Après une enquête publique sur la zone d’aménagement du Triangle de Gonesse menée entre janvier et février dernier, le commissaire-enquêteur vient de relancer le projet en remettant au préfet du Val d’Oise un rapport exprimant un avis favorable. Celui-ci avait été mis à l’arrêt par le tribunal de Cergy-Pontoise en mars dernier. La justice avait en effet annulé l’arrêté préfectoral autorisant l’urbanisation des terres fertiles du triangle de Gonesse. Un coup dur pour les opposants dont la détermination ne faiblit pas pour autant.
C’était une décision attendue parmi les opposants et les soutiens d’EuropaCity, vaste complexe de loisir et commercial intégré à un projet encore plus gigantesque de bétonisation de près de 300 hectares de terres fertiles. À la suite de l’enquête publique de ce début d’année, le commissaire-enquêteur Bruno Ferrry-Wilczemet met un terme en suspens en donnant un avis favorable à la zone d’aménagement concertée. Les espoirs des militants ne sont pas brisés pour autant, puisqu’il ne s’agit que d’un avis consultatif. Néanmoins, les soutiens du projet, notamment la mairie de Gonesse, de nombreuses municipalités locales et les promoteurs immobiliers, trouvent un nouveau souffle après plusieurs déconvenues. Il appartient désormais au préfet du Val-d’Oise de s’exprimer à propos de l’utilité publique de cet ensemble.
EuropaCity fait son bout de chemin
La ZAC du triangle des Gonesse est un méga-projet urbain porté par le groupe Auchan qui concerne 299 hectares de terres et qui doit s’étendre entre Paris et l’Aéroprt Roissy-Charles-de-Gaulle. Son aménagement doit permettre d’accueillir de nombreuses entreprises ainsi que le parc de loisir EuropaCity qui comprendra également des infrastructures culturelles ainsi que des commerces.
Pendant les douze derniers mois, le méga-projet avait pourtant subi deux revers. Il y a un an, une enquête publique concernant EuropaCity (80 hectares) seul s’était soldée par un avis défavorable, conduisant les promoteurs à revoir le projet. Il avait été estimé que le dessein était peu compatible avec les objectifs de développement durable. L’avis étant seulement consultatif, les démarches avaient toutefois étaient entreprises pour voter un plan local d’urbanisme puis une ZAC concernant un espace bien plus important que Europacity.
En mars dernier, les plans de construction subissaient cependant un nouveau coût d’arrêt avec l’annulation de l’autorisation de création de la zone d’aménagement concertée (ZAC). Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise estimait alors que l’étude d’impact qui avait été présentée était insuffisante. Les juges avaient notamment pointé des manquements en ce qui concerne la manière dont les besoins énergétiques des futures infrastructures allaient être couverts et relevaient que l’incidence environnementale du projet n’avait pas été suffisamment étudiée.
Un projet à contre-sens
Europacity et la zone d’aménagement qui l’entoure cristallisent les oppositions citoyennes, tout comme l’aéroport Notre-Dame-Des-Landes. Les voix militantes, portées notamment par le Collectif pour le Triangle de Gonesse, dénoncent l’esprit général du projet. Il s’inscrit en effet dans une nécessité effrénée de croissance et fait écho aux autres méga-projets commerciaux qui fleurissent aux quatre coins de l’Europe (aéroports, centre commerciaux, lignes grandes vitesse…) en réponse à l’injonction de créer de la compétitivité entre les territoires. À l’heure de la crise écologique et climatique globale, Europacity symbolise cet aveuglement idéologique dans une soif de développement commercial sans limite portée par des intérêts strictement économiques : toujours plus loin, toujours plus grand. Alors, les promoteurs semblent jouer la carte de l’éco-blanchiment.
Les images de synthèse présentées au public font miroiter de vastes espaces dans lesquels la nature se confondrait avec les nouveaux immeubles et où les visiteurs (touristes, consommateurs, travailleurs), pourraient passer des moments de sérénité entre musées, lacs et zones commerciales. Si ces images seules laissent entrevoir la folie des grandeurs qui animent ce projet, c’est aussi le paradoxe d’un tel ensemble érigé sur de rares terres fertiles qui marque les observateurs. Pour cause, si le projet devait voir le jour, de nombreux agriculteurs seraient expropriés de plusieurs centaines hectares de terres au total, en dépit de la nécessité de remettre les paysans au centre du développement de notre société et de protéger les terres de l’artificialisation des sols. Il n’est donc pas improbable que le projet donne naissance à une nouvelle ZAD (Zone à Défendre) où agriculteurs et militants s’allieraient une fois encore contre un grand projet jugé inutile.
Quid des promesses économiques, notamment celle de la création de plusieurs milliers d’emplois ? L’argument peine à convaincre l’opposition, alors que la délocalisation progressive des commerces des centres vers l’extérieur des villes conduit surtout à une dévitalisation des villes de taille moyenne et à une perte des emplois. En effet, les grandes enseignes et autres multinationales ayant les moyens d’acheter des parts dans le projet usent le plus souvent de techniques managériales permettant d’employer moins de personnes pour un même service. En réalité, les méga-projets profitent le plus souvent à une petite minorité d’investisseurs immobiliers et à une poignée de grandes chaînes commerciales qui brillent rarement par leur engagement écologique. Le bras de fer continue.
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