Si l’urgence climatique ne laisse plus de place au doute, beaucoup de secteurs peinent encore à évoluer vers un modèle durable. C’est par exemple le cas de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel, pesant plus de 1,7 millions de tonnes de CO2 rien qu’en 2018, hors fabrication de l’équipement. Pour pallier à ce triste constat, le Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) a annoncé en septembre 2020 la création d’un groupe de réflexion sur les enjeux environnementaux concernant la filière. Le 30 juin dernier, le CNC présente son Plan d’Action visant à réduire drastiquement l’impact carbone de l’industrie. Celui-ci entend encourager « une politique publique de transition écologique et énergétique » dans le secteur, allant du cinéma au jeux vidéos, en passant par les industries techniques et l’audiovisuel. Et cela passe notamment par l’instauration de mesures écologiques contraignantes d’ici 2023 pour l’ensemble des acteurs du secteur. Focus sur la transition écologique du cinéma, et bien plus encore.

En septembre 2020, Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) annonce la création d’un groupe de réflexion sur les enjeux environnementaux dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, des industries techniques et du jeu vidéo. Entourés de plusieurs experts dans leurs domaines de compétences respectifs – par exemple, neutralité carbone dans le secteur des transports ou encore stratégies de réduction des émissions compatibles avec les accords de Paris, le CNC entend ainsi adapter la filière aux enjeux énergie-climat et faire de celle-ci un moteur de la transition énergétique et écologique.

Un secteur polluant et mal équipé pour la transition

Ces dernières années, plusieurs initiatives avaient tenter d’améliorer l’incidence de la filière entière sur l’environnement, « mais cela reste des initiatives locales ou marginales, de la débrouille », confie Marie Carrega, membre du groupe d’experts désignés, pour qui la France n’était « pas en avance » sur le sujet par rapport aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni par exemple.

le CNC entend ainsi adapter la filière aux enjeux énergie-climat et faire de celle-ci un moteur de la transition énergétique et écologique. – Pixabay

C’est notamment la crise sanitaire et ses conséquences qui ont poussé les décideurs à agir cette fois-ci avec peut-être plus d’ambition. L’épisode très particulier que nous avons traversé ces deux dernières années a « en effet rendu nécessaire la mise en place d’une politique durable de transition énergétique et écologique, et oblige à réfléchir sur les fondements du monde de demain ».

Le groupe d’experts alors composé de Aurélien Bigo, Marie Carrega, Maxime Efoui Hess et Clémence Lacharme, quatre personnalités extérieures à la filière et spécialistes des questions environnementales, a été missionné pour émettre des recommandations et des propositions concrètes afin de diminuer drastiquement l’impact du secteur sur l’environnement. Et pour cause,  le bilan carbone de l’audiovisuel français, en 2018, est de 1,7 million de tonnes de CO2, hors fabrication des équipements, soit le bilan carbone de 185 191 français, correspondant environ à celui de la ville de Reims.

Parmi ces émissions de gaz à effet de serre, plus de 15% sont dus aux déplacements des spectateurs, et plus de 55% au visionnage des œuvres en streaming. En 2018, les flux vidéo représentaient ainsi 80% des flux de données mondiaux pour émettre environ 306 millions de tonnes de CO2.

Un plan d’action pour une transition écologique de l’industrie

Forts de ce constat dramatique, ces experts ont travaillé pendant 6 mois autour de quatre thématiques au cœur des enjeux environnementaux : les moyens techniques, la mobilité, l’approvisionnement et la gestion des déchets, et enfin les enjeux numériques. Ces thématiques touchent l’ensemble des acteurs : de la formation des professionnels aux problématiques de déplacement du public (lors d’une projection ou d’un festival) en passant par le cœur de l’activité de création, à savoir la production, la post-production, la promotion, et la diffusion des œuvres.

Le CNC met en place une politique progressive, en trois phases, qui débute en 2022 et se déploie finalement en 2024. – Pixabay

Arrivé au terme de l’étude, le CNC se basant sur les conclusions rendues par le groupe d’experts, a présenté ce 30 juin dernier son Plan Action!, qui se déploiera sur trois ans. Quatre priorités ont ainsi été identifiées : réduire l’impact carbone des productions, améliorer les dépenses énergétiques des tournages et accompagner la rénovation des structures (salles et studios de tournages), réduire les déchets et inciter à l’économie circulaire et enfin encourager la sobriété numérique. Pour parvenir à ces objectifs, le CNC met en place une politique progressive, en trois phases, qui débute en 2022 et se déploie finalement en 2024.

La première année  du plan sera ainsi celle de l’incitation et de la sensibilisation de la filière, en dotant les professionnels d’outils afin de les accompagner sur le chemin de la transition écologique. Pour se faire, un Observatoire de la transition écologique et énergétique sera créer afin de doter la filière d’un outil de récolte des données et de suivi rigoureux de son impact sur l’environnement. Cette structure pourra également encadrer et soutenir diverses études qui mèneront des investigations plus spécialisées sur le bilan carbone de chaque maillon de la chaîne. D’autres outils, comme la mise en place de formations, d’une méthodologie commune pour mesurer l’impact carbone des oeuvres ou une plateforme d’échanges et de bonnes pratiques seront mises en place cette même année.

Des mesures contraignantes et des subventions conditionnées

La phase 2 du projet permettra de définir des normes et des moyens renforcés à mettre en place pour que la filière puisse atteindre les ambitions nationales ainsi posées. Trois axes prioritaires sont donc définis : la mise en place d’une obligation de réalisation d’un bilan carbone pour toute œuvre ou projet financé par le CNC, l’accompagnement à l’amélioration des dépenses énergétiques par la rénovation thermique des bâtiments, et la définition précise des objectifs à atteindre dans les domaines de l’approvisionnement et la gestion des déchets, la mobilité et le numérique.

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Des mesures contraignantes basées sur un budget carbone de référence des œuvres ser ont mises en place. – Pixabay

En 2024, les professionnels disposeront donc largement des outils et des moyens pour poursuivre leur transition écologique et énergétique d’après le CNC. Afin de s’assurer des efforts soutenus de tous les acteurs de la filière, celui désire alors mettre en place des mesures contraignantes basées sur un budget carbone de référence des œuvres et une conditionalité de ses aides au respect de certaines obligations environnementales.

Une initiative ambitieuse à suivre de près

« Si le cinéma est un art, c’est aussi une industrie, employant des centaines de milliers de personnes dans le monde et sur certains tournages, plusieurs centaines de personnes. Il est donc essentiel de réfléchir aux moyens de rendre l’industrie aussi “propre” que possible », rappelle Jean-François Camilleri, Président d’Echo Studio. Cette initiative ambitieuse du CNC répond donc certainement à l’urgence d’agir et à l’espoir de voir le secteur audiovisuel s’aligner sur un modèle écologiquement responsable.

Si tout ou presque reste encore à prouver, on ne peut toutefois que saluer la volonté de transiter rapidement d’un modèle à un autre et de ne pas se cacher derrière des recommandations en pratique peu suivies et peu encouragées. La force de ce plan d’action réside en effet indiscutablement dans la mise en place de normes environnementales contraignantes et par la conditionalité d’octroi de subventions au respect de celles-ci. Il ne reste plus qu’à définir ces normes de manière aussi ambitieuse et réaliste que nécessaire.

L.A.

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