Du soleil californien au ciel gris de Paris, la pratique de l’agriculture urbaine bouscule les espaces urbanisés des grandes capitales et enracine la nature dans le quotidien des citadins. Nourrir, sensibiliser, rassembler… loin des diktats de l’agro-industrie, ces méthodes semblent réenchanter nos villes…mais aussi nos assiettes. Exploration.
Nous sommes en 1985, pas loin de Los Angeles. Dans un quartier à faible revenus du nord-ouest de Pasadena, Jules Dervaes s’installe avec ses trois enfants dans leur nouvelle propriété établie sur une surface de moins de 400 m2.
Loin de s’identifier au grand American Dream vendu par son époque, le jeune père de famille ne rêve pas d’une piscine à débordement entourée d’une pelouse tondue à perfection et verte toute l’année. Une autre ambition lui hante l’esprit : faire de se jardin un endroit nourricier, remuant, vivant.
Un projet rêvé
Près de cinquante ans plus tard, Jules Dervaes n’est plus de ce monde. Son rêve pourtant, survit encore. Anaïs, Justin et Jordanne, ses trois enfants, se sont retroussés les manches et ont mis toute leur énergie à faire perdurer ce projet fabuleux : produire chaque année plus de trois tonnes d’aliments en zone urbaine pour nourrir toute une communauté.
« Notre maison transformée en ferme a été la pionnière d’un modèle de durabilité urbaine dans la ville », confie la fratrie sur leur blog en ligne depuis 2001. Pour cette deuxième génération d’agriculteurs urbains, la mission ne se résume pas à produire de la nourriture, elle souhaite aussi « nourrir la communauté ».
La ferme peut ainsi abriter jusqu’à 400 variétés de plantes d’après le reportage de Emma Loewe sur Mindbodygreen, bien que cela dépende de plusieurs facteurs environnementaux comme la sécheresse, la faune locale et la végétation des maisons voisines. « C’est un défi de faire croître les choses de manière organique » a déclaré Jules à Mindbodygreen dans un e-mail : « Parfois, nous devons simplement laisser faire la nature, et si les cultures sont trop infestées, nous les arrachons et en plantons un autre lot ».
C’est en ce sens qu’en plus de la production de fruits et légumes biologiques, le centre propose également des stages de formation à l’agriculture urbaine, des visites de sensibilisation et divers ateliers, en plus d’organiser des dons alimentaires et de mettre en avant les talents musicaux des artistes de la région.
Dans le soucis de proposer un panier complet aux familles avoisinantes, la ferme urbaine s’est associée à d’autres producteurs et artisans des environs pour proposer une farm box (panier fermier) diversifiée suivant les saisons.
L’alimentation sous un autre jour
La famille Dervaes l’assure, « l’agriculture est un quotidien semé de hauts et de bas », mais une chose n’en est pas moins certaine : « cultiver votre propre nourriture vous permet d’apprécier et de comprendre l’énergie et les efforts nécessaires pour amener la nourriture de la ferme à la table », assure-t-elle dans un interview pour Mindbodygreen.
« Que vous viviez dans un appartement, en banlieue ou sur 10 ares, notre mission est de nous connecter avec des gens qui aspirent à reprendre leur nourriture et à vivre un mode de vie plus durable et conscient ».
Pour les jeunes défenseurs d’une alimentation saine, il est primordial que chacun d’entre nous prennent « de petites mesures qui, collectivement, ont un impact important », même s’il s’agit de cultiver quelques herbes sur votre balcon ou de soutenir votre marché de producteurs locaux.
Une partie de la solution ?
Et pour cause, nos choix alimentaires ont un impact environnemental non-négligeable : entre accaparement des terres, pollution des eaux souterraines, émissions considérables de gaz à effet de serre, érosion des sols, déclin de pollinisateurs et de la biodiversité en général,… Il est urgent de revoir nos modes de consommation.
Si l’agriculture sur petites surfaces urbaines n’a pas pour vocation de remplacer la capacité de production des exploitations rurales, elle se révèle toutefois riche en promesses sur le plan écologique, social et économique.
Pratiquée sur des toits, dans des arrières-cours, des jardins publics ou même des terrains vagues, l’agriculture urbaine a pour mission de faire renaître une nature nourricière en ville. Si les cultures et les rendements sont certainement limités, les gains pour la santé des agriculteurs et des bénéficiaires sont assurés.
En janvier dernier, une étude américaine publiée dans la revue scientifique The Lancet assurait ainsi que s’investir dans un potager collectif permettait de faire davantage d’activité physique, de manger plus de fruits et légumes et de faire baisser notre niveau de stress et d’anxiété.
L’essor de l’agriculture urbaine
Les fermes urbaines et péri-urbaines qui se multiplient depuis quelques dizaines d’années participent également à créer des emplois durables, à relocaliser une partie de la nourriture consommée par les citadins et s’acquittent bien souvent d’activités de sensibilisation nécessaires pour un public qui passe la majorité de son quotidien « hors-sol ».
En France par exemple, plusieurs projets ont vu le jour. Citons par exemple la Recyclerie dans la capitale, l’Oasis citadine à Montpellier ou encore l’Agronaute à Nantes. L’AFAUP, le réseau national des professionnels de l’agriculture urbaine, permet aux porteurs de projet d’échanger sur leurs modèles et aux plus curieux de s’informer sur le développement de ce mode de production.
Si chacun d’entre nous n’est pas destiné à devenir agriculteur, il est tout de même possible de se lancer à titre personnel et récréatif. Allant du troc de quelques boutures à l’aménagement d’un jardin-forêt au coeur de la ville, les possibilités sont nombreuses et variées. Pour plus d’informations, Ophélie Damblé, alias Ta Mère Nature, propose par exemple des tutos et seedbombs à volonté !
– L.A.