Cet été, un collectif d’associations porté entre autres par Générations Futures et Nature & Progrès lance une mini-série qui dénonce les failles du système d’évaluation de la toxicité des pesticides. Après la publication d’une nouvelle étude accablante dans la revue Food and Chemical Toxicology à la fin du mois d’octobre 2020, diverses organisations actives pour la protection de l’environnement et pour la promotion de l’agroécologie se sont en effet unies afin de sensibiliser le grand public aux dangers toxiques des pesticides et autres alternatives au glyphosate présents sur le marché européen. C’est sont les chercheurs Gilles-Eric Séralini et Gerald Jungers qui ont donné l’alerte. Après avoir analysé 14 formulations d’herbicides destinés aux particuliers, les résultats qu’ils publient sont effarants : la présence de substances très nocives pour l’environnement mais aussi pour la santé humaine a été observée dans de nombreux produits…sans pour autant figurer sur les étiquettes !

Des métaux lourds et des métalloïdes comme l’arsenic, le cuivre, le plomb, le nickel, voilà le genre de substances que des chercheurs ont découvert dans de nombreux herbicides destinés à l’usage des particuliers. Des hydrocarbures polycycliques aromatiques ont également été détectés dans 12 d’entre eux. Certains sont pourtant des cancérogènes reconnus par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), comme le benzo(A)pyrène. Mais il y a peut-être plus inquiétant encore : aucun de ces composés dangereux ne figurent sur l’étiquette du produit acheté en toute innocence (ou presque) par le consommateur.

Des métaux lourds et autres substances dangereuses présents dans les pesticides pour particuliers

L’étude menée par les scientifiques Gilles-Eric Séralini et Gerald Jungers en fin d’année 2020 révèle ainsi que « la formulation complète est employée sur le terrain, et pas seulement le principe actif déclaré, qui, à ce jour est étudié seul à des fins de toxicité à long terme ». La composition de ces produits échappe donc de fait à tout contrôle, ce qui se révèle extrêmement dangereux notamment pour l’environnement, mais aussi pour la santé humaine. Et pour cause, selon la règlementation européenne, « l’effet cocktail des différents composants d’un produit doit pouvoir être évalué » explique Me Guillaume Tumerelle, l’avocat des associations environnementales derrière la campagne Secrets Toxiques. « Si des produits ne sont pas déclarés dans les dossiers de demande de mise sur le marché, l’effet cocktail ne peut pas être mesuré ».

Les pesticides peuvent représenter un danger pour l’environnement et aussi pour la santé humaine. – Pixabay

Voilà le constat alarmant qui a poussé 3 associations, Générations Futures, Campagne Glyphosate et Nature et Progrès, a publié il y a quelques mois un communiqué de presse pour dénoncer la présence de toxiques cachés dans des pesticides et remettre en cause leurs autorisations de mise sur le marché. Plusieurs associations les ont ensuite rejoint pour monter au créneau. Le 1er décembre 2020, 14 organisations lancent ainsi la campagne “Secrets Toxiques” pour soutenir l’action judiciaire qu’elles entament auprès du pôle santé du Tribunal judiciaire de Paris.

Une campagne pour sensibiliser les consommateurs

En effet, Générations Futures, Campagne Glyphosate, Nature et Progrès et PIG BZH, portent plainte contre X pour fraude à l’étiquetage, mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement afin de réclamer au plus vite le retrait pur et simple de ces produits, et la condamnation des responsables. Ils intentent également une action contre l’Etat français pour carences fautives, afin d’interroger les systèmes actuels d’évaluation des pesticides. L’objectif de ces plaintes est ainsi de dénoncer des pratiques possiblement frauduleuses et irresponsables de certains fabricants de pesticides et de remettre en cause le système d’évaluation de ces derniers afin d’accroitre la protection de la santé des Hommes et de l’environnement.

La web-série lancée dans le cadre de la campagne Secrets Toxiques vise donc à accompagner la procédure judiciaire, en sensibilisant le grand public à cet enjeux et en informant les consommateurs sur les failles du système d’évaluation de la toxicité des produits phytosanitaires et herbicides vendus sur le marché européen. Le premier épisode dénonce ainsi le manque d’objectivité des méthodes d’évaluation européennes alors que celles-ci sont souvent basés sur des rapports ou des productions scientifiques menées ou commandités par les industriels de l’agrochimie eux-même. Après avoir mis à jour les rouages de l’EFSA, l’agence sanitaire européenne, et le risque des effets combinés de différentes substances, appelé aussi « effet cocktail », la série documentaire appelle à un contrôle rigoureux et indépendant des produits finis amenés à être distribués sur le marché.

Un lobby puissant et prêt à tout

Et pour cause, ce n’est pas la première action à plaider pour cela. Plusieurs études et investigations ont prouvé par le passé le poids incommensurable des lobbys dans les prises de décisions politiques et sanitaires. Ainsi, tout mène à croire que les puissants de l’industrie chimique, Monsanto (Bayer) en tête de liste, disposent de tous les outils nécessaires pour faire peser leurs intérêts lors de la mise en place des méthodes de réglementation et auprès des acteurs des institutions décisionnaires. C’est en tout cas ce qu’à révéler l’affaire Monsanto Papers, lorsque plus de 600 documents confidentiels ont été déclassifiés suite à plusieurs actions en justice. On y apprend comment Monsanto manipule les données scientifiques, utilisent des prête-noms ou fait pression sur de nombreux journalistes et chercheurs pour qu’ils soutiennent les intérêts de la firme américaine.

Les dégâts pour notre environnement peuvent être irréversibles. – Pixabay

Mais si les industriels semblent s’acharner pour que les pesticides restent dans nos champs et dans les rayons, les français en revanche ont plutôt tendance à ne plus en vouloir dans leur assiette. D’après un sondage Ifop commandé par l’association Agir pour l’Environnement en 2019, 89% des personnes interrogées souhaitent ainsi l’interdiction totale des pesticides chimiques en Europe d’ici à 5 ans. On y apprend également leur attachement au bio et à une agriculture sans pesticides puisque 73% des sondés sont favorables à ce que les subventions publiques, notamment celles de la Politique agricole commune aillent prioritairement aux producteurs bio.

En France plus d’un million de personnes ont récemment signé l’appel des coquelicots demandant la sortie des pesticides. L’appel des consommateur et des citoyens pour plus de transparence et de respect de l’environnement et de la santé humaine semble ainsi clair aujourd’hui. Il ne reste plus qu’à se faire entendre !

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