Avant le début de la crise du coronavirus, nous avons interviewé Arthur Keller, spécialiste des limites et vulnérabilités des sociétés humaines et des stratégies de résilience collective. Il nous a partagé sa vision éclairée des risques d’effondrement de nos sociétés mais aussi des solutions qu’il est, dès aujourd’hui, possible de mettre en place. Après nous avoir exposé la profonde défaillance du système en place – qui, tel un château de cartes, paraît sensible aux plus infimes disruptions – il a aujourd’hui décidé de nous livrer une analyse complémentaire de la situation, contextualisant son approche et proposant des solutions substantielles. Il démontre ainsi une fois de plus la nécessité de profondes remises en question de nos sociétés et de ce qui les domine. La poursuite inlassable du profit immédiat, la mondialisation, mais aussi et avant tout, le rapport d’entretient l’Homme avec le reste des êtres vivants…
Cette crise n’est pas une crise sanitaire. Ça, c’est juste le premier symptôme. Ce n’est rien de moins qu’une crise de notre modèle de civilisation. Pour commencer, rappelons-nous que la cause primaire derrière cette épidémie, c’est le rapport nocif, et même psychopathologique, que l’Homme entretient vis-à-vis de « la nature ». En l’occurrence, spécifiquement les animaux. Ceux-ci sont les premières victimes, des victimes par milliards de l’exploitation tyrannique et désormais industrialisée du vivant, et n’ont pas de voix pour les représenter hormis quelques activistes volontiers raillés voire condamnés par cette société. À la base de l’apparition du virus, il y a ce marché d’animaux vivants de Huanan (à Wuhan) où l’on met en cage, maltraite et met à mort des milliers d’animaux chaque jour, dont des chiens, des chats, et beaucoup d’animaux sauvages (renards, tortues, chauve-souris…) y compris des espèces protégées (pangolins braconnés alors que l’espèce est en danger critique d’extinction, tigres, rhinocéros, etc.). Ce n’est pas nouveau : en 2002 déjà, c’est d’un marché comparable à Guangzhou qu’était sorti le précédent SRAS.
Dans ces lieux abjects, des animaux sauvages sont entassés dans des cages où ils peuvent à peine bouger, les animaux dans les cages du bas reçoivent les déjections des animaux situés au-dessus ; ces pauvres bêtes ont été capturées dans leur milieu naturel puis affamées et maltraitées, et se retrouvent égorgées ou dépecées vivantes, parfois brûlées ou ébouillantées vives sous les yeux de leurs congénères. Comment peut-on en être arrivé à un tel degré de déconnexion pour tolérer ce genre de choses, pour laisser faire en considérant que ce n’est pas une cause justifiant une mobilisation ? Ces marchés mettent en lumière la déliquescence psychologique et morale qui règne dans cette civilisation. Notre surdité au long cri de la nature promet d’être notre défectuosité fatidique. Car c’est bien cet injustifiable désamour de la nature qui explique la plupart des dérèglements du système Terre qui nous mettent aujourd’hui en danger. Cette obstination de l’Homme à vouloir faire sécession du reste du vivant, si elle n’est pas corrigée rapidement, scellera notre sort collectivement. Si l’être humain n’entreprend pas de renouer le lien naturel et affectif avec le vivant non humain, il sciera jusqu’au bout la branche de l’arbre phylogénétique au bout de laquelle il est apparu. Il faut d’ailleurs étendre la problématique à toutes les logiques de domination vis-à-vis de tous les « vulnérables », qu’il s’agisse des femmes, des étrangers, des gens « différents », etc. Il faut affirmer fort notre volonté de mobiliser tous nos savoir-faire pour inspirer, promouvoir et valoriser, tout le temps et en toute chose, les comportements constructifs et de bienveillance et pour refuser les comportements individualistes et « bourrins ».
L’hécatombe de la quête incessante du profit immédiat
Au-delà de la cause derrière l’éruption du virus, qui a donc à voir avec notre désintérêt pour l’écologie, notre anthropocentrisme et notre lacune d’empathie en tant que construit culturel, quelle est la raison pour laquelle cette épidémie entraîne une crise sanitaire et humanitaire majeure ? C’est notre impréparation, elle-même symptôme d’une culture enlisée dans des visions puérilement utopiques de l’avenir où il est jugé normal de n’envisager l’avenir qu’à partir des éléments qui nous font envie, sans prise en compte des risques majeurs, et où il est même devenu usuel de mépriser et de se payer la tête des éclaireurs qui attirent l’attention sur ces risques. Résultat : le système hospitalier est totalement incapable de faire face à une situation exceptionnelle. Pourtant il y avait eu maints avertissements, des experts ont alerté et proposé la mise en place de dispositifs permettant de mieux gérer une éventuelle épidémie… Mais ça n’a jamais été pris en compte. Le cygne noir est toujours considéré par les instances décisionnaires comme trop improbable pour être pris au sérieux : cela revient à refuser de mettre des canots de sauvetage sur un bateau de croisière sous prétexte que le naufrage est statistiquement peu probable. C’est de l’obscurantisme, et de la part des « responsables » c’est de l’incompétence caractérisée.
Le pic de la crise sanitaire n’est pas encore passé, loin s’en faut, le plus rude reste à venir. Or notre système de santé n’est pas armé pour faire face. Pour trois raisons principales :
- 1. On n’a pas anticipé et mis en place les dispositifs, personnels, équipements et stocks de fournitures et produits nécessaires : on n’a pas assez de masques, pas assez de respirateurs, pas assez de lits, bientôt pas assez d’oxygène : c’est objectivement calamiteux, et je souris jaune à chaque fois que j’entends quelqu’un s’extasier sur « l’excellence » du système de soins français.
- 2. On est dépendant pour notre survie de chaînes d’approvisionnement en provenance d’Asie pour la plupart. Et ça, ça fait longtemps que je fais partie de ceux qui alertent sur les vulnérabilités induites par ces schémas de dépendance mondialisée totalement irresponsables.
- 3. Le système était dans une situation de tension intenable avant l’arrivée de ce SRAS en raison de décennies accumulées de mépris total pour les services publics les plus essentiels. Le corps médical était déjà en crise bien avant l’arrivée du virus, avec des gens exténués qui, aujourd’hui, sont en première ligne et reçoivent des charges virales extrêmes en raison de l’absence de protections adaptées. Conséquence : le personnel hospitalier est déjà éreinté alors qu’il n’a fait que les 5 premiers kilomètres d’un marathon…
Voilà où on en est. Et les conséquences sanitaires et humanitaires de tout cela vont être tragiques, c’est écrit. Cette situation met en lumière une forme d’irresponsabilité culturelle, systémique. Notre société est organisée dans un seul but (pour schématiser à l’extrême) : l’optimisation financière et la maximisation des profits à court terme. Ainsi, tout ce qui est insuffisamment profitable – comme les services publics, l’éducation, la santé – est graduellement sapé, les flux tendus sont privilégiés et les stocks limités au maximum… ce qui induit des vulnérabilités grandissantes, notamment vis-à-vis de possibles discontinuités de chaînes logistiques. Un tel système présente une efficience maximale tant que tout va bien en situation d’abondance… mais n’est pas solide face à des ruptures de ravitaillement, est inapte à gérer efficacement du gravillon dans les rouages. L’optimisation à court terme entraîne un déficit de résilience à plus long terme que seules les crises révèlent, c’est-à-dire qu’on réalise le problème quand il est déjà trop tard. C’est exactement pareil dans le monde de la finance : à l’exception de quelques visionnaires qu’on n’écoute pas, on ne voit pas arriver les krachs. Notre société est devenue inapte à intégrer les risques qui ne portent pas sur les intérêts à court terme des grands actionnaires.
Des sociétés individualistes et donc vulnérables : quid de nos valeurs humaines ?
À la question des intérêts financiers, on peut rajouter une superficialisation tragique des référentiels de valeurs de certaines sociétés modernes, dont la société française. Soulignons par exemple le délitement de la citoyenneté et du civisme : la plupart des gens ne se sentent plus responsabilisés dans la vie du collectif et s’enferment dans des individualismes qui peuvent conduire à des attitudes antisociales. Ils se gargarisent de triomphalismes faciles et cèdent à la superficialité qu’on leur vend sur toutes les ondes ; ils se complaisent dans une posture d’indifférence à tout qui est une dégénérescence culturelle lourde d’implications.
En somme, en n’anticipant pas on se vulnérabilise sans le savoir, et on accroît la gravité des crises ; par la suite, l’impréparation face à ces crises génère de la panique et du chaos ; un contexte dans lequel émergent des comportements individualistes plutôt que des dynamiques d’entraide ; et le fait de ne pas travailler ensemble favorise les replis, on cultive la méfiance plutôt que la confiance et les rapports de force et de domination prennent le pas sur la solidarité et le respect mutuel entre personnes ; on reste alors dans le paradigme de la rivalité à la mode néolibérale, ce qui entraîne des conflits au lieu de permettre la co-construction d’un avenir souhaitable pour le plus grand nombre. Cette spirale augmente le risque de violence et de barbarie. Voilà où nous mène notre tendance à ne pas nous préparer collectivement à des crises systémiques devenues probables. Et ceux qui prétendent que révéler les risques graves auxquels on s’expose quand on dépasse certaines limites physiques est synonyme de dérive liberticide sont prisonniers d’un dogme simpliste : c’est ne pas respecter ces limites qui conduit irrémédiablement les sociétés dans des situations tragiques et oppressives pour une proportion toujours plus grande des gens.
Nous vivons une sorte de déliquescence culturelle. Les inégalités, clivages idéologiques et divergences d’imaginaires ont atteint une telle intensité, la souffrance et la frustration sociales ont atteint de tels sommets que le tissu de notre société se déchire dans tous les sens. Ce déchirement n’est pas une fatalité absolue, s’il advient c’est parce que la France a échoué à installer les conditions du dialogue et de l’écoute plutôt que de la querelle facile, du respect plutôt que de l’hostilité, de la réflexion plutôt que de la pulsion, de l’ouverture plutôt que de l’obscurantisme, de l’éducation plutôt que du divertissement crétinisant, de la citoyenneté plutôt que du chacun-pour-soi, de la culture de l’intérêt général plutôt que de la culture de la concurrence, de l’amour pour le reste du vivant plutôt que du mépris pour la nature… L’instabilité grandissante de notre société tient au fait que nous avons échoué – les uns par avidité, calcul et inconscience ; les autres par désintérêt, myopie et négligence – à créer un socle culturel commun basé sur des valeurs décentes. Et cela est dû à deux choses : primo, au fait que depuis des générations les dirigeants, les gouvernements, les puissants de la finance et de l’économie et autres médiocrates nous prennent pour des guignols et disloquent impunément – et de manière de plus en plus décomplexée, avec l’aide des grands médias – les fondamentaux démocratiques à coups de décisions prises sur l’autel du dieu Business dans une optique de maximisation des gains financiers à court terme ; secundo, au fait que les gens sont désespérément incurieux et nonchalants et se complaisent dans des postures – des replis, des haines, des caricatures, des croyances, des théories douteuses, des mysticismes, des communautarismes, des sectarismes et un fétichisme malsain pour les rumeurs sensationnalistes et les conspirationnismes – et dans un individualisme consommatoire plutôt que de chercher à améliorer le monde. À ce stade ce n’est plus une déchéance culturelle, c’est une agonie. Si l’on rajoute à cela la montée en puissance des haines d’extrême droite qui crée les conditions de l’inhumanité et nous prépare un monde invivable, on peut décemment craindre que se profilent à l’horizon de nouvelles heures sombres de l’Histoire.
Quelles stratégies mettre en place pour s’en tirer au mieux ?
Heureusement, l’aptitude collective à la solidarité peut se façonner culturellement. Quand des bandes de petites frappes pillent une supérette ou embusquent des camions de produits frais, il nous faut plus que jamais réagir en manifestant sans détour notre volonté de vivre dans une société de fraternité – et quelle tristesse d’avoir à rappeler que cette valeur fondatrice de la République française doit être défendue et réaffirmée. C’est un préalable absolu à la démocratie, et si aujourd’hui nous ne vivons plus en démocratie c’est surtout parce qu’on a lâchement cessé de faire les efforts qu’exige la préservation d’une culture de fraternité. Il est temps de se mobiliser pour écrire ensemble le prochain chapitre de l’Histoire du monde, et le récit au centre de ce chapitre c’est celui d’un vrai grand projet collectif, porté politiquement, visant à repenser intégralement le vivre-ensemble et à affirmer par les actes des valeurs fortes de liberté collective, d’égalité et d’équité, de fraternité et de solidarité, de responsabilité et de résilience, de diversité et de sagesse. C’est un basculement paradigmatique, rien de moins, mais il est vital et il n’y a qu’une certitude : ça n’adviendra que si l’on y travaille de façon proactive et déterminée. Cette crise est l’occasion de montrer qu’il est possible d’instaurer une culture mature de la solidarité, que nous valons mieux que les caricatures « hobbesiennes » auxquelles les imbéciles, les ultralibéraux, les libertariens et les néofascistes veulent réduire tout le monde.
Pour l’instant il faut respecter le confinement, mais cela ne doit pas nous empêcher d’imaginer des dispositifs d’entraide à l’égard des travailleurs des secteurs les plus critiques : les routiers, le personnel hospitalier, les petits producteurs d’alimentation ou d’énergie, les petits commerces, les employés des services essentiels… Et il va falloir les aider au-delà du confinement, car ce seront surtout eux qui auront du mal à se remettre de cette onde de choc, or on a absolument besoin d’eux pour l’avenir. Nous fonçons tête baissée vers une dépression économique et sociale, et faute de nous y être préparés avec clairvoyance nous allons devoir naviguer à vue dans une descente énergétique et matérielle tempétueuse. À nous de faire en sorte qu’au-delà de la calamité que cette crise va être pour nombre de foyers et d’employeurs, elle soit aussi l’opportunité d’une réaction de bon sens, l’électrochoc qui stimule une métamorphose culturelle de nos sociétés vers davantage de dignité et de résilience, c’est-à-dire notamment d’indépendance en matière de production de biens et services essentiels et de capacités d’anticipation de crises futures. Ça ne se fera pas tout seul : la responsabilité de ce sursaut nous appartient, à nous citoyens. Même si nous ne sommes pas directement coupables du contexte de vulnérabilité actuel, c’est à nous de nous mobiliser pour préparer dès à présent un grand sursaut au sortir du confinement. Afin que les syndicats puis les entreprises puis les médias puis l’État puis le monde financier n’aient pas d’autre choix que de suivre le mouvement impulsé avec vigueur et ténacité.
Après cette crise, nous allons avoir droit au sempiternel couplet sur l’impératif de sauvetage des institutions financières, aux dépens des simples citoyens bien entendu ; il faudra le refuser, comme ont su le faire les Islandais, nationaliser les banques et prendre les mesures qui s’imposent pour stopper les dérives spéculatives ; il faudra se mobiliser pour que des services publics de qualité soient garantis et protégés des logiques de marché en tant que Communs, de même que l’accès aux ressources de base ; il faudra imposer une relocalisation de tout ce qui peut l’être en matière de production de biens et de services essentiels, en construisant une solidarité interterritoriale ; il faudra entrer en résistance contre les grands projets inutiles, l’exploitation industrialisée du vivant, les accords de libre-échange, les lobbys et la duplicité des élites, contre la sacralisation aveugle et l’emprise toxique de l’innovation technologique, contre la financiarisation de tout y compris de la Nature, contre l’hyperdépendance au pétrole et à des chaînes d’approvisionnement nous rendant tributaires d’industries installées dans des contrées éloignées qu’elles pillent ; il faudra sanctionner les dirigeants pour leur criminelle inaptitude à l’anticipation ; il faudra démontrer que d’autres manières de vivre, au service de la qualité de vie pour tous et non de la quantité d’argent pour quelques-uns, sont possibles et permettent plus de liens, plus de bien-être et plus de résilience à la fois, tout en éloignant le spectre de la barbarie.
C’est possible ! Mais cela requiert bien entendu un sursaut de grande magnitude, et cela se prépare. Cela se prépare dès aujourd’hui, chacun chez soi en lien avec les autres via les réseaux de communication. Chacun doit se demander comment jouer un rôle dans le changement et/ou un rôle au sein de sa collectivité, pas juste comment s’en sortir individuellement. Chacun doit rejoindre ou créer un réseau de discussion et d’entraide pour préparer la suite : lancer partout des projets démontrant d’autres manières de vivre et engager des actions fortes de résistance contre un monde fou qui nous met tous en danger et montre enfin au grand jour son vrai visage, son intrinsèque vulnérabilité. Et puis j’invite chacun à en profiter aussi pour réfléchir à la manière dont on se comporte vis-à-vis des êtres vivants non humains : la faune sauvage est-elle juste une ressource ? Avons-nous le droit de nous servir dans la nature comme on veut ? Est-il possible de persister à revendiquer l’indifférence comme une posture acceptable face aux effroyables souffrances infligées et aux catastrophes écologiques provoquées ? La possibilité pour une personne de générer un profit justifie-t-elle la capture, le martyre et la mort de milliers d’êtres sensibles ? Cette crise est le meilleur moment pour reposer ce type de questions culturelles et philosophiques, il ne faut pas que nos réactions soient strictement techniques, la crise est systémique et les réponses ne seront susceptibles de changer la donne pour le meilleur que si elles sont elles-mêmes systémiques, ce qui inclut une introspection et une remise à plat culturelle.
La culture actuelle pousse à considérer la commisération comme une faiblesse… pourtant elle est une force : la vraie grandeur s’exprime précisément quand on aide le plus vulnérable que soi au lieu de l’écraser. L’inaptitude à la limite et l’obsession pour les voluptés égoïstes constituent des faiblesses et des médiocrités, alors que la respectabilité provient de la disposition à ne pas faire quelque chose qu’on peut faire quand cette chose n’est pas la bonne chose à faire. La société dans laquelle nous vivons fabrique des déficients affectifs à la chaîne, des atrophiés de l’empathie, des quasi-psychopathes capables d’un détachement terrifiant ; la sacralisation de l’humain et l’absence de compassion pour les autres formes de vie sont des pathologies graves.
C’est pourquoi nous réinventer culturellement est notre seule chance : une Résistance créative doit jaillir, une résilience collaborative et une bascule audacieuse de nos inconscients collectifs. Fabriquons des canots de sauvetage tant qu’on le peut encore, relions-les entre eux pour former une flotte d’envergure suffisante pour pouvoir accueillir dans la dignité les passagers de ce grand navire qui prend l’eau de toute part et pour pouvoir gérer les violences et les autoritarismes en leur opposant une autre vision, un autre récit, un autre projet apte à inspirer le plus grand nombre. Le moment de la révolution des imaginaires et des actes est arrivé, saisissons-le vaillamment.
Arthur Keller