D’année en année, l’urbanisation ne cesse de gagner du terrain sur la nature. À mesure que les êtres humains s’entassent dans les grandes agglomérations, les espaces pour la biodiversité se réduisent. Retour sur un phénomène ancien et de plus en plus inquiétant.
Depuis le néolithique, avec le développement de l’agriculture et de la sédentarisation, les êtres humains se sont regroupés autour de pôles urbains. Le phénomène s’est ensuite accentué, en particulier avec l’avènement de l’ère industrielle, menaçant la planète et mettant en péril la survie de diverses espèces.
Un processus ancien et long
Lorsque les êtres humains ont mis en place le système agricole, ils ont rapidement renoncé au mode de vie nomade pour se regrouper autour de pôles de plus en plus importants, d’abord au Moyen-Orient, puis dans la reste du monde.
Au fur et à mesure du temps, les villes sont progressivement devenues des centres économiques, culturels, intellectuels ou religieux. Avec les progrès de la science, de la médecine et de la technique, ces mêmes villes ont grossi de plus en plus dans la lignée de l’industrialisation de la planète, de la mondialisation et de l’explosion démographique.
Les campagnes désertées et grignotées
Au milieu du XIXe siècle, la France est encore un pays rural, avec les deux tiers de sa population qui vit toujours de la terre. Au cours du XXe, la logique est à la reconstruction et la reconversion de l’industrie de guerre. Le grand remembrement fusionne les parcelles pour accueillir les machines, détruit les haies et les bocages. Les agriculteurs sont alors incités à rejoindre les usines.
Aussi attirés par des emplois moins pénibles et par des activités plus divertissantes, des millions de gens quittent leurs campagnes pour les grandes villes, participant ainsi directement à leur croissance.
Un exode rural puissant
Ainsi, si en 1850, 75 % des Français vivaient en milieu rural, le chiffre n’a cessé de s’effondrer d’année en année. Dans les années 1920, les courbes ont fini par se croiser et les citadins ont dépassé les habitants de la campagne. Aujourd’hui, ce sont finalement près de 82 % des individus du pays qui demeurent en ville.
Dans le monde, le phénomène est plus lent, mais non moins inexorable, puisque 56 % des êtres humains résident déjà en zone urbaine. D’ici 2050, si rien n’est fait, ce chiffre devrait atteindre les 70 % selon les spécialistes du sujet.
Manque des mains d’œuvre paysanne
De fait, en France, depuis les années 1970, nous sommes passés de 1,5 million d’agriculteurs à moins de 500 000. Pire, d’ici dix ans, la moitié de ce contingent sera parti à la retraite. Et la profession peine à attirer tant son exercice peut-être difficile.
Un constat inquiétant lorsque l’on sait que le monde agricole restera toujours indispensable puisqu’il permet d’alimenter la population. On pourrait même craindre que nos fermes subissent un sort identique à celui de l’industrie, massivement délocalisée vers des pays plus pauvres.
Dans cette hypothèse, notre nourriture serait donc en grande partie produite à l’étranger. Un désastre environnemental, mais aussi pour notre indépendance.
Des zones sinistrées
Et si la situation des paysans est compliquée, ce n’est pas seulement dû à leurs métiers, mais aussi à cause des conditions de vie en milieu rural. La faible démographie et la logique capitaliste ont en effet rapidement mené à la destruction des services publics dans ces zones.
Avec une méthode commerçante, les gouvernements libéraux successifs ont donc petit à petit estimé que les services publics devaient être rentables et n’avaient pas lieu d’exister sur des territoires peu peuplés. En conséquence, avec ce raisonnement, les écoles, les médecins, les hôpitaux, mais également les administrations se font de plus en plus rares à ces endroits.
Et pour couronner le tout, ces décisions de l’État enclenchent un cercle vicieux puisqu’elles ont pour résultats d’accélérer toujours plus l’exode rural. De moins en moins d’habitants ont ainsi le souhait de rester aussi éloignés d’autant de services essentiels que ce soit pour leur santé ou l’éducation de leurs enfants.
Et par un effet domino, les activités privées déclinent également. Que ce soit les commerçants ou d’autres structures associatives ou culturelles, peu d’entre eux ont envie de prendre le risque de s’installer dans des zones qui ne seraient pas rentables et qui ne leur fourniraient pas des conditions idéales de vie. La qualité des emplois, moins qualifiés, s’en trouve d’ailleurs elle aussi affectée.
Le monstre urbain dévore tout
De l’autre côté, les villes grossissent de jour en jour et les gens sont obligés de s’entasser dans des habitats de plus en plus réduits pour des coûts toujours plus élevés. Un processus qui déconnecte les individus de la nature et qui a tendance à rendre indifférent à sa protection.
Et au-delà de ce drame humain, le désastre écologique provoqué par l’urbanisation à tout va est plus que certain. Le premier d’entre eux reste sans aucun doute l’artificialisation des sols due aux constructions de bâtiments, routes et diverses infrastructures utilisées par les agglomérations.
Ainsi, 5 millions d’hectares du pays sont aujourd’hui artificialisés, ce qui représente tout de même 9 % de la surface de la France. Un chiffre qui a largement bondi ces dernières années puisqu’il n’était que de 3 millions en 1981. Une croissance de presque 70 %, nettement supérieure à celle de la population (19 %). Dans le monde, entre 2000 et 2030, l’humanité aura perdu entre 1,6 et 3,3 millions d’hectares cultivables chaque année selon les projections.
La difficulté de s’approvisionner
Une telle concentration humaine au même endroit va de plus créer des problèmes d’approvisionnement en nourriture, qui ne pourra pas être fabriquée sur place, tout comme l’eau qui devra être acheminée de plus en plus loin.
Deux enjeux qui pourraient entraîner des troubles de santé publique, d’autant plus que cette forte population va aussi générer plus de pollution, notamment via la production d’eaux usées, mais également de transport et d’émissions de particules fines. Les pollutions sonores et lumineuses sont de même deux facteurs liés à l’urbanisation et qui peuvent nuire à la santé des êtres humains comme à la biodiversité.
Le climat lui aussi affecté
L’étalement urbain représente également une bombe climatique. Que ce soit la fabrication des matériaux (béton, verre, infrastructures métalliques), le développement du réseau de transports, la destruction des végétaux ou encore l’imperméabilisation des sols, tous sont autant de source du dérèglement climatique.
Pour couronner le tout, les agglomérations sont particulièrement mal adaptées aux effets de cette catastrophe puisque l’artificialisation des sols et l’aménagement des villes tel qu’il est pensé actuellement ont tendance à faire grimper la température, en particulier en cas de canicule.
La biodiversité frappée de plein fouet
Mais la conséquence la plus grave de l’expansion urbaine réside dans la chute de la biodiversité. En effet, accaparer les espaces avec des constructions ou du béton détruit inévitablement l’habitat de nombreuses espèces.
En éradiquant des zones naturelles, l’urbanisation empêche le déplacement, la reproduction et même l’alimentation de la faune et la flore. On peut par exemple penser aux insectes pollinisateurs, déjà bien touchés par les pesticides, qui se retrouvent privés de plantes essentielles à leurs existences.
Les multiples pollutions (de l’eau, des sols, mais aussi sonores et lumineuses) ont bien évidemment aussi un impact sur la vie de milliers d’animaux qui voient leur développement largement entamé. Au bout du compte, l’être humain, qui appartient lui-même à la biodiversité, rappelons-le, finit également par être frappé par ses propres agissements avec les désastres qu’il engendre : dérèglement climatique, inondation, pertes des récoltes, pollution, maladies, etc.
Vers un retour aux sources ?
Devant ce phénomène catastrophique que représente l’urbanisation galopante, des individus ont décidé de ne pas y voir une fatalité. Même si le processus est bien engagé, de plus en plus de personnes tentent d’enrayer la situation en revenant à la terre.
Si certains choisissent même d’exercer le métier d’agriculteur (ce qui pourrait être une partie de la solution à la maigreur des effectifs actuels), d’autres ont tout simplement souhaité renouer avec la nature, dans un environnement plus connecté au vivant, notamment suite au confinement dû à l’épisode du Covid-19. Pour autant, bien que ce processus puisse permettre de revitaliser les campagnes, il sera tout de même nécessaire de repenser notre manière d’occuper l’espace.
En effet, commettre les mêmes erreurs en milieu urbain que dans les zones rurales (destructions des terres fertiles, déforestation, bétonisation…) ne ferait qu’accentuer le problème. De ce fait, il devient donc indispensable de reconsidérer le vivant et la nature comme un tout dont nous faisons partie et qu’il est primordial de respecter. Dans notre propre intérêt.
– Simon Verdière
Photo de couverture de Diogo Miranda. Pexels.