Un projet ferroviaire de très grande envergure fait, à nouveau, craindre le pire pour les peuples autochtones d’Amazonie. Cette entreprise ambitieuse de près de 30 milliards de dollars projette de scinder l’Amazonie en deux par une ligne de chemin de fer de plus de 4800 kilomètres entre les deux océans. Les ONG s’indignent mais ont bien peu de pouvoir face à un énième projet industriel qui viendra à nouveau empiéter les terres sauvages de l’Amazonie.
La Chine investit 50 milliards en Amazonie
La visite du Premier Ministre chinois au Brésil en mai dernier signait l’accord d’un contrat entre ces deux puissants pays. Forte de son économie triomphante, la République Populaire recherche des investissements prometteurs à l’étranger. En cause, une baisse de la demande en grands travaux en Asie au moment même où le Brésil est confronté à un ralentissement économique. Si, économiquement parlant, les deux états y trouvent leur avantage, l’envers du contrat révèle une situation tragique pour ceux qui n’ont pas leur mot à dire.
La Chine prévoit donc d’investir 50 milliards de dollars en Amazonie dont 30 financeraient une ligne de chemin de fer de plus de 4800 kilomètres reliant l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique. Celle-ci partirait du Port d’Açu au Brésil, contournant la Bolivie pour arriver sur la côte ouest du Pérou. Interrogé par France 24, Jean-François Dufour, expert de l’économie chinoise et président du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse commente : « C’est un véritable canal de Panama ferroviaire que la Chine envisage de construire dans la région ». Le projet pourrait reprendre le tracé d’une route existante dont la construction a débuté au Brésil dans les années 1970 : la très contestée Transamazonienne (ou BR-230).
(Source : The Guardian)
Le fiasco de la Transamazonienne
Cette route avait été imaginée début des années 70 pour sortir les peuples de l’isolement tout en développant l’économie du Brésil, notamment, en facilitant le transport de marchandises, mais aussi l’accès aux ressources naturelles. En échange, les paysans locaux pouvaient bénéficier des bandes de terres de 50 km de chaque côté de la route. Le projet s’est rapidement enlisé et s’est soldé en échec écologique et économique. Les agriculteurs qui héritaient des terres à proximité de la route devaient, selon les plans nationaux de l’époque, approvisionner le marché brésilien avec leur récolte.
Cependant, nul ne se souciait de la préservation de la forêt et les routes de terres se révélèrent rapidement inutilisables par les paysans en cas de fortes pluies. Les agriculteurs relogés à proximité de cette route perdaient donc régulièrement leurs plantations et le gouvernement les abandonna dans la misère en retirant brutalement son soutien du projet. La déforestation s’est également accélérée au fur et à mesure que la route grandissait en raison des facilités d’accès aux ressources. Aujourd’hui, certaines parties de la route sont asphaltées mais la Transamazonienne est devenue le symbole d’un fiasco à ne pas rééditer.
(Source : uruaraemacao.blogspot.fr)
Les dangers de cette nouvelle voie ferrée
Dans l’histoire des pays occidentaux, la voie ferrée a toujours été un élément clé à l’augmentation du niveau de vie. Ce projet chinois de ligne de chemin de fer provoque cependant l’indignation des Indiens et de l’ONG Survival International, qui lutte pour les droits de ces peuples indigènes. Selon eux, une telle ligne mettrait en péril la biodiversité de la forêt et dévasterait les terres des Indiens. Survival International craint que cette ligne ouvre les régions reculées à l’exploitation industrielle, minière et forestière et libère la voie aux multinationales pour la colonisation économique et l’accaparement des terres.
Ninawá Kaxinawá, un leader indien a exprimé à Survival International les dangers que ce projet représente aux yeux des communautés indigènes : « Cette voie ferrée est meurtrière, elle menace notre peuple. Pour nous les Indiens et pour nos frères des tribus isolées, ce projet représente un danger mortel qui détruira nos forêts et nos vies ! » Les tribus isolées sont des sociétés vulnérables qui ne supporteraient pas voir à nouveau leurs terres détruites alors que celles-ci furent déjà largement accaparées par nombre de projets industriels.
Preuve s’il en était que les grands projets industriels prétextant le progrès ne se soucient guère des minorités, d’autres projets similaires se sont déjà transformés en tragédies. L’ONG rappelle ainsi que la voie ferrée de Carjás, inaugurée dans les années 1980, a permis aux entreprises étrangères, à des éleveurs et à des bûcherons illégaux d’accéder aux terres de tribus menacées comme celles des Awá. Trente pourcent de leur territoire a disparu à cause de la déforestation. Et trente ans plus tard, des contrebandiers sont toujours présents. Encore aujourd’hui, certaines tribus doivent quitter leur région pour fuir la déforestation. Certains membres des tribus tombent malades et ne survivent pas à l’exode.
(Source : ajindo.blogspot.co.uk)
Survival International milite pour que les gouvernements consultent ces peuples indigènes sur les sujets qui les concernent directement et pour que les responsables politiques s’engagent à respecter leurs droits. Les terres de ces tribus doivent être protégées pour Stephen Corry, le directeur de Survival International, pour différentes raisons : « De tels projets n’entraînent rien d’autre que la spoliation des territoires indigènes et comme toujours ils sont menés au nom du progrès et du développement. Pendant des siècles les Indiens d’Amérique ont été sacrifiés sur l’autel du profit. Beaucoup ne survivraient pas aux attaques menées contre leurs vies et leurs terres. Pour les tribus isolées, cette voie ferrée mènera au génocide ».
Si cette ligne a de fortes probabilités d’aboutir un jour, les minorités peuvent aussi faire entendre leur voix. Ainsi, nous vous parlions il y a quelques semaines d’une communauté amérindienne du Canada ayant refusé le dédommagement d’un milliard de dollars de la part d’une compagnie pétrolière. Cette dernière voulait construire un port pour le transport du gaz naturel liquéfié passant sur la terre de cette petite communauté. Le projet a ainsi pu être contrecarré, mais pour combien de temps ?
Sources : survivalfrance.org / theguardian.com / france24.com / toolito.com