Alors que divers scandales liés à l’industrie du textile éclatent régulièrement à travers le monde, encourageant les consommateurs à prendre leurs responsabilités, l’univers de la chaussure semblait échapper aux affaires. Le projet « Change Your Shoes » initié par 18 associations vient révéler à la face du monde les conditions parfois désastreuses de fabrication des chaussures industrielles.
Change Your Shoes , littéralement « changez vos chaussures » est une initiative internationale regroupant une vingtaine d’organisations européennes, 3 asiatiques et également une vingtaine de particuliers soucieux de s’investir dans une cause noble. Cette campagne s’inscrit dans le cadre de « l’année européenne pour le développement 2015 », brandissant le slogan solennel « notre monde, notre dignité, et notre futur ». Ils réclament éthique, durabilité, et transparence dans la chaine de conception des souliers bien au delà du cadre de l’Union Européenne.
L’action de Change Your Shoes repose dont sur le renseignement et l’information des consommateurs, sans qui l’industrie de la chaussure ne serait rien. L’association s’efforce de rendre conscients et responsables chaque acheteur potentiel pour en faire des consomm’acteurs. De fait, la sensibilisation repose sur 3 axes : les conditions dans lesquelles ont été réalisées les chaussures, l’utilisation de chrome (produit cancérigène sous certaines circonstances) dans le traitement du cuir, et la potentielle dangerosité de vos chaussures.
Clip 1
Si l’Italie concentre tous les ateliers de cordonnerie luxueuse, 87% des millions de paires de chaussures vendues chaque année proviennent d’Asie. La Chine est en effet le premier producteur mondial, puisque près de deux tiers des souliers y ont été conçus. 40% des chaussures en cuir sont également de facture chinoise. Ces statistiques en apparence flatteuses à l’égard de l’industrie chinoise, ne repose pas sur un savoir faire ancestral en matière de cordonnerie mais sur l’absence d’un code de travail digne des Droits Humains élémentaires.
D’une part, le salaire minimum en Chine diffère selon les régions, au sein des Zhejian, Guangdong, Jiangsu et Shandong, territoires concentrant les industries du textile, il oscille entre 150 et 200€ par mois. Cependant, le salaire minimum chinois ne représente que la moitié de la somme nécessaire à une existence décente (il en constitue un cinquième au Bangladesh). D’autre part, les entreprises se défont des taxes et des charges en engageant des travailleurs à domicile. De fait, la majorité des travailleurs dans le domaine sont généralement des femmes s’occupant de leur famille ou accomplissant des tâches agricoles en même temps. Elles sont en mesure d’assembler 10 à 15 paires de chaussures par jour, et dégagent un faible revenu. Par ailleurs, ce mode de production à domicile encourage le travail infantile : témoins du surmenage de leurs parents, les enfants apportent parfois leur contribution.
80 à 90% du cuir est tanné à l’aide du chrome III, bien moins cher que le tannage végétal reposant sur les cendres de bois. Cependant, si la transformation de la peau en cuir n’est pas sous contrôle, le chrome III peut finir par s’oxyder en chrome VI, substance hautement cancérigène, et polluante. Les ouvriers sont donc les premiers exposés à ces métaux néfastes pour la santé. Ils risquent des troubles intestinaux jusqu’à des cancers des poumons. Au vu des conditions difficiles de travail en Asie orientale (qui tendent cependant à s’améliorer), il est évident que toutes les précautions ne sont pas prises face à ce fléau. Le chrome reste ainsi présent dans toutes les chaussures issus du cuir traité. Il s’agit d’un matériau hautement allergène, entraînant chez les individus sensibles des éruptions cutanées. L’État est d’ailleurs conscient des dangers que représentent cet élément, puisque des mesures ont été prises afin de retirer du marché certains de ces souliers pour nouveaux nés. Néanmoins, ces interdictions sont des cas isolés, étant donné que l’immense majorité des chaussures en cuir chromés circulent librement.
Clip 2
Ainsi, sur la page d’information de Change Your Shoes, les scandales de l’industrie de la chaussure défilent : « effondrement d’une usine à Zhejiang , 12 morts » pouvait-on lire dernièrement. Leur campagne s’axe par une série de clip mettant en scène des citoyens lambda et des travailleurs asiatiques liés par un même lacet. Une minute suffit alors à faire éclater les distances illusoires qui séparent le consommateur du producteur. En s’adressant à la sensibilité de chacun, Change Your Shoes nous invite à nous renseigner davantage quant à la chaîne de production de nos chaussures. Le projet souhaite à terme obliger les firmes transnationales du textile à adopter une transparence totale dans leurs méthodes de fabrication et donc améliorer concrètement la vie des travailleurs.
L’opération de Change Your Shoes ne se limite cependant pas à de la conscientisation citoyenne. Le groupe souhaite faire pression sur les organisations européennes pour que celles-ci prennent des décisions fortes afin de changer la situation légalement. Pour se faire, une marche virtuelle a été organisée à travers une application mobile qui enregistre vos pas. Objectif, atteindre 59 millions de « pas » à travers l’Europe et démontrer qu’une mobilisation citoyenne existe sur cette question. Un plan de transparence et d’action sera présenté, à l’issue de l’action, aux décideurs européens. Télécharger l’application mobile.
Sources : changeyourshoes-bg.org / memoireonline.com / lexpress.fr / articlesanatole.wordpress.com / carexcanada.ca