau, et de ne pas charger quelqu’un d’autre de le tuer pour nous.

Heureux
Même s’ils sont carencés et se demandent à chaque repas où ils vont bien pouvoir trouver leurs protéines, les végéta*iens sont heureux car en accord avec leurs convictions !
Intelligence
L’un des arguments antispécistes les plus communs est l’idée selon laquelle nous avons le droit d’exploiter les animaux car ils ne sont pas « intelligents ». D’une, comment définir l’intelligence, et deux, en quoi est-ce un critère pertinent pour asservir un être plus faible que nous ? Devoir moral et bienveillance ne poussent-ils pas, justement, à prendre soin de ceux qui ne peuvent pas se défendre ?
De plus, la science et l’empirisme ont démontré que les animaux possédaient de multiples formes d’intelligence : langage, communication, mémoire, humour, capacité à compter ou résoudre un problème, etc. Enfin, ils éprouvent des sentiments de joie, de crainte, de peur, d’enthousiasme, de tristesse et sont en cela incroyablement proches de nous.
Qu’y a-t-il de plus immoral que d’abuser ou maltraiter quelqu’un sous prétexte qu’il n’a pas les mêmes capacités cognitives que nous ? Pour toutes ces raisons, l’argument de l’intelligence ne tient pas.
Jaïnisme
Religion proche du bouddhisme et de l’hindouisme, elle est l’une des plus anciennes qui existe et trouve la moitié de ses fidèles en Inde. Selon Matthieu Ricard, le jaïnisme est la seule grande religion à avoir « toujours prescrit le strict végétarisme et la non-violence absolue envers tous les animaux ». Basé sur le concept de non-violence, le jaïnisme exclut l’idée de consommer des produits animaux.
Seul le lait (et ses dérivés) peut l’être car considéré comme sacré et, récolté dans de bonnes conditions, n’affectant pas le bien-être de l’animal. Les plantes racines sont également exclues car elles nécessitent d’être arrachées, et donc tuées. Quel que soit notre regard sur ces idées, elles démontrent que le végétarisme existe depuis bien plus longtemps qu’on ne le croit !
Kiwi
Ok, la lettre K a posé quelques problèmes. Alors, pourquoi ne pas en profiter pour rappeler que le kiwi est un fruit largement produit en France (et pas seulement en Nouvelle-Zélande) et très riche en vitamine C ? C’est cadeau !
Laboratoire
Il y aurait tant à dire à ce sujet, bien trop souvent enfoui. Les animaux utilisés au nom de la recherche (singes, rats, chats, chiens, etc.) sont victimes d’une souffrance indicible qui s’étend sur des années, voire des décennies. Certains sont même victimes de sadisme de la part des chercheurs, qui peuvent aller jusqu’à s’amuser du désespoir de leurs victimes (à l’instar de certains élevages industriels).
Utilisés principalement pour la médecine mais également encore pour la cosmétique, les animaux de laboratoire sont encore plus invisibles que ceux de l’industrie agro-alimentaire. Pourtant, leur souffrance est au moins égale, si ce n’est pire. D’autant plus qu’il existe aujourd’hui de nombreuses solutions pour les remplacer.

Morale
Le véganisme se base avant tout sur un choix moral, très bien décrit par le philosophe Peter Singer. Auteur d’un des livres fondateurs des mouvements de droit des animaux, La Libération Animale. Antispéciste, Singer considère qu’appartenir à une espèce (en l’occurrence, l’espèce humaine) n’arroge aucun droit de vie, de mort ou de souffrance sur les autres espèces (les animaux).
Si nous savons qu’en mangeant les animaux, nous participons à leur souffrance, alors nous avons le devoir moral de nous en abstenir. Végétariens et véganes justifient souvent leur choix par cette nécessité morale de ne pas faire consciemment du mal à une espèce capable de souffrir.
Nuance
Comme tous les mouvements, le véganisme est riche en nuances. Il est composé de pauvres et de riches, d’étudiants et de chômeurs, de jeunes et de vieux, de croyants et d’athées, d’homos et d’hétéros. Quand certains sont véganes à 100%, d’autres sont plus souples et font de leur mieux. Quand certains tendent à invectiver les non-véganes, d’autres essaient d’ouvrir le débat. Bref, ils sont riches en nuances.
Oléagineux
Noix, amandes, arachides ou noix de cajou font partie de la famille des oléagineux, que l’on (re)découvre souvent en passant à un régime végétarien ou végétalien. Riches en protéines, en acides gras insaturés, en vitamines et en fibres, ces aliments sont de véritables atouts santé en plus d’être délicieux.
Consommés cuits, torréfiés, entiers, en poudre ou en purée, les oléagineux sont souvent délaissés par les omnivores alors que leur diversité est incroyable, leur goût incomparable, et qu’ils peuvent se cuisiner de multiples façons. Une mine d’or culinaire !

Protéines
C’est bien connu, pas de viande, pas de protéines. Sur ce sujet, l’industrie agro-alimentaire a parfaitement réussi son lavage de cerveau, qui commence dès la plus tendre enfance avec le culte des produits laitiers (nos fameux amis pour la vie) et la pyramide alimentaire que chacun a vu affichée sur les murs de sa classe.
La réalité, c’est qu’il y a plus de protéines dans les lentilles ou les protéines de soja texturées que dans le bœuf : une information que le lobby de l’élevage se gardera de propager. En attendant, contentons-nous de nous demander comment autant de sportifs de haut niveau parviennent à tenir encore debout.
Quinoa
Le quinoa, c’est un peu comme l’avocat, ça vient de loin et c’est un argument anti-végane récurrent. Encore une fois, le quinoa a été une lubie pendant quelques temps (coucou le chou kale !) mais est très loin d’être un ingrédient de choix parmi les végéta*iens.
Se balader sur des blogs de recettes véganes populaires suffit à réaliser que le quinoa y est souvent… absent. L’argument du végane qui détruit la planète à coups de fourchettes de quinoa tombe donc à l’eau. Ah, et juste pour rappel : le riz est importé d’Asie à 90%.
Relou
Mettre le doigt là où ça fait mal, c’est souvent relou. Donc oui, les véganes sont des relous. Ceci dit, défendre de son mieux les millions d’animaux massacrés chaque jour vaut la peine d’être taxé de relou.
Soja
Non, les végéta*iens ne détruisent pas la forêt amazonienne. Le soja qui y pousse est destiné à l’alimentation du bétail. Bolsonaro et ses sbires rasant cette forêt primaire pour satisfaire une niche de véganes eût été trop d’honneur (ou pas). Le tofu consommé en France est majoritairement bio et hexagonal, le soja étant beaucoup cultivé dans le sud-ouest.

Tofu
Suite logique du soja, le tofu est un aliment issu de la coagulation de lait de soja, le plus souvent obtenu à l’aide d’une algue appelée nigari. Or le tofu, c’est un peu comme du blanc de poulet nature : ça ne se mange pas tel quel ! Malheureusement, l’Occident et le tofu, ça fait deux.
Beaucoup l’ont découvert par le biais de la soupe miso où trois morceaux de tofu nature, sans aucun goût, ont eux-mêmes l’air de se demander ce qu’ils font là. Pourtant, c’est un aliment magique, travaillé sous toutes les formes possibles en Orient et très riche en protéines. Le tofu, une fois apprivoisé, est absolument formidable à cuisiner.
Utopie
Un monde végane, une utopie ? A l’heure actuelle, sans doute. A défaut de pouvoir espérer que plus aucun animal ne soit exploité pour sa viande, son lait ou sa fourrure, il reste viable d’essayer d’en réduire le nombre. Utopistes, non, bienveillants, oui.
Végéta*iens
Soyons clairs, peu de véganes parviennent à l’être totalement. Les raisons en sont multiples (entourage, lieu de vie, religion, contraintes personnelles, etc.) et ont donné naissance au terme imprononçable de « végéta*ien », sorte de compromis imparfait entre végétarisme et végétalisme. Chacun fait ce qu’il peut, comme il peut, selon ses possibilités et ses convictions.
Ainsi, quelqu’un qui se dit végane peut occasionnellement manger des sous-produits animaux pour ne pas rester sans rien avaler lors d’une sortie, parce que le gâteau a été fait avec amour, ou encore que la voisine a des poules qui gambadent et pondent beaucoup d’oeufs. Chaque décision est pesée et rappelle que le véganisme n’est pas un dogme. C’est avant tout l’envie de faire de son mieux, pour les animaux, pour l’humain et pour la planète.

Wokisme
Véganisme et wokisme sont souvent assimilés. Pour rappel, le terme wokisme est un dérivé du mot anglais woke, lui-même issu de wake qui signifie « s’éveiller et par extension, prendre conscience de. L’expression a été popularisée lors du mouvement américain Black Lives Matter : est alors devenue « woke » toute personne luttant pour plus de justice sociale. Le terme a ensuite pris une tournure péjorative par les mouvements réactionnaires, qui perçoivent les wokes comme de dangereux empêcheurs de tourner en rond. Aujourd’hui, le woke est progressiste, féministe, écologiste ou simplement assimilé à la gauche. Alors oui, végane, woke et fier de l’être !
Xérophagie
Oui, c’est un peu tiré par les cheveux, mais allez trouver un mot lié au véganisme commençant par x ! Finalement, la xérophagie ne s’en tire pas trop mal. Pratique née du christianisme et correspondant à une forme de jeûne en période de carême, elle se traduit en médecine par une diète sèche visant à perdre de la graisse mais pas de masse musculaire. Repris par le milieu de la musculation, le terme de xérophagie est un excellent prétexte pour rappeler que les bodybuilders véganes, ça existe !

Yaourt
La question des produits laitiers est souvent source d’incompréhension. Sa couleur blanche offre au lait une apparente innocence, loin du sang des abattoirs. Pourtant, l’industrie laitière est source de multiples souffrances : vaches inséminées de force, séparées de leur veau, envoyées à l’abattoir (alors dites « de réforme ») au bout de quelques années seulement… Sans oublier les veaux isolés dans leur box, anémiés pour donner à leur viande cette couleur pâle, parfois transportés sur des milliers de kilomètres avant d’être abattus.
Il en va de même pour brebis et chèvres, poussées artificellement à la gestation et dont les petits sont généralement tués à l’âge de quelques semaines. Derrière l’innocent pot de yaourt se cache une industrie qui considère les bébés animaux comme des déchets et use les femelles jusqu’à la corde. Heureusement, il existe aujourd’hui pléthore de délicieux yaourts à base de soja, d’oléagineux ou encore de noix de coco.
Zola
« La cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser », disait Zola. Ok, il était également connu pour manger toutes sortes d’animaux, mais rappelons le contexte : au XIXe siècle, le végétarisme était plus qu’anecdotique en Occident, l’élevage industriel n’existait pas et les notions de bien-être animal étaient bien plus floues qu’aujourd’hui.
Il n’empêche que Zola fait partie de ces grands auteurs français, a avoir saisi et dénoncé la souffrance que l’être humain était capable de faire endurer à nos cohabitants sur Terre.
– Renard polaire.
Image d’en-tête : Pexels.















