Une micro-ferme en plein Paris veut changer de paradigme économique et social

Les projets économiques ayant fait le choix de relier l’humain à la nature poussent désormais comme des petites graines. Exemple parmi tant d’autres, celui du Paysan urbain, jeune projet ayant débuté il y a 3 ans, à Romainville, et dont l’objet est de montrer qu’il est possible de créer des emplois agricoles en circuit court et en milieu urbain. La recette ? Produire des micro-pousses et les proposer en partenariat avec les acteurs locaux. Nous sommes partis à la découverte de ces fermiers urbains des temps modernes.

Produire des aliments en pleine ville, à quelques kilomètres à peine de Paris intra-muros ? C’est l’idée de quelques intrépides, bien décidés de prouver qu’il est possible de créer une activité agricole rentable et résiliente en milieu urbain. Le projet qui a débuté il y a 3 ans à Romainville se distingue par son originalité, puisqu’il s’agit de produire et de vendre des « micro-pousses », encore relativement peu connues en France. Dans les serres de l’association grandissent des pousses de radis, soja, roquette, avoine, blé etc… À ce stade de leur développement, ces végétaux sont reconnus pour être particulièrement riches en vitamines, en nutriments, en acides aminés et en antioxydants, et c’est ce que Le Paysan urbain souhaite valoriser.

Faire de la production locale un atout économique

Tout a commencé à Romainville, sur deux espaces d’environ 550 m2. Puis, en 2016, l’association remporte le plus gros lot de l’appel à projet « ParisCulteurs ». Elle va donc installer de nouveau locaux sur un espace de 6000 m2 à Charonne, dans le 20ème arrondissement de la capitale. Le projet, qui pourrait prétendre au titre de plus grande ferme urbaine de Paris, a pour but de s’intégrer à l’économie locale, non seulement en créant de nouveaux emplois, mais également en produisant, à quelques pas des consommateurs, des micro-pousses commercialisées par l’intermédiaire des commerces à proximité. La dimension humaine n’a pas été oubliée : a terme, jusqu’à 20 emplois aidés pourrait être créés (sur un total de 30 espérés), permettant ainsi de lutter contre l’exclusion, alors qu’une partie des nouveaux espaces seront consacrés à des projets de sensibilisation impliquant les habitants.

Considérés depuis plusieurs dizaines d’années comme un frein au développement agricole, la petite taille de l’exploitation et sa situation géographique doivent au contraire servir ici d’atout selon les membres du projet. Guillaume, bénévole de 53 ans chargé de « créer du lien et de la compréhension » autour d’une idée dont les fondements sont relativement neufs pour une partie de la population, assure par ailleurs que l’aspect social est essentiel. Lui et ses collègues espèrent que « les paysans urbains » puissent avoir un impact local positif. Et peut-être que demain, suggère le bénévole, les citoyen.ne.s voudront également faire pousser quelques graines chez eux, participants à l’effort collectif contre la crise écologique autant que contre la domination de grands groupes sur le marché.

Pour Guillaume, l’équation est simple : le défi du 21ème siècle est de faire entendre que nos consommations façonnent le monde qui nous entoure et que nous avons chacun un rôle à jouer dans la construction d’une économie plus juste socialement et plus durable d’un point de vue environnemental. Aussi, aujourd’hui, les membres du projet regardent du côté du financement participatif en cours, dans l’espoir de pouvoir donner une nouvelle impulsion à leur œuvre qui a déjà commencé à faire ses preuves, puisque chaque mois la vente des micro-pousses rapporte jusqu’à 10000 euros permettant d’assurer ces emplois.

Il y a 150 ans, Paris était autosuffisante d’un point de vue alimentaire

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Aujourd’hui, avec l’impératif de penser un modèle agricole plus soutenable et indépendant des énergies fossiles, les convaincus de la première heure essayent de démontrer qu’il est possible de créer une agriculture ultra locale en harmonie avec les quartiers aux alentours. Contre vents et marées, ils développent une nouvelle économie qui pourrait permettre de faire face à un avenir incertain avec plus de sérénité.

Signe que les circuits économiques ont bien changé en l’espace de quelques décennies, il y 150 ans, la ceinture maraîchère de Paris suffisait à produire l’alimentation des habitants toute l’année. Cette économie a progressivement disparu au cours du 20ème siècle avec la standardisation des monocultures, la concurrence industrielle à bas prix et l’urbanisation qui a contraint les petits maraichers à quitter leurs terres. Outre avoir la vertu de nourrir la ville, cette économie permettait une gestion raisonnée des déchets, notamment en recyclant les déchets organiques (bien que, faute de moyens et de connaissances, ces détritus posaient des problèmes sanitaires à cette époque là). Aujourd’hui, l’autonomie de la ville de Paris ne dépasse pas quelques jours, alors que l’approvisionnement a un coût énergétique élevé. Et si la population de la ville a considérablement augmenté au cours du siècle dernier, il n’en reste pas mois que l’expérience montre qu’un autre modèle agricole est possible.

D’ailleurs de nombreux paysans qui essayent de redévelopper une agriculture sur petite surface et écologique s’inspirent désormais des techniques qui permettaient ces résultats impressionnants. Perrine et Charles Hervé-Gruyer, gérants de la Ferme du Bec Hellouin, n’hésitent pas à citer comme source d’inspiration un livre daté de 1845 dans lequel on retrouve la description de la ceinture maraichère de Paris, les rendements exceptionnels qu’on y observait et ce qui pourrait s’apparenter à ce que nous appelons aujourd’hui « micro-fermes ». La Paysan urbain ouvre, comme d’autres, une voie que peu osent encore emprunter.


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