Le 8 août dernier, Dorine, une habitante de Briançon à mobilité réduite, était victime d’une scène surréaliste au marché de la ville : alors qu’un des vendeurs bloque avec son véhicule le seul accès pour personnes en fauteuil roulant, les agents de la municipalité refusent d’intervenir pour lui permettre le passage. Révoltée par cette humiliation en public, elle a partagé sa mésaventure sur Facebook, suscitant de très nombreuses réactions.

Dorine, âgée de 45 ans, vit depuis deux ans à Briançon, où elle a déménagé pour soigner l’asthme dont souffre son fils de 13 ans qu’elle élève seule. Il y a un peu plus d’un an, on lui diagnostique le Syndrome d’Ehler-Danlos (type hypermobile), une maladie génétique orpheline qui affecte la production du collagène, une protéine notamment essentielle pour le bon fonctionnement des articulations. Très vite, le fauteuil roulant s’impose pour la très grande majorité de ses déplacements afin d’éviter entorses et luxations à répétition. Auparavant conseillère en insertion, Dorine est contrainte d’abandonner son travail de manière définitive. « C’est une de [mes] grandes blessures », nous confie-t-elle. Elle souhaite désormais la médiatiser sa dernière de sa mésaventure.

Une page Facebook pour partager sur les problématiques liées au handicap

Depuis un an, elle partage sur Facebook son quotidien en tant que personne se déplaçant en fauteuil roulant et elle fait part des nombreuses difficultés qu’elle rencontre au quotidien. À l’origine, cette page avait été créée pour organiser une cagnotte Leetchi pour qu’elle puisse acheter son fauteuil. « Puis je me suis mise à communiquer sur les problématiques de handicap et sur Briançon, une ville qui n’est pas du tout adaptée », se souvient-elle.

En effet, elle ne compte plus les lieux qui ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite et les places de stationnement réservées, mais occupées de manière illégale. Mais ce n’est pas ces seuls aspects qui la révolte, puisque depuis un an, elle attend sans succès un logement adapté : « J’ai fait une demande de logement social à laquelle je n’ai pas eu de réponse. Je vis au premier étage sans ascenseur, je suis obligé de laisser mon fauteuil en bas et de monter l’escalier », indique-t-elle avec amertume. « J’ai souvent le sentiment que ma situation suscite l’indifférence la plus totale », poursuit-elle.

Son témoignage brut :

« Je m’appelle Dorine, j’ai 45 ans, je suis SED en fauteuil roulant. Avec cette maladie génétique orpheline, y’a des jours avec et des jours sans (t’es paralysée avec des douleurs si fortes que même la morphine ne les soulage pas toujours sans parler du fait que tu te luxes, te subluxes et appartient au club SED très fermé des « plus belles entorses de l’univers »). Moi perso, les jours « avec » ne sont pas nombreux. Donc quand ils se présentent, j’en profite !

Mercredi 8 août, j’avais donc dans l’idée de faire un truc de fou : aller au marché ! (oui, je t’assure que ça peut vite devenir mon Himalaya à moi). La place de l’Europe de la Ville de Briançon est pleine et grouille de monde, les gens profitent du soleil au café, il fait beau, je suis ravie… tout serait merveilleux si… le seul accès handicapé n’était pas bloqué par le véhicule d’un vendeur… Je le lui fais remarquer et il me hurle dessus que c’est ainsi, que c’est la mairie qui l’a mis là et qu’il paie pour cette place. Sic. Devant les éclats de voix de cet homme, les gens s’arrêtent, me regardent, écoutent.

Il est aussitôt soutenu par son voisin fromager qui beugle encore plus fort « ils vont pas nous emmerder ces handicapés, ils viennent exprès les jours de marché pour nous faire chier ». (Ce que j’ignorais alors c’est que le même problème avait eu lieu la semaine précédente et quelques minutes avant avec une autre femme en fauteuil roulant).
Là, les mots me manquent (et je te prie de croire que ça ne m’arrive pas souvent !) et je retiens mes larmes pour ne pas rajouter du spectacle à l’humiliation publique que je suis en train de vivre.

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La scène est d’une telle violence, d’une telle haine, d’un tel mépris que des passants interviennent. L’un d’eux va même jusqu’à contacter la Police Nationale (qui ne viendra jamais), un autre la Police Municipale… sans penser un seul instant à la scène surréaliste de médiocrité que cela va générer.

Cela fait 30 minutes que je suis bloquée et la tension est palpable, quand deux ASVP se présentent. Moi, je suis toujours tétanisée et mutique. Les témoins expliquent ce qu’il vient de se passer aux agents de la police municipale. Bras croisés, l’un des agents hausse les épaules et répond « et alors ? ». Une dame interpelle cet ASVP « vous n’allez rien faire et ne pas verbaliser ? ». L’agent sourit et lui répond « bah non ».

À partir de ce moment, j’ai filmé cette scène révoltante. Devant son attitude, une autre femme l’interpelle et lui dit « vous êtes juste là pour vous promener ? » À nouveau, bras croisés, l’agent rétorque « woai!!! ». Ok, donc la commune de Briançon paie ses ASVP pour se promener… Un homme lui dit « donnez-moi votre numéro de matricule, Monsieur ». L’agent lui répond « je ne vous le donne pas » (…). L’homme, témoin, lui montre alors sa carte de gendarme, l’ASVP lui dit « vous me montrez votre carte, qu’est-ce que ça fait ? », l’homme lui répond « je suis gendarme monsieur, je suis assermenté ». L’agent ne se démonte pas « et bien ? et ben qu’est-ce que ça fait ? »

Devant ce pitoyable spectacle dont j’ai été l’actrice involontaire trop longtemps, j’ai alors préféré quitter les lieux sans mot dire. D’autres agents de polices municipaux m’ont aidée quand l’ambiance devenait explosive sans pour autant régler le problème.
Voilà comment sont gérés les droits des personnes handicapées à Ville de Briançon. À ce jour, je n’ai pas été contactée ni par l’agent ni par le Maire de la commune pour des excuses (entre temps, le maire a délivré des excuses). L’agent contractuel n’a pas été mis à pied, changé de service ni même sanctionné. Tout est normal pour la commune.

Monsieur le Maire de Briançon, ce matin du 8 Août, vous (par les ordres donnés à vos équipes) m’avez interdit ce qui fait la devise de la France : La LIBERTÉ de déambuler, et de me rendre ou bon me semble et L’ÉGALITÉ de faire ce que tout un chacun peut faire : aller simplement au marché et traverser la route. Seule la population m’a conservé sa FRATERNITÉ et je remercie du fond du cœur les nombreux témoins qui se sont manifestés et indignés sur place comme sur les réseaux sociaux (mais étrangement tous les posts ont été supprimés en moins d’une semaine). J’ai peine à imaginer, Monsieur le Maire, que cette scène vous semble si normale que vous ne réagissiez pas, que vous n’ayez à cœur de redonner à votre ville, à NOTRE ville, une meilleure image en réparant cette scène injuste, illégale et humiliante qui n’est pas arrivée qu’une fois visiblement.

Je suis une femme (à roulettes et à lunettes), je suis une citoyenne et je compte bien prouver qu’on ne peut plus impunément m’humilier et me discriminer car je suis handicapée en espérant ne pas me voir réagir (car des exemples de non respect de mon handicap par la municipalité, j’en ai à la pelle …. photo à l’appuie). »

https://www.facebook.com/domobilesed/photos/a.824610774353891/911571718991129/?type=3&permPage=1

« Je me suis sentie humiliée »

Pour Dorine, les faits du 8 août au marché de Briançon sont la goutte qui fait déborder le vase. Désormais, elle entend non seulement pousser la municipalité à agir concrètement, mais aussi défendre les autres personnes qui vivent dans la même situation qu’elle et « que l’on regarde de haut, comme si elles n’étaient rien ».

La municipalité, alertée le jour même, affirme avoir mis en garde l’agent concerné dès le lendemain des faits. Mais c’est seulement après que Dorine publie le 21 août son histoire sur Facebook (un post commenté plusieurs centaines de fois et partagé près de 2000 fois), que le maire, Gérard Fromm, lui écrit pour s’excuser et lui offrir par la même des fleurs… Contactée, la municipalité n’a pas souhaité réagir. « J’ai le sentiment qu’on se moque de moi », souffle Dorine dépitée, « pourtant je suis femme et citoyenne a part entière et je souhaite juste les mêmes droits que tous les autres citoyens ». Dorine a cependant réclamé aux internautes de « ne pas insulter, harceler ou cyber-harceler cet ASVP. »


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